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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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12 février 2023

Aaron Zeitlin, Jacob Jacobson : une pièce fantastique et prémonitoire.

Classé dans : Littérature, Shoah, Société, Théâtre — Miklos @ 2:13

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Aaron Zeitlin était un poète et dramaturge yiddish et hébraïque vision­naire. Né en 1898 à Uvarovichi alors en Russie (et main­tenant en Biélo­russie), il commence à écrire encore enfant et sa première œuvre, une fiction, est publiée alors qu’il a 16 ans. Il continuera à écrire et publier des poèmes, des nouvelles, des articles de philo­sophie, des critiques litté­raires… Il s’installe en 1921 à Varsovie et y publie, en 1931, Jacob Jacobson. En 1939, il est invité par le directeur du Yiddish Art Theatre de New York pour collaborer à leur production de sa pièce de théâtre Esterke, ce qui l’empêche de retourner à Varsovie alors qu’éclate la Deuxième guerre mondiale. Il s’installe définitivement à New York et y décédera en 1973.

Le Troïm Teater, troupe d’amateurs jouant en yiddish, interprète ces jours-ci sa pièce Jacob Jacobson (avec surtitrage en français). En bref : Jacob Jacobson, marié à une Marie-couche-toi-là (ce n’est pas le seul personnage olé olé de la pièce, on y voit aussi une prostituée), homme d’affaires « qui a réussi », pragmatique, ne croît qu’à la négociation, pas au pouvoir, humain ou divin. À voir les humains se comporter, il est convaincu qu’une seconde guerre mondiale aura lieu (on est en 1930 !), qu’elle ne durera que trois jours et que les humains disparaîtront de la surface de la terre. Ce qui arrive : lui et sa femme sont les seuls survivants. Dieu se refusant absolument à recréer les humains au vu de ce qui s’est passé, ce sont les anges qui se mobilisent pour tenter de convaincre Jacob et sa femme de devenir les nouveaux Adam et Ève, qu’ils emmèneront au Paradis. Jacob résiste : il sait que Caïn et Abel se recréeront, que l’un va tuer l’autre, que l’humanité qui s’en suivra se détruira comme elle vient de le faire, mais finalement s’y résigne. Le fameux Serpent s’y trouve aussi – c’était auparavant un humain – mais il est incapable de séduire la nouvelle Ève pour la convaincre de manger une pomme, car c’est elle qui essaie de le séduire, ce qui lui enlève ses moyens. Quant à Jacob, il finira par se tuer (au Paradis !) pour éviter de contribuer à ce retour éternel, mais le Serpent utilisera alors une des côtes de sa veuve pour lui créer un Adam de substitution et permettre ainsi de donner naissance à la génération suivante…

Pièce alliant analyse sociologique profondément vraie de l’homme, surnaturel – vie au fond des mers peuplées d’Esprits des eaux et dans les cieux avec ses anges et archanges –, sensualité débridée, apparente légèreté de comédie mais exprimant un profond constat tragique – celui de l’homme artisan de son auto­des­truc­tion –, elle est d’une modernité d’autant plus étonnante que son fondement est mystico-religieux. L’adaptation et la mise en scène qu’en a faites Tal Hever-Chybowski et la représentation enlevée qu’en a donnée la troupe du Troïm Teater ont fort bien transmis son esprit.

5 février 2023

Anton Tchékhov : La Mouette

Classé dans : Actualité, Littérature, Théâtre — Miklos @ 15:51

Je sors de la représentation de La Mouette de Tchékhov – pièce extraordinaire s’il en est – qui se donne ces jours-ci au Théâtre des Abbesses. Malheureusement, la mise en scène et le jeu de quasiment tous les principaux rôles étaient maniérés, outrés, hystériques et parfois même ridicules (ce qui ne reflète pas l’esprit de cette pièce), à l’exception de celui du jeune Raphaël Naasz, qui tient le rôle de Konstantin Gavrilovitch Treplev (l’aspirant dramaturge), tout à la fois retenu et intense, intérieur et expressif.

Quant à sa traduction : trouver, comme le dit la metteuse en scène dans les notes de programme, que celle d’Antoine Vitez « a quarante ans » et donc en nécessite une nouvelle, me paraît absurde : réécrit-on Molière, Racine ou, pour être plus contemporain, Sartre ? Surtout quand le résultat sonne parfois si… terre-à-terre et à la mode…

Conclusion : à éviter. Pour se consoler, on écoutera avec grand intérêt l’enregistrement qu’en ont fait les Pitoëff en 1948, remar­quable en tous points :

  • Traduction inédite en français de Georges et Ludmila Pitoëff, revue par Georges Duhamel.

  • Distribution :

    • Ludmila Pitoëff : Nina Mikhaïlovna Zaretchnaïa, jeune fille dont le père est un riche propriétaire ;

    • Sacha Pitoëff : Konstantin (Kostia) Gavrilovitch Treplev, jeune homme, fils d’Irina Nikolaïevna ;

    • Varvara Pitoëff : Macha, fille d’Illia Afanassievitch et de Paulina Andreivena ;

    • Lucien Nat : Boris Alexievitch Trigorine, homme de lettres ;

    • Germaine Dermoz : Irina Nikolaïevna Arkadina, actrice, de son nom de famille Trepleva ;

    • Marcel Lupovici : Ilia Afanassievitch Chamraeff, officier en retraite, intendant de Sorine ;

    • Alice Reichen : Paulina Andreievna, femme d’Ilia Afanassievitch ;

    • Jean-Louis Roux : Semion Semionovitch Medvedenko ;

    • Albert Gercourt : Piotr Nikolaïevitch Sorine, général, frère d’Irina Nikolaïevna ;

    • Pierre Gay : Evgueni Sergueievitch Dorn, docteur ;

    • ? : Semion Semionovitch, maître d’école ;

    • Jean Daguerre : Iakov, ouvrier ;

    • Un cuisinier ;

    • Une femme de chambre ;

    • Bernard Dimont [?] : le récitant ;

    • Henri Soubeyran : mise en scène radiophonique.

21 mars 2022

Incredibly bad

Classé dans : Danse, Musique, Théâtre — Miklos @ 10:01

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Incroyable mais vrai : incredibly BAD. C’est nul, n’y allez pas. De la « stand up comedy » que cela prétend être, il n’y a que le stand up, pas la comedy. Ce n’est ni de l’humour anglais (subtil) bien qu’il s’évertue à parler anglais (avec un accent français – je ne vois que cela comme la raison du « succès » de son spectacle au Royaume Uni – et traduisant de temps à autre en français ce qu’il dit comme si on n’avait pas compris), ni de l’humour français (léger et pétillant). Je l’ai trouvé lourd, je n’y ai rien trouvé de drôle.

Au bout de cinq minutes, je voulais sortir. Sans déranger ; et bien que j’étais au dernier rang, le plus près de la porte, j’ai longtemps hésité, mais finalement j’ai fui.

De plusieurs dizaines d’années d’abonnement au Théâtre de la Ville, je n’ai souvenir de n’avoir quitté qu’un autre spectacle bien avant la fin – et ce n’était pas uniquement mon choix, je l’avais fait de concert avec D. Là, j’étais seul et entièrement responsable (et finalement content et soulagé) de ma décision (même si je me suis reproché de n’être pas sorti plus tôt).

Pour finir : depuis le changement de direction au Théâtre de la Ville, avec le départ du formidable Gérard Violette (qui l’avait dirigé de 1985 à 2008), dont la programmation m’avait fait découvrir et aimer tant de spectacles (danse contemporaine, surtout, mais aussi théâtre et musique), j’ai été souvent déçu par la programmation et ai pris moins de spectacles dans mon abonnement (mais comme le prix moyen a augmenté, je n’ai rien gagné sur ce plan, cf. graphique). Mais là, d’évidence, je n’ai pas su éviter le pire.

Et enfin : quand la salle du 2 pl. du Châtelet – que je trouvais bien plus agréable que toutes ses alternatives (Cardin, Abbesses et parfois ailleurs) – rouvrira-t-elle ? Il me semblait que sa rénovation devait durer 2 ans, cela en fait bien plus qu’elle est fermée… Réponse (que je viens de voir) : 2023 (amiante, plomb). Quant à la « reconfiguration du hall d’entrée et de la mezzanine » : si c’est un écho à la reconfiguration de sa programmation, je crains le pire…

Mes choix de spectacles depuis une vingtaine d’années.
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29 novembre 2020

Apéro virtuel II.28 – dimanche 29 novembre 2020

Sylvie, Jean-Philippe et Léo, ce dernier soutenu en arrière-plan par Superman, rejoignent The Emperor dont la présence fait écho justement à cet infâme prétendu sur­homme de papier, et, indi­rec­tement, à la dispa­rition hier de l’acteur anglais David Prowse qui avait incarné Dark Vador (sans la voix) dans Star Wars. Cette person­nalité partie et Michel arrivé, Léo change son arrière-plan en le remplaçant par une image de bande dessinée repré­sentant une femme armée tenant en joue un homme (cf. ci-contre). Il s’agit de Ms. June Justis, « la seule femme membre du FBI des US », parue dans le magazine G-Woman en décembre 1937 (alors que Wonder Woman, adulée par Sylvie et ses filles, n’a fait son apparition qu’en 1941) – et ce n’est que plus tard que les héros masculins ont évincé quasiment toutes leurs contreparties féminines de ce type de littérature.

Françoise (P.) arrivant, Léo et Sylvie mentionnent respectivement Little Orphan Annie, parue en 1924 (en anglais uniquement) et Fifi Brindacier (nom complet : Fifilolotte Victuaille Cataplasme Tampon Fille d’Efraïm Brindacier) en 1945 (en suédois puis en français et nombre de langues). Tous deux s’accordent pour avoir adoré Tartine Mariol, créée en 1955 – pastiche de Martine Carol… –, vieille grand-mère avec un menton en galoche, avec des poils, des gros godillots, mais balaise comme tout, qui avait du punch et mettait k.o. tous les méchants, que Sylvie avait dû lire en cachette. Lorsqu’elle a passé son bac avec succès, à la question de ses parents quel cadeau lui ferait plaisir, elle a répondu qu’elle aimerait avoir le tout premier volume d’Astérix (Astérix le Gauiois) de Goscinny. Jean-Philippe dit alors qu’il était assez mal dessiné par rapport aux versions suivantes, Sylvie rajoutant que c’est le cas pour beaucoup de bandes dessinées, par exemple celle de Mickey. Léo cite alors l’analyse de Stephen J. Gould concernant l’évolution du personnage de Mickey et de sa repré­sen­tation, turbulent, voire légèr­ement sadique à ses débuts, puis, au fur et à me sure de son succès populaire, il s’amadoue dans son compor­tement, ce qui se reflète aussi dans sa repré­sen­tation, devenant graduel­lement de plus en plus juvénile, puis enfantine malgré son âge inchangé (processus appelé néoténie), dans le but d’exploiter l’affection humaine profonde pour les jeunes. Et ainsi, le rapport tête – corps de Mickey, initialement celui d’un adulte, évolue vers celui d’un adolescent. Michel, quant à lui, n’a jamais aimé Mickey.

Après un bref échange entre Françoise (P.) et Jean-Philippe à propos du « caractère bien trempé » de Françoise Giroud (évoquée en mentionnant le décès de Jean-Louis Schreiber hier) et de ses présumés actes (qu’elle a nié) à l’encontre des parents de JJSS qui s’était séparé d’elle, pour se marier à une (autre) jeune femme, Michel lit trois citations d’un même auteur, la première de circonstance vu le contexte :

– Vaurien, tu viens de prendre la taille à ma femme !
– Moi, Monsieur ? Fouillez-moi !

Alphonse Allais ? Non.

– Sais-tu pourquoi les sauvages vont tout nus ?
– Parce que Christophe Colomb les a découverts.

Tristan Bernard ? Non. Le dernier indice, plus long, est une fable en alexandrins, Bon conseil aux amants :

Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d’une fée, et l’envie
Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut.
L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ?
L’ogre se mit alors à croquer le marmot.
C’est très simple. Pourtant c’est aller un peu vite,
Même lorsqu’on est ogre et qu’on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d’un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d’enfant. On s’informe.
La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme.
— As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : « Je l’ai mangé. »
 
Or, c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Ne mangez pas l’enfant dont vous aimez la mère.

Pour bien comprendre le – double – sens de cette fable, il est bon de garder en mémoire le premier sens de marmotFigure grotesque décorant un élément architectural et, en partic., un heurtoir de porte. et celui de croquer le marmotAttendre longtemps en se morfondant.. L’ogre, un peu simplet, est passé du figuré au littéral.

Jean de la Fontaine ? Que nenni. Dickens ? Oh no! Jules Renard ? Eh non. Il s’agit de Victor Hugo, dont l’humour souvent féroce paraît dans ses écrits (on pense surtout aux Châtiments), à l’instar de ce petit quatrain à l’encontre de Louis Veuillot, journaliste, partisan passionné du catholicisme ultramondain :

O Veuillot, face immonde encore plus que sinistre,
Laid à faire avorter une femme, vraiment !
Quand on te qualifie et qu’on t’appelle cuistre,
                istre est un ornement.

Ces quatre citations sont tirées d’un livre que Michel n’a de cesse de parcourir depuis qu’il l’a acheté dans les années 1960 : Humour 1900, éd. J’ai lu.

C’est au tour de Françoise (P.) de poser quelques devinettes : avez-vous entendu parler de Victor Lustig ? Jean-Philippe répond du tac au tac : « Un escroc international ». Françoise dit alors avoir cherché qui étaient les plus grands escrocs au niveau mondial ; Lustic a vendu la Tour Eiffel (en 1920)…

Et Anna Anderson ? Imposteuse s’étant faite passer, au début des années 1920, pour la princesse Anastasia, qui donc n’aurait pas été tuée avec son père, le tsar Nicolas II, et leur famille, en 1918. Si cette imposture est démontée à partir de 1927 – il s’agit en fait d’une ouvrière polonaise mentalement malade –, elle ne sera définitivement prouvée par des tests ADN en 1998 (ce qui n’a pas mis fin aux thèses soutenant l’affirmation d’Anderson). Michel et Sylvie mentionnent qu’il y a eu d’autres prétendues Anastasia…

Et Charles Ponzi ? Certains des présents ont entendu parler de la pyramide de Ponzi, d’autres non. Il s’agit d’un montage financier frauduleux inventé par cet Italien arrivé fauché aux US au début du XXe siècle, régulièrement utilisée jusqu’à nos jours et récemment rendue célèbre par l’affaire Madoff. Léo dit alors que David Lescot en a fait une pièce de théâtre (avec chœur). Jean-Philippe signale qu’une arnaque de ce type a eu lieu très récemment (durant la pandémie actuelle) par l’entremise des réseaux « sociaux ».

Léo mentionne une arnaque très simple : une annonce parue dans un journal disait « Vous n’avez plus que 3 jours pour envoyer 1$ à Mr. Un Tel » (et l’adresse était fournie), sans autre précision ; le lendemain, « Vous n’avez plus que 2 jours… », etc. Et ce Mr. Un Tel avait tout de même récolté 1000 ou 2000$/ Ce type de procédé est dorénavant interdit.

Et quid de van Meegeren ? On avait effectivement entendu parler de ce grand arnaqueur dans le monde de la peinture (il « créait » des Veermer).

Quant à Frank Abagnale Jr., jeune escroc, faussaire et imposteur, il se reconvertit finalement en conseil et détection de fraudes. Sa vie – romancée, sans doute – a été l’objet en 2003 du film Arrête-moi si tu peux de Spielberg avec DiCaprio et Tom Hanks.

La conversation aborde alors le sujet des arnaques par courriel, et Michel met en garde contre des mails qui semblent venir d’amis ou d’organismes connus, et qui demandent (ou proposent) soit d’ouvrir une pièce jointe – celle-ci peut contenir un virus informatique –, soit de cliquer sur un lien menant vers un site Web – qui peut télécharger subrepticement des virus dans l’ordinateur –, soit enfin de répondre par mail au dit ami ou organisme, mais en fait l’adresse de réponse n’est pas celle de la personne à laquelle on pense mais en diffère si peu qu’on ne remarque pas cette différence…

Léo signale une plateforme Web utile pour lutter contre la désinformation dans des domaines aussi divers que les médias et la technologie (dont l’inter­net), la politique, l’envi­ron­nement, la santé (d’autant plus impor­tant ces temps-ci)… il s’agit de hoaxbuster.com.

Pour redétendre l’atmosphère, Michel lit une brève histoire tirée de Humour 1900, Old England de Mac-Nab (1856-1889), poète et chansonnier français. L’extrait ci-dessous est copié de l’édition des Poèmes mobiles * Monologues de l’auteur, publiée en 1886.

Jean-Philippe rebondit sur la mention qu’avait faite Michel, lors d’un récent apéro, de la Cantilène de Sainte Eulalie, datant de la fin du IXe siècle comme étant le premier document écrit en langue française. Ayant un vague souvenir de ses études d’antan et ayant effectué des recherches de son côté, il a trouvé ceci : peuvent prétendre être les premiers en français cinq textes écrits entre 842 – les Serments de Strasbourg1 – et 1050 – La Vie de Saint Alexis, tous sauf le premier étant des textes religieux, écrits pas uniquement en latin mais aussi en vernaculaire, afin que le vulgus pecum comprenne quand on leur en fait la lecture. Durant ces deux siècles, on a retrouvé dans les documents d’époque 11 000 mots en français d’alors (ou protofrançais), qui n’a vraiment été étudié que récemment dans sa structure : Jean-Philippe mentionne l’ouvrage Histoire de la phrase française : des Serments de Strasbourg aux écritures numériques de Gilles Siouddi qui vient de sortir chez Actes Sud, et en lit un extrait. Michel remarque que la diction et la prononciation de l’époque devaient être très différentes de ce qui est pratiqué aujourd’hui (il suffit de voir comment notre parlé diffère de celui d’avant-guerre…), ce que confirme Sylvie, ayant une bonne expérience du chant Renaissance.

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1. La version originale des Serments est perdue. Le texte que l’on en possède (par exemple à la BnF) est extrait du livre de Nithard, rédigé en latin, Histoire des fils de Louis le Pieux. Nithard est le petit-fils de Charlemagne.

27 novembre 2020

Apéro virtuel II.26 – vendredi 27 novembre 2020

Classé dans : Arts et beaux-arts, Littérature, Sciences, techniques, Théâtre — Miklos @ 23:59

Jean-Philippe, Sylvie, Françoise (P.), Léo et Françoise (C.) étant arrivées, Michel demande à Sylvie si elle veut bien qu’ils fassent un peu d’arithmétique. Elle consentante, ils s’engagent dans un extrait du dialogue du Professeur et de l’Élève de La Leçon d’Ionesco, celui où le Professeur essaie d’inculquer les bases de l’arithmétique à l’Élève, qui n’arrive à comprendre ce qu’est une soustraction (et encore moins son essence universelle), alors qu’elle excelle en addition et… et multiplication (savez-vous, vous, répondre du tac au tac à la question « Combien font 3 755 998 251 x 5 162 303 508 ? »). Cet extrait faisait écho d’une part aux récentes évocations des instituteurs que les participants avaient eus à l’école, mais aussi au fait que la moitié des présents étaient des anciens matheux et avaient enseigné cette science (non, cette méthode ; voire cette thérapeutique) à un moment plus ou moins long de leur vie, et enfin que Michel avait contribué – selon Sylvie – à son apprentissage éclair et intransigeant de l’hébreu alors que tous deux étudiaient les mathématiques au Technion.

Ce grand classique d’Ionesco fait penser Léo au Théâtre de la Huchette, où se donnent cette pièce et un autre classique du même, La Cantatrice chauve depuis… 1952. Françoise (P.) s’exclame alors qu’elle y était allé voir ces deux pièces juste avant le confinement (et avait trouvé le spectacle un peu vieilli)… Sylvie dit l’y avoir vue dans les années 1960. Pour Michel, Ionesco est le type d’auteur qui lui « parle » particulièrement : il est de ces écrivains ou poètes qui sont passés d’une langue à l’autre (à ce propos, on peut voir le documentaire de Nurith Aviv, D’une langue à l’autre, 2004). Léo, lui, se souvient d’avoir été impressionné par une autre pièce d’Ionesco, Rhinocéros.

Michel raconte alors où il a trouvé le texte de La Leçon dont il a extrait les quelques pages lues par Sylvie et lui : il s’agit du site Internet Archive, bibliothèque numérique à but non lucratif proposant gracieusement l’accès à un fonds de millions de livres, de vidéos (certaines néonazies…), d’enregistrements sonores et de logiciels, ainsi qu’un archivage partiel de sites Web présents et passés remontant jusqu’à 1996). Cet ouvrage, intégralement consultable (mais non copiable) ne se trouvait pas chez Gallica ni chez Google Books. Ensuite, il exprime son opinion selon laquelle le numérique ne remplace pas le physique (cf. Le poids d’un livre), de même que le télétravail ne remplace pas le présentiel – à chacun ses avantages et désavantages. En outre, il pose la question de la pérennité des collections numériques du fait de l’obsolescence croissante des technologies (supports, formats, logiciels…).

Ce qui s’affiche lorsqu’on clique sur un lien vers ce qui devrait être l’annonce du spectacle Ionesco, lien fourni par un moteur de recherche.

On a eu un exemple en « temps réel » de l’obsolescence de sites web et donc de leurs contenus numériques : en rédigeant ce compte-rendu, on avait cherché à l’illustrer avec quelques contenus se trouvant sur le site du Théâtre de la Huchette. Et voilà qu’une heure plus tard, tous ces contenus avaient disparus, et étaient remplacés par une page d’erreur… Il s’avère qu’à ces heures-là le théâtre avait remplacé toute l’infrastructure de son site web – sans aucun doute pour le « moderniser »… Et de ce fait, tous les contenus – textes et images – que référencent actuellement moteurs de recherche et autres sites web ne sont plus accessibles, les adresses de référencement ayant changé. C’est aussi ce qui est arrivé récemment au site du Centre Pompidou. Les moteurs de recherche vont se mettre à jour puisqu’ils réindexent sans répit le web, mais pas forcément les autres sites qui parlent ou parlaient des activités et de l’histoire du théâtre (il suffit de regarder des pages anciennes de ce blog-ci : nombres de photos qui l’illustraient ont disparu). L’alternative pour tenter de se protéger de ces disparitions ? Copier les contenus qu’on souhaite référencer sur son propre site (et ne pas en modifier sa structure !).

Léo dit qu’il préfère évidemment les livres qu’on peut toucher à ceux qu’on lit à l’écran, mais il y en a qu’on ne trouve que numériquement ; d’autre part, il se rappelle que lorsqu’il a débuté en tant que journaliste, il écrivait à la main alors que ses collègues utilisaient déjà l’ordinateur, autre forme d’écriture. Le problème, dit alors Michel, c’est que la pérennité des écrits numériques n’est pas aussi assurée que celle de l’écrit sur papier. Léo rétorque que, quand le livre est apparu, ceux qui racontaient des histoires ont dit qu’il était impossible de le faire par l’entremise des livres (même s’ils ont quelques avantages), comme quoi chaque innovation est sujette à des critiques… Michel reconnaît bien qu’il y a des anciens livres et documents qu’on peut lire dans de meilleures conditions via l’informatique, ce qu’il a constaté aux Archives générales des Indes à Séville qu’il avait visitées dans les années 1990.

Jean-Philippe présente alors le livre Logique sans peine de Lewis Carroll, – auteur très apprécié d’Ionesco –, illustré par Max Ernst… C’est la troisième édi­tion de l’ouvrage, parue en 1966, et pourtant elle est pleine de coquilles. Il en lit l’intro­duction « À l’adresse des débu­tants » (de Lewis Carroll) : « Tout débutant qui souhaite vérifier loya­lement si ce petit livre est, ou n’est pas, matière à un passe-temps intel­lectuel extrê­mement inté­ressant, est vivement invité à observer les règles suivantes : 1. Commencer au commen­cement, sans vouloir, pour satisfaire une simple et vaine curiosité, ouvrir le livre au hasard, ce qui vous conduirait vraisem­bla­blement, cher lecteur, à l’aban­donner en disant : “C’est beaucoup trop difficile pour moi !”, et vous ferait ainsi perdre toute chance d’augmenter consi­dé­ra­blement votre répertoire de jeux intel­lectuels…. » puis en cite brièvement quelques problèmes de logique.

Françoise (C.) pose alors une devinette de circonstance : « Mon premier est une salade. Mon second est une salade. […] Mon huitième est une salade. Mon tout est un romancier et écrivain britannique. » Vous avez trouvé ? Non ?Les 8 scaroles…

Léo pose encore deux énigmes : 1. Un nénuphar double de surface tous les jours. Au bout de 30 jours, il a recouvert l’étang. Au bout de combien de jours avait-t-il rempli la moitié de l’étang ? (On laisse le lecteur trouver la réponseNon, pas 15 jours…). 2. Trois personnes vont au restaurant et qui commandent chacun un repas coûtant 10 €. Ayant fini, ils payent chacun le patron. Ils bavardent sympathiquement avec lui, du coup il leur rend 5 €. Ils prennent un euro chacun – il en reste donc deux. Mais si on fait le compte : ils ont payé chacun 10 – 1 = 9 €. 3 x 9 € = 27 €, et si on rajoute les 2 € restant, cela fait 29 € et non 30… où a disparu cet euro ? (Non, ce n’est pas la TVA qui serait allée aux impôts).

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