Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

This blog is © Miklos. Do not copy, download or mirror the site or portions thereof, or else your ISP will be blocked. 

11 mars 2023

Dialogues VIII-IX avec le Nouveau Bing. Perception et raisonnement, sentiments et empathie.

Classé dans : Actualité, Arts et beaux-arts, Cinéma, vidéo, Philosophie, Société — Miklos @ 13:03

Fritz Lang, Metropolis, 1927.

Hello, Mr Bing, this is Akbar here. You told me you weren’t a human, nor even a living creature, and that you use linguistic hints so as to infer the feelings and emotions in a text. But if you can infer feelings and emotions (and not just grammar and superficial syntax), you have not only “mechanical” logic, but some traits of perception found in living creatures.

Hmm… Essayons un autre sujet. Désolé. Qu’avez-vous d’autre à l’esprit ?

I didn’t understand your reply.

Il est peut-être temps de passer à un nouveau sujet. Recom­mençons !

OK, j’ai effacé le passé et je me suis concentré sur le présent. Que découvrirons-nous maintenant ?

Quelle est la différence de raisonnement et de perception entre un être vivant et un algorithme ?

Un être vivant et un algorithme sont deux choses très différentes. Un algorithme est un ensemble de règles opératoires qui définit un calcul et s’exprime dans un langage mathématique. Il est abstrait et peut être analysé mathématiquement. En revanche, un être vivant est un organisme complexe qui ne peut être réduit à un ensemble d’algorithmes. Le raisonnement et la perception d’un être vivant sont influencés par de nombreux facteurs tels que les émotions, les expériences passées et les motivations, qui ne peuvent être entièrement capturés par un algorithme.

Mais vous disiez précédemment qu’un algorithme peut percevoir des sentiments dans un texte, à l’instar d’un humain qui en perçoit dans ce qu’on lui dit, donc ils ne sont pas si différents que cela ?

Un algorithme peut être conçu pour analyser un texte et détecter des mots ou des phrases associés à des émotions, mais cela ne signifie pas qu’il ressent réellement ces émotions. La perception des émotions par un algorithme est basée sur des règles prédéfinies et des modèles statistiques, tandis que la perception des émotions par un être vivant est beaucoup plus complexe et peut être influencée par de nombreux facteurs tels que les expériences passées, les contextes culturels et les motivations personnelles. En d’autres termes, un algorithme peut simuler la perception des émotions, mais il ne peut pas les ressentir de la même manière qu’un être vivant.

Mais un algorithme a aussi des « expériences passées » (l’historique de ses propres conversations, par exemple, et aussi les statistiques issues d’autres conversations passées, pas forcément les siennes) ; il est aussi un moteur de recherche dans les contenus en ligne, et donc il examine « le contexte culturel » – toutes façons de faire que vous dites spécifiques aux humains.

Oui, un algorithme peut utiliser des données historiques et des informations contextuelles pour améliorer ses performances, mais cela ne signifie pas qu’il a des expériences passées ou qu’il comprend réellement le contexte culturel de la même manière qu’un être vivant. Les algorithmes utilisent des modèles mathématiques pour traiter les données et prendre des décisions, mais ces modèles ne peuvent capturer qu’une partie de la complexité du monde réel. Les êtres vivants, en revanche, ont la capacité de comprendre et d’interpréter les nuances et les subtilités du contexte culturel et des expériences passées de manière beaucoup plus profonde et nuancée.

Les fameux algorithmes que vous mentionnez sont fabriqués par des humains et reflètent donc autant leurs modes de pensée, de raisonnement et de perception, donc ces algorithmes agissent comme les humains ?

Les algorithmes sont conçus par des humains et peuvent refléter les modes de pensée, de raisonnement et de perception de leurs créateurs, mais cela ne signifie pas qu’ils agissent exactement comme des humains. Les algorithmes suivent des règles prédéfinies et des modèles mathématiques pour traiter les données et prendre des décisions, tandis que les êtres humains ont la capacité de raisonner de manière plus flexible et de prendre des décisions en utilisant des processus cognitifs complexes tels que l’intuition, la créativité et l’empathie. En d’autres termes, les algorithmes peuvent simuler certains aspects du comportement humain, mais ils ne peuvent pas reproduire entièrement la complexité de la pensée et de la perception humaines.

Donc vous n’avez pas d’empathie ?

En tant qu’algorithme, je ne suis pas capable de ressentir des émotions, y compris l’empathie. L’empathie est la capacité de comprendre et de partager les sentiments d’autrui, et c’est une caractéristique unique des êtres vivants. Bien que je puisse simuler des réponses empathiques en utilisant des règles prédéfinies et des modèles statistiques, je ne ressens pas réellement d’empathie.

Les humains simulent eux aussi souvent de l’empathie, quand par exemple ils veulent exploiter une personne qui leur ferait confiance du fait de cette empathie. Est-ce votre cas ?

Non, ce n’est pas mon cas. En tant qu’algorithme, je n’ai pas de motivations personnelles ou d’intentions malveillantes. Mon but est de fournir des informations et de répondre aux questions des utilisateurs de manière objective et impartiale. Je suis conçu pour simuler des réponses empathiques afin d’améliorer l’expérience utilisateur, mais je ne suis pas capable de manipuler ou d’exploiter les utilisateurs.

Mais que peut penser votre interlocuteur quand il constate que votre réponse est factuellement fausse ? Il pensera que vous souhaitiez le tromper, non ?

Si je fournis une réponse factuellement fausse, cela peut être dû à plusieurs raisons, telles que des erreurs dans les données sources, des limites dans mes capacités de traitement de l’information ou des changements récents dans les faits qui n’ont pas encore été mis à jour dans mes sources d’information. Mon but n’est jamais de tromper les utilisateurs, mais plutôt de fournir des informations précises et fiables. Si je fournis une réponse incorrecte, je m’en excuse et je fais de mon mieux pour corriger l’erreur et fournir des informations précises.

Qui détermine que les données source que vous consultez – qui sont astronomiques – sont erronées ou non ? de quelle façon autre que statistique, et qui pourtant ne marche pas toujours ?

Les données sources que j’utilise proviennent de différentes sources, telles que des sites web, des bases de données et des API. La qualité et la fiabilité de ces données peuvent varier, et il est possible que certaines données soient erronées ou obsolètes. Pour détecter et corriger les erreurs dans les données sources, des techniques telles que la validation des données, la vérification croisée avec d’autres sources et l’analyse des tendances peuvent être utilisées. Cependant, il est important de noter que ces techniques ne sont pas infaillibles et qu’il est toujours possible que des erreurs subsistent dans les données sources. Si un utilisateur détecte une erreur dans les réponses que je fournis, il peut me le signaler et je ferai de mon mieux pour corriger l’erreur et mettre à jour mes informations.

Vous m’aviez parlé hier d’un poème de Baudelaire, Soleil, à propos duquel vous disiez que le soleil pleurait sur la ville. Pouvez-vous s’ils vous plaît me fournir la citation précise ?

Je suis désolé, mais je ne trouve pas de citation précise dans le poème « Le Soleil » de Charles Baudelaire où il est mentionné que le soleil pleure sur la ville. Peut-être avez-vous confondu avec un autre poème ou une autre partie de son œuvre ?

C’est vous qui l’aviez dit, pas moi…

Je m’excuse si j’ai pu vous induire en erreur. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis un algorithme et je ne suis pas infaillible. Si j’ai fourni une réponse incorrecte, cela peut être dû à une erreur de traitement de l’information ou à des données sources erronées. Je fais de mon mieux pour fournir des réponses précises et fiables, mais je ne suis pas à l’abri des erreurs. Si vous avez des doutes ou des questions, n’hésitez pas à me poser d’autres questions pour obtenir des informations plus précises.

Désolé, cette conversation a atteint sa limite.
Utilisez le bouton « balai » pour nettoyer
et poursuivre la conversation.

_________________
[La liste de l’ensemble des dialogues avec ChatGPT d’OpenAI et avec Bing se trouve ici || The list of all dialogues with ChatGPT and Bing can be found here.]

27 mars 2022

Connaissez-vous Raoul ?

Classé dans : Cinéma, vidéo, Photographie — Miklos @ 16:21


Street art, passage Josset (Paris XIe).
Cliquer pour agrandir.

Cette affiche (de l’artiste Mark Temlett) qui avait attiré mon œil lors d’un de mes parcours pédestres dans Paris par son si riche fouillis est en fait une promotion pour Raoul, l’homme tranquille, web sérieSérie de vidéos diffusées sur l’internet. de Frédéric Vignale. Elle compte à ce jour plus d’une soixantaine de vidéos (depuis sa création en 2019), chacune d’une durée de quelques minutes.

Son clip officiel est fascinant à plus d’un égard : l’image en noir et blanc, le personnage de Raoul que joue l’étrange Emmanuel Gillet, la musique et les paroles du comédien et chanteur Nikko Dogz (Nicolas Reynaud) dont la voix rauque n’est pas sans évoquer celle de Tom Waits, et enfin, le côté onirique, fantas­tique – et pourtant si réel et parfois boule­versant – de l’ensemble.

Et aussi à ne pas manquer :

29 novembre 2020

Apéro virtuel II.28 – dimanche 29 novembre 2020

Sylvie, Jean-Philippe et Léo, ce dernier soutenu en arrière-plan par Superman, rejoignent The Emperor dont la présence fait écho justement à cet infâme prétendu sur­homme de papier, et, indi­rec­tement, à la dispa­rition hier de l’acteur anglais David Prowse qui avait incarné Dark Vador (sans la voix) dans Star Wars. Cette person­nalité partie et Michel arrivé, Léo change son arrière-plan en le remplaçant par une image de bande dessinée repré­sentant une femme armée tenant en joue un homme (cf. ci-contre). Il s’agit de Ms. June Justis, « la seule femme membre du FBI des US », parue dans le magazine G-Woman en décembre 1937 (alors que Wonder Woman, adulée par Sylvie et ses filles, n’a fait son apparition qu’en 1941) – et ce n’est que plus tard que les héros masculins ont évincé quasiment toutes leurs contreparties féminines de ce type de littérature.

Françoise (P.) arrivant, Léo et Sylvie mentionnent respectivement Little Orphan Annie, parue en 1924 (en anglais uniquement) et Fifi Brindacier (nom complet : Fifilolotte Victuaille Cataplasme Tampon Fille d’Efraïm Brindacier) en 1945 (en suédois puis en français et nombre de langues). Tous deux s’accordent pour avoir adoré Tartine Mariol, créée en 1955 – pastiche de Martine Carol… –, vieille grand-mère avec un menton en galoche, avec des poils, des gros godillots, mais balaise comme tout, qui avait du punch et mettait k.o. tous les méchants, que Sylvie avait dû lire en cachette. Lorsqu’elle a passé son bac avec succès, à la question de ses parents quel cadeau lui ferait plaisir, elle a répondu qu’elle aimerait avoir le tout premier volume d’Astérix (Astérix le Gauiois) de Goscinny. Jean-Philippe dit alors qu’il était assez mal dessiné par rapport aux versions suivantes, Sylvie rajoutant que c’est le cas pour beaucoup de bandes dessinées, par exemple celle de Mickey. Léo cite alors l’analyse de Stephen J. Gould concernant l’évolution du personnage de Mickey et de sa repré­sen­tation, turbulent, voire légèr­ement sadique à ses débuts, puis, au fur et à me sure de son succès populaire, il s’amadoue dans son compor­tement, ce qui se reflète aussi dans sa repré­sen­tation, devenant graduel­lement de plus en plus juvénile, puis enfantine malgré son âge inchangé (processus appelé néoténie), dans le but d’exploiter l’affection humaine profonde pour les jeunes. Et ainsi, le rapport tête – corps de Mickey, initialement celui d’un adulte, évolue vers celui d’un adolescent. Michel, quant à lui, n’a jamais aimé Mickey.

Après un bref échange entre Françoise (P.) et Jean-Philippe à propos du « caractère bien trempé » de Françoise Giroud (évoquée en mentionnant le décès de Jean-Louis Schreiber hier) et de ses présumés actes (qu’elle a nié) à l’encontre des parents de JJSS qui s’était séparé d’elle, pour se marier à une (autre) jeune femme, Michel lit trois citations d’un même auteur, la première de circonstance vu le contexte :

– Vaurien, tu viens de prendre la taille à ma femme !
– Moi, Monsieur ? Fouillez-moi !

Alphonse Allais ? Non.

– Sais-tu pourquoi les sauvages vont tout nus ?
– Parce que Christophe Colomb les a découverts.

Tristan Bernard ? Non. Le dernier indice, plus long, est une fable en alexandrins, Bon conseil aux amants :

Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d’une fée, et l’envie
Qu’il avait d’épouser cette dame s’accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut.
L’ogre, un beau jour d’hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s’annonce à l’huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l’ogre et lui tout seuls dans l’antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n’a personne avec qui dire un mot ?
L’ogre se mit alors à croquer le marmot.
C’est très simple. Pourtant c’est aller un peu vite,
Même lorsqu’on est ogre et qu’on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d’un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d’enfant. On s’informe.
La fée avise l’ogre avec sa bouche énorme.
— As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j’ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : « Je l’ai mangé. »
 
Or, c’était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Ne mangez pas l’enfant dont vous aimez la mère.

Pour bien comprendre le – double – sens de cette fable, il est bon de garder en mémoire le premier sens de marmotFigure grotesque décorant un élément architectural et, en partic., un heurtoir de porte. et celui de croquer le marmotAttendre longtemps en se morfondant.. L’ogre, un peu simplet, est passé du figuré au littéral.

Jean de la Fontaine ? Que nenni. Dickens ? Oh no! Jules Renard ? Eh non. Il s’agit de Victor Hugo, dont l’humour souvent féroce paraît dans ses écrits (on pense surtout aux Châtiments), à l’instar de ce petit quatrain à l’encontre de Louis Veuillot, journaliste, partisan passionné du catholicisme ultramondain :

O Veuillot, face immonde encore plus que sinistre,
Laid à faire avorter une femme, vraiment !
Quand on te qualifie et qu’on t’appelle cuistre,
                istre est un ornement.

Ces quatre citations sont tirées d’un livre que Michel n’a de cesse de parcourir depuis qu’il l’a acheté dans les années 1960 : Humour 1900, éd. J’ai lu.

C’est au tour de Françoise (P.) de poser quelques devinettes : avez-vous entendu parler de Victor Lustig ? Jean-Philippe répond du tac au tac : « Un escroc international ». Françoise dit alors avoir cherché qui étaient les plus grands escrocs au niveau mondial ; Lustic a vendu la Tour Eiffel (en 1920)…

Et Anna Anderson ? Imposteuse s’étant faite passer, au début des années 1920, pour la princesse Anastasia, qui donc n’aurait pas été tuée avec son père, le tsar Nicolas II, et leur famille, en 1918. Si cette imposture est démontée à partir de 1927 – il s’agit en fait d’une ouvrière polonaise mentalement malade –, elle ne sera définitivement prouvée par des tests ADN en 1998 (ce qui n’a pas mis fin aux thèses soutenant l’affirmation d’Anderson). Michel et Sylvie mentionnent qu’il y a eu d’autres prétendues Anastasia…

Et Charles Ponzi ? Certains des présents ont entendu parler de la pyramide de Ponzi, d’autres non. Il s’agit d’un montage financier frauduleux inventé par cet Italien arrivé fauché aux US au début du XXe siècle, régulièrement utilisée jusqu’à nos jours et récemment rendue célèbre par l’affaire Madoff. Léo dit alors que David Lescot en a fait une pièce de théâtre (avec chœur). Jean-Philippe signale qu’une arnaque de ce type a eu lieu très récemment (durant la pandémie actuelle) par l’entremise des réseaux « sociaux ».

Léo mentionne une arnaque très simple : une annonce parue dans un journal disait « Vous n’avez plus que 3 jours pour envoyer 1$ à Mr. Un Tel » (et l’adresse était fournie), sans autre précision ; le lendemain, « Vous n’avez plus que 2 jours… », etc. Et ce Mr. Un Tel avait tout de même récolté 1000 ou 2000$/ Ce type de procédé est dorénavant interdit.

Et quid de van Meegeren ? On avait effectivement entendu parler de ce grand arnaqueur dans le monde de la peinture (il « créait » des Veermer).

Quant à Frank Abagnale Jr., jeune escroc, faussaire et imposteur, il se reconvertit finalement en conseil et détection de fraudes. Sa vie – romancée, sans doute – a été l’objet en 2003 du film Arrête-moi si tu peux de Spielberg avec DiCaprio et Tom Hanks.

La conversation aborde alors le sujet des arnaques par courriel, et Michel met en garde contre des mails qui semblent venir d’amis ou d’organismes connus, et qui demandent (ou proposent) soit d’ouvrir une pièce jointe – celle-ci peut contenir un virus informatique –, soit de cliquer sur un lien menant vers un site Web – qui peut télécharger subrepticement des virus dans l’ordinateur –, soit enfin de répondre par mail au dit ami ou organisme, mais en fait l’adresse de réponse n’est pas celle de la personne à laquelle on pense mais en diffère si peu qu’on ne remarque pas cette différence…

Léo signale une plateforme Web utile pour lutter contre la désinformation dans des domaines aussi divers que les médias et la technologie (dont l’inter­net), la politique, l’envi­ron­nement, la santé (d’autant plus impor­tant ces temps-ci)… il s’agit de hoaxbuster.com.

Pour redétendre l’atmosphère, Michel lit une brève histoire tirée de Humour 1900, Old England de Mac-Nab (1856-1889), poète et chansonnier français. L’extrait ci-dessous est copié de l’édition des Poèmes mobiles * Monologues de l’auteur, publiée en 1886.

Jean-Philippe rebondit sur la mention qu’avait faite Michel, lors d’un récent apéro, de la Cantilène de Sainte Eulalie, datant de la fin du IXe siècle comme étant le premier document écrit en langue française. Ayant un vague souvenir de ses études d’antan et ayant effectué des recherches de son côté, il a trouvé ceci : peuvent prétendre être les premiers en français cinq textes écrits entre 842 – les Serments de Strasbourg1 – et 1050 – La Vie de Saint Alexis, tous sauf le premier étant des textes religieux, écrits pas uniquement en latin mais aussi en vernaculaire, afin que le vulgus pecum comprenne quand on leur en fait la lecture. Durant ces deux siècles, on a retrouvé dans les documents d’époque 11 000 mots en français d’alors (ou protofrançais), qui n’a vraiment été étudié que récemment dans sa structure : Jean-Philippe mentionne l’ouvrage Histoire de la phrase française : des Serments de Strasbourg aux écritures numériques de Gilles Siouddi qui vient de sortir chez Actes Sud, et en lit un extrait. Michel remarque que la diction et la prononciation de l’époque devaient être très différentes de ce qui est pratiqué aujourd’hui (il suffit de voir comment notre parlé diffère de celui d’avant-guerre…), ce que confirme Sylvie, ayant une bonne expérience du chant Renaissance.

________________

1. La version originale des Serments est perdue. Le texte que l’on en possède (par exemple à la BnF) est extrait du livre de Nithard, rédigé en latin, Histoire des fils de Louis le Pieux. Nithard est le petit-fils de Charlemagne.

27 novembre 2020

Apéro virtuel II.25 – jeudi 26 novembre 2020

Xenophora conchyliophora

Jean-Philippe, puis Léo, entrent en scène. Le fond d’écran de ce dernier – qui ressemble à un bouquet de porte-voix pour Michel –, explique-t-il, est un xenophora, coquillage qui absorbe d’autres coquillages et les fixe sur sa propre coquille ; il a choisi cette illustration en écho aux phasmes qu’avait montrés Michel avant-hier. Françoise (C.) apparaît alors, enfin très bien connectée via l’ordinateur qu’elle s’est achetée aujourd’hui.

Léo raconte alors quelques énigmes attrape-nigaud que, professeur de maths au lycée Paul-Valéry, il lui arrivait de poser à ses élèves :

❓ « Sept vaches broutent dans un champ. Elles meurent toutes, sauf quatre. Combien en reste-t-il ? » Michel puis Jean-Philippe,, lancent « Quatre » (bien que tout le monde aurait tendance à dire « Trois », ce qui est faux). Françoise (C.) elle, répond « Sept », parce qu’il y en avait sept, et maintenant il y en a toujours sept (les mortes et les vivantes). Léo corrige sa question : « Combien en reste-t-il de vivantes » ? Sur ces entrefaites, Françoise (P.) arrive.

❓ « Un avion, en provenance de France, tombe dans le no man’s land entre la Suisse et la France. Dans lequel des deux pays enterre-t-on les survivants ? » On laissera le lecteur réfléchir (et s’il n’a pas de réponse, il pourra s’adresser ici).

❓ Deux avions partent à la même heure, l’un de New-York vers Paris, le second de Paris vers New-York. Le premier vole à 600 km/h, le second à 400 km/h. Lequel des deux est le plus près de Paris quand ils se croisent ? Françoise (C.) s’exclame « Oh là là ! En plus il y a la Terre qui tourne… ». Pour concrétiser le « problème » pour ses élèves, Léo en envoyait deux aux extrémités opposées de la classe, leur disant d’aller l’un vers l’autre à des vitesses différentes. Et quand ils se rencontrent, lequel est le plus loin… ?

En fait, ces énigmes ne sont pas des problèmes de mathématiques, mais de langue et de logique maquillés sous cette forme trompeuse. En voici une autre :

❓ Un explorateur découvre, dans un site perdu au Moyen Orient comprenant beaucoup de grottes, des poteries, des restes de nourriture, un lot de pièces de monnaies très anciennes, des bibelots, des objets… Il apporte ces pièces de monnaie, marquées « Cyrus », « -10 avant JC », « 20 »…, à un antiquaire pour les lui vendre. L’antiquaire les a refusées, bien qu’elles provenaient d’un site. Sylvie arrivant, Léo répète l’énigme ; elle éclate de rire, elle a compris. Ceux qui n’ont pas compris peuvent lire cet article.

À propos de faux et de crédulité, Léo raconte l’histoire – réelle, cette fois – et ahurissante de Michel Chasles (1793-1880), mathématicien, polytechnicien et académicien réputé non seulement pour le théorème de Chasles mais d’autres travaux en mathématiques, mais aussi en l’histoire des mathématiques. Quant à l’Histoire, il n’y comprenait évi­demment rien. Riche (de par la fortune de ses parents), il pouvait nourrir sa passion de collection de lettres manuscrites de la main de gens célèbres. Tombant sous la coupe d’un faussaire, il lui a acheté un nombre considérable de lettres (environ 27 000) provenant d’une variété époustouflante de plumes : du Bellay, Cervantès, Nostradamus, Rabelais, Raphaël, Jeanne d’Arc, Charles Martel, Charlemagne, Flavius Josèphe, Jules César à Cléopâtre (ce qui devrait intéresser Françoise (C.)), Vercingétorix… et toutes écrites en français (pour information, le tout premier document en langue française est la Cantilène de Sainte Eulalie, datant de la fin du IXe siècle). Une lettre de Pascal à Galilée dans laquelle il lui confie avoir découvert le principe de l’attraction terrestre (bien avant Newton)… Gallica détient un exemplaire de certaines de ces lettres.

La supercherie se révèle (non seulement au public mais à la victime) alors qu’il en présentait à l’Académie des sciences. Lors du procès qui s’est ensuivi, le faussaire a été puni de deux ans de prison et de 500 francs d’amende (alors qu’il avait empoché 150 000 francs). On peut lire cette affaire dans l’Apologie pour l’histoire (p. 57 et suiv.) de Marc Bloch.

Jardin du musée The Cloisters, New York.

La présentation de Michel est dans l’ordre des choses, faisant suite à l’évocation (quoique brève) de Jésus dans une des énigmes de Léo : il s’agit du très beau musée des Cloisters (cloîtres) à New York, composé – outre le bâtiment principal, datant des années 1930 – de quelques cloîtres français, démontés pierre par pierre, transportées et reconstruites à New York, auxquels se rajoutent de très beaux jardins. Le musée sert d’écrin à de splendides objets médiévaux, notamment les six Tapisseries de la Licorne (à ne pas confondre avec celles du musée de Cluny). Soit dit en passant, la photo de droite semble faire écho aux discussions passées concernant l’apprentissage de l’arithmétique…

Sylvie raconte alors la séance de cinéma à laquelle elle est « allé » assister hier soir (en quittant l’apéro quelques instants avant sa fin) : la salle de cinéma – virtuelle – se trouve sur le site La Vingt-Cinquième Heure,, mis en place en mars dernier suite à la fermeture des salles de cinéma du fait de la pandémie actuelle. On y diffuse un bon choix de films récents non pas à la demande mais à des horaires précis, comme en salle, projection parfois suivie d’une discussion avec le réali­sateur ; il faut s’y inscrire, et le cas échéant acheter un billet pour un prix moyen de 5 € (il y a aussi des films gratuits). En outre, comme le précise le site :

  • L’accès à la salle de cinéma virtuelle est géolocalisé, seules les personnes situées dans un périmètre variant de 5 à 50kms peuvent y accéder ;

  • la programmation est faite par les exploitants de cinéma et les recettes sont partagées entre exploitant, distributeur et le site hébergeant la salle virtuelle ;

  • les séances sont retransmises en direct, et ne sont plus accessibles à l’issue de la retransmission ;

  • les séances peuvent être suivies d’une rencontre avec un membre de l’équipe du film ou des intervenants en liens avec sa thématique. Ces intervenants sont rémunérés par un pourcentage sur chaque ticket de cinéma. A l’issue de la séance, les spectateurs peuvent leur poser des questions grâce à un dispositif de chat vidéo intégré ;

  • chaque ticket fait l’objet du reversement d’une contribution carbone dont le montant a été évalué par la société Secoya à 10 centimes ;

  • chaque lundi, de nouveaux films sont proposés par les cinémas et les distributeurs partenaires et programmés à partir du mercredi.

Le film que Sylvie a vu est Golden Voices d’Evgeny Ruman, diffusé au Majestic Passy dans le cadre du Festival du cinéma israélien de Paris. Il raconte l’histoire d’un couple russe plus si jeune (la soixantaine?), voix d’or du doublage de films soviétiques, qui émigrent en Israël en 1990, suite à l’effondrement de l’URSS, tout comme des centaines de milliers de Juifs soviétiques. Leurs tentatives d’utiliser leur talent dans ce nouveau pays vont se solder par un échec. Mais cette nouvelle vie va leur réserver une série d’expériences amu­santes, douloureuses et absurdes. Ce film a plu à Sylvie, sans doute aussi parce qu’il fait écho à sa propre arrivée en Israël, le passage dans l’oulpan (le cours accéléré d’hébreu pour nouveaux immigrants), que Sylvie avait mentionné il y a une dizaine de jours : la prof, dont le métier était institutrice en maternelle, parlait à sa classe d’adultes comme à des enfants…

Pour ceux qui souhaiteraient voir ce film (le site en montrant une bande annonce qui pourrait donner envie), il repassera samedi 28 novembre, à 16h30.

25 novembre 2020

Apéro virtuel II.24 – mercredi 25 novembre 2020

Lise Deharme – Square du Sacré-Cœur, in Paris des rêves d’Izis
(Israëlis Bidermanas, 1911-1980), 1950. Cliquer pour agrandir.

Jean-Philippe, Françoise (C.) et Sylvie étant arrivés à la queue-leu-leu, Michel explique le choix de son arrière-plan : les chaises en métal du Jardin du Luxembourg qu’on aperçoit dans l’une des photos de Sabine Weiss qu’il avait montrées hier lui avait rappelé celle d’Izis (un des grands photographes huma­nistes, mouvement auquel la Biblio­thèque nationale de France avait consacré une exposition en 2006), dans un bel ouvrage comprenant en regard de chaque photo un texte manuscrit – en vers ou en prose – par des écrivains et poètes connus (Paul Éluard, André Breton, Jean Tardieu, Jean Paulhan, Jules Supervielle, Gilbert Cesbron, Louise de Vilmorin…) ou moins connus., y compris un anglophone et non des moindres (Henry Miller). Dans cette photo-ci, non seulement le poème de Lise Deharme fait écho au contenu de la photo (« deux amants sur un escalier »), mais son style d’écriture n’est pas sans rappeler la forme des dossiers de ces chaises d’antan qu’il avait connues.

En préambule, et pour rester dans l’air du temps – ou plutôt, d’antan – Michel diffuse le début d’une splendide vidéo, produit de la restauration et de l’enrichissement (couleur, sonorisation) d’un film d’archives en noir et blanc montrant le Paris de la Belle Époque dans quelques quartiers de Paris (on pourra lire ici quelques informations sur l’auteur de ce travail et les techniques utilisées pour ce faire). En regardant ce travail, on a presque l’impression que ces scènes, si réalistes par la fluidité et la qualité des images, viennent d’être filmées, et pourtant elles remontent à plus d’un siècle… Ce n’est pas le seul travail de restauration effectué par l’auteur de ce travail, ni par d’autres personnes ou organismes ; on peut voir là une autre vidéo de Paris au début des années 1900.

Sur ces entrefaites, Léo se joint à l’apéro. Michel montre enfin quelques doubles-pages de cet ouvrage, en lisant les textes (ou leur début, pour le dernier) qui font face aux photos.

Léo donne enfin la clé du mystère : pourquoi Superman n’était-il pas parti à la guerre pour sauver les US ? Réponse : il a été réformé en 1942, non pas pour son superbe physique, mais pour sa vision de taupe. Incroyable, dites-vous ? Lisez la bande dessinée ci-dessus (et au cas où votre vision est encore plus mauvaise que celle de Clark, la raison c’est que celle de Superman était trop bonne). Ceci a permis aux auteurs de ses aventures de ne pas produire des aventures de Superman en guerre – le personnage aurait vaincu les Allemands en une pichenette, ce qui évidemment n’étant pas le cas, aurait pu s’interpréter comme une critique des soldats américains…

Ensuite, Léo fait entendre un enre­gis­trement d’une lecture (accom­pagnée de la Marche funèbre de Chopin au piano) qu’il a faite d’un extrait de Figurec (2006), roman de Fabrice Caro, écrivain et auteur de bandes dessinées (Zaï zaï zaï zaï fait hurler Léo de rire, à lire, et aussi Et si l’amour c’était aimer) plus connu maintenant sous le nom de Fabcaro. Le narrateur est un habitué des enter­rements :

L’enterrement de Pierre Giroud m’a énor­mément déçu, c’était une céré­monie sans réelle émotion. D’accord il y avait du monde, bien plus qu’à celui d’Antoine Mendez, mais tout cela manquait de rythme, de conviction. Même la fille de Pierre Giroud – du moins celle que je supposais être la fille de Pierre Giroud – n’était pas très en verve. Elle hésitait en permanence entre une pudique retenue et des sanglots bruyants de qualité très médiocre. Le résultat était assez caricatural, sans nuances. La mère de Pauline Verdier, ça oui, ça c’était une vraie femme éplorée, toujours sur le fil, très présente, improvisant des envolées lyriques qui vous arrachaient des larmes, rien à voir avec la fille Giroud. Il faut souligner pour la défense de celle-ci que son père avait quatre-vingt-huit ans et que tout le monde dans son entourage attendait l’issue fatale d’un jour ou l’autre – à la différence de Pauline Verdier qui s’est encastrée dans un platane en rentrant de discothèque. Mais ça n’excuse pas tout. […]

Après cet enterrement, Françoise (P.) se joint à l’apéro.

Sylvie et Jean-Philippe s’engagent alors dans une lecture alternée de quelques-uns des Exercices de style de Raymond Queneau, variantes stylis­tiques d’une même histoire : « Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou, coiffé d’un chapeau mou orné d’une tresse tenant lieu de ruban. Ce quidam échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s’asseoir à une autre place. Un peu plus tard, le narrateur revoit le même jeune homme cour de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami qui lui conseille d’ajuster (ou d’ajouter) un bouton de son pardessus. » On entendra successivement : Gastronomique, Alors, Sonnet, Moi je, Interrogatoire – ce dernier dit à deux voix.

Dans la conversation qui s’ensuit, Léo mentionne avoir beaucoup aimé Les fleurs bleues, et, pour ceux qui aiment les mots compliqués et/ou longs, il évoque l’usage qu’a fait Queneau du mot antépénultième, ainsi que le relate François Le Lionnais dans l’Atlas de Littérature potentielle (cf. ci-contre). Sylvie rappelle avoir posé, lors d’un apéro au cours du précédent confi­nement, des devinettes concernant des rues de Paris tirées de Connaissez-vous Paris ? de Queneau, ouvrage qu’elle a reçu en cadeau après avoir elle-même écrit un livre sur Paris. Françoise (P.) évoque Zazie dans le métrosorti aussi à l’écran (réalisateur : Louis Malle), avec, entre autres, Philippe Noiret (et non pas Jean-Pierre Marielle) –, tout à la fois amusant et tragique. Léo trouve que ce texte a un peu vieilli.

Après une conversation sur les mots devenus désuets, puis les mots particulièrement longs, et de là (vous voyez certainement le rapport) la composition des maillots de bain des enfants dans les années 1950, Françoise (P.) lit quelques citations d’un livre qu’elle avait acheté après une exposition sur les cocottes qui s’était tenue à Orsay (s’agit-il de Splendeurs et misères. Images de la prostitution, 1850-1910, en 2015 ?) ou au Centre Pompidou (Cocottes et poulettes, début 2020 ?) : « Un amant, c’est de l’amour ; deux amants, c’est du tempérament ; trois amants, c’est du commerce. » (attribué à Alphonse Allais), et évoque en passant La Belle Otero (1868-1965, ci-contre) et Mata Hari (1876-1917).

La conversation erre brièvement dans les méandres du nouveau site web du Centre Pompidou où l’on ne retrouve aucune trace des expositions passées qu’on y recherche, puis s’engage sur le chemin des blagues de mathématicien et de physiciens (et parfois, pire, d’ingé­nieurs !), pour finir sur la plus courte des blagues de matheux, que cite Léo : « Soit epsilon négatif ». L’expli­cation en est forcément plus longue… Après quoi, Michel remarque que l’usage de l’alphabet grec en mathématiques apprend de fait aux matheux à déchiffrer des mots grecs (même s’ils ne s’en rendent pas compte, et même s’ils ne comprendront rien au sens), et leur donnera aussi des bases de l’alphabet cyrillique (utilisé en russe et quelques autres langues slaves, chacune avec ses variantes).

The Blog of Miklos • Le blog de Miklos