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20 septembre 2016

Deux jeux innocents pour la jeunesse

Classé dans : Littérature — Miklos @ 9:10


Extrait du tome IV.

L’Auberge et les Voyageurs.

Quatre jolies dames allant en pèlerinage à Lorette, voyageaient ensemble. Arrivées sur le soir dans un petit bourg où il n’y avait qu’une seule auberge, elles se trouvèrent forcées d’y aller passer la nuit. L’hôte les reçut avec de grandes démonstrations de politesse et d’attention, et leur fit faire un souper délicat, pour les dédommager de ce qu’il ne pouvait leur donner qu’une chambre, dans laquelle il y avait quatre lits. Les belles pèlerines ayant besoin de se reposer, se hâtèrent de souper et de s’aller coucher.

À peine étaient-elles retirées dans leur chambre, qu’il arriva, dans cette auberge, quatre jeunes hussards qui allaient en semestreCongé de six mois accordé autrefois à un militaire. (TLFi), et qui demandèrent à souper et à coucher. L’hôte leur dit qu’il pouvait bien leur donner à souper, mais qu’il ne pouvait disposer d’aucun lit, parce qu’il n’avait qu’une seule chambre, dont les quatre lits étaient occupés par quatre jeunes dames qui étaient déjà couchées.

Les hussards prièrent leur hôte d’aller engager ces dames de vouloir bien leur céder deux lits.

Les dames, y opposèrent beaucoup de difficultés; mais enfin, elles y consentirent.

Les hussards étant montés dans la chambre, remercièrent ces dames de leur complaisance, et dirent qu’ils en étaient si touchés, qu’ils ne souffriraient pas qu’elles se dérangeassent pour leur céder deux lits : qu’ils se contenteraient de partager le leur. Ces dames, sensibles à leurs politesses et à leur modération, d’ailleurs naturellement paresseuses et presque endormies, consentirent à laisser coucher auprès d’elles ces hussards, qui étaient tous quatre de fort jolis garçons.

Ces quatre jeunes gens avaient ; peine eu le temps, depuis qu’il étaient couchés, de témoigner la vive reconnaissance dont ils étaient pénétrés, que les quatre dames, qu y étaient extrêmement sensibles, entendirent quatre religieuses qui demandaient en grâce qu’on voulut bien leur donner un lit, et auxquelles l’hôte offrait, tout cavalièrement, de passer la nuit sur des fauteuils. Les plaintes et les doléances de ces religieuses, qui se disaient extrêmement fatiguées, ayant attendri les dames et les hussards, il fut convent l’accorder une place dans leurs lits à chacune de ces religieuses.

On appela l’hôte, pour qu’il leur en fit la proposition. Il s’acquitta si heureusement de sa commission, qu’elles acceptèrent, sans difficulté et avec empressement, une politesse aussi obligeante et aussi convenable au besoin qu’elles avaient de repos, et elles se couchèrent.

À peine avaient-elles partagé avec les pèlerines les attentions des compatissants hussards, que quatre officiers vinrent aussi ans cette auberge pour y loger.

L’hôte leur fit les mêmes observations qu’il avait faites aux religieuses ; mais ces officiers ne voulurent point entendre raison, et menacèrent de prendre de force ce qu’on ne voulait pas leur donner de bon gré.

Le tapage qu’ils faisaient, détermina les hussards à descendre, pour mettre le bon ordre et rétablir la tranquillité; mais rien ne pût être comparé à leur surprise, en reconnaissant ces quatre officiers pour être de leur régiment. Ils prirent le ton de pacificateurs, en disant à leurs officiers, qu’ils trouveraient dans leur lit une compagne pour chacun.

Les officiers, enchantés de cette aventure, acceptèrent avec plaisir une si charmante proposition. Ils firent apporter du vin et des liqueurs; et, après avoir bu avec leurs dragons, ils furent tous se coucher.

Un voisin, jaloux de l’aubergiste, ayant vu ce qui se passait dans sa maison, profita de l’occasion pour aller le dénoncer au juge du bourg, en lui disant, que l’hôte faisait de son auberge un mauvais lieu, et qu’il fournissait aux voyageurs qui allaient loger chez lui des femmes dans le cas de mener une mauvaise vie.

Cette dénonciation obligea le juge à se transporter à l’auberge, pour y faire sa visite ; mais l’hôte, ayant été prévenu, fit part de ses alarmes aux dragons et aux dames, qui, pour l’obliger, se placèrent de manière que lorsque le juge entra dans la chambre, il ne trouva dans chaque lit que des personnes du même sexe, ce qui l’obligea à se retirer sans verbaliser ; et, lorsqu’il fut parti, les dames et les militaires se réunirent dans le même ordre où ils étaient auparavant, de sorte que la nuit fut agréable pour tout le monde.

Ce conte suffit pour démontrer dans quel ordre on doit placer les cartes les unes sur les autres. Comme chaque lit se trouve placé à chaque coin de la chambre, il faut d’abord y mettre les quatre dames, ensuite, par-dessus, les quatre valets, qui représentent les hussards ; puis ensuite les quatre as, qui sont les religieuses; et enfin les quatre rois, qui sont les officiers, ce qui formera quatre paquets de cartes découvertes et différentes les unes les autres.

Lorsque le juge viendra pour faire sa visite, vous relèverez ces paquets l’un sur l’autre, sans déranger les cartes, et vous les ferez couper plusieurs fois; ensuite, vous les replacerez à couvert, alternativement dans chaque lit, et vous retournerez les paquets, pour faire voir qu’ils ne sont plus composés que de cartes de même espèce. Après le départ du juge, vous les relèverez comme auparavant ; vous les ferez couper de nouveau, et vous les replacerez successivement couvertes dans chaque lit, pour faire voir, en les retournant, qu’elles sont dans le même ordre qu’elles étaient en premier lieu.

Le Petit savant de société, ouvrage dédié à la jeunesse des deux sexes, contenant la manière de jouer tous les jeux innocents dont on s’amuse en société, et les pénitences qui s’y ordonnent, avec la manière de s’y conformer en les exécutant. Recueil extrait des manuscrits de M. Enfantin, et corrigé et augmenté par M. de Belair. Seconde édition. Tome III.

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