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11 mai 2020

Apéro virtuel L : cinquantième – heureux hasards – Brassens – Borges

Classé dans : Arts et beaux-arts — Miklos @ 17:47

Le mot « cinquante » dans plus de 80 langues. Cliquer pour aggrandir.

Dimanche 10/5/2020

Sylvie ayant commencé à tenter de déchiffrer l’affiche en arrière-plan chez Michel (et visible ci-dessus), ce dernier en a expliqué le sens : il s’agit du mot « cinquante » dans plus de 80 langues différentes – respectant ainsi la diversité mondiale des cultures défendues par l’Unesco, comme Jean-Philippe nous en avait parlé la veille –, la raison en étant que – comme on peut le voir dans le titre de ce compte-rendu, l’apéro de ce soir est le 50e de la série. Jean-Philippe ayant proposé de boire à la santé de ce cinquantième anniversaire, Michel a commenté qu’après qu’il ait inventé un terme pour célébrer mois après moi un événement – « moisi­versaire » – il faudrait parler ici peut-être d’un quoti­versaire ? [En rédigeant ce compte-rendu, on a constaté que le mot avait déjà été utilisé au moins depuis 2007 ! Comme quoi, rien de neuf sous le soleil. On aura aussi remarqué que ce cinquantième tombe bien à propos entre Pâques et Pentecôte – ainsi que la Pâque juive et Chavouot –, séparées de 50 jours...]

Françoise (C.) ayant demandé à Michel des nouvelles de l’Ircam, elle a évoqué des œuvres de Pierre Boulez, telles que Notations ou Répons qu’on ne pouvait écouter que dirigées par lui, en live. Ce qui n’a rien à voir avec l’écoute sur casque, même avec la spatialisation, a rajouté Michel : la perception visuelle de l’espace qui complète celle auditive, est aussi nécessaire. Est-ce que les casques de réalité virtuelle la fourniront avec la même qualité ? On se le demande. Rien ne remplacera la musique vivante, dit alors Françoise. Rien ne remplacera le livre, ni rien ne remplacera la personne (même pas Zoom), a rajouté Michel.

À propos de musique, Françoise (P.) a alors raconté que la projection de La Traviata hier sur France 5 l’avait rendue folle de rage – Françoise (C.) interjetant qu’elle l’avait énervée et elle avait donc coupé – du fait de la mise en scène : publicités pour maquillage, Violetta fumant devant un kebab puis trayant une vache, les personnages regardaient le cours de la Bourse passant à l’écran, un bandeau d’informations à propos du mariage du fils du prince saoudien, Violetta mourrait en étant débout et en chantant « Je ne peux même plus me lever. »… Quant à Sylvie, elle avait commencé à regarder Le Barbier de Séville avec une mise en scène moderne, si décalée  et énervante qu’elle ne l’a pas regardée jusqu’à la fin.

Sur ces entrefaites, François s’étant joint à l’apéro, Michel a commencé sa présentation, qui concernait le thème proposé, celui du (ou des) heureux hasard(s). Tout d’abord, une référence aux faux amis : fortuitous (en anglais) et fortuit (en français), le premier signifiant « heureux hasard », le second « hasard »… Puis, quelques heureux hasards dans sa vie :

  • premièrement, sa rencontre sur la messa­gerie Moustik de Libé avec François (début 1987) ; il y portait le pseu­do­nyme de « Cioran » que Michel avait conf­ondu avec Ossian, barde gaélique du IIIe siècle qui influ­ença direc­tement ou non Goethe (Les Souffrances du jeune Werther), Mendelssohn (La Grotte de Fingal), Wagner, Massenet (Werther) et bien d’autres.

  • Les Songs for the Ten Voices of the Two Prophets de Terry Riley, un 33T que Michel avait acheté (lors de ses études à Cornell dans les années 1980) rien qu’à cause du titre qu’il trouvait si poétique : des prophètes parlant à plu­sieurs voix. Autre confusion : il s’est avéré (bien plus tard) que les prophètes en question sont deux synthétiseurs dont le nom de modèle à cinq voix s’appelle Prophet. Mais l’album lui-même ? Une merveille que Michel ne se lasse pas d’écouter (de temps à autre) encore près de 40 ans plus tard, et notamment « Embroidery », chanté par Riley dans le style de raga indienne, en s’accompagnant de deux Prophets (et donc à dix voix…) produisant une mélodie qui évoque « une atmosphère de rêve éveillé, peut-être celle d’un fumeur d’opium (je n’ai jamais essayé) entouré de volutes de forme changeante comme les nuages dans le ciel », comme il l’avait déjà relaté en 2005, après avoir eu la chance d’assister à un récital qu’avait donné Terry Riley cette année-là à la maison de la poésie, dans sa rue.

  • Too Many Songs by Tom Lehrer with not Enough Drawings by Ronald Searle avait attiré son œil à cause de l’illus­tration de couverture : il avait reconnu le trait et le style si carac­té­ristiques de l’auteur – le fameux Ronald Searle, dont il connaissait certains dessins (notamment parus chez Punch) – avant même que d’en voir le nom écrit au-dessus. C’est en y déchiffrant les partitions qu’il découvrit ce chansonnier qu’est Tom Lehrer – il n’y a pas de chansonniers aux US, mais lui en est un, et qui plus est… professeur de mathématiques à Harvard (retraité depuis un bon moment) : critique sociale et politique, humour/ironie fins et cultivés, musicalité évidente (c’est lui qui a écrit les paroles, composé la musique, et chante en s’accompagnant au piano). Là aussi, Michel éprouve un plaisir toujours renouvelé à l’écouter.

  • Puer aeternus de Marie-Louise von Franz, qu’il choisit rien qu’à cause de son titre évocateur, pour découvrir ensuite que l’auteure, psychanalyste, avait été l’assistante de Karl Jung, et analyse dans la première partie de son ouvrage, sous-titre A psychological study of the adult struggle with the paradise of childhood, des personnages mythiques ou littéraires – Don Juan, le Petit prince… –, aériens, charmeurs, atta­chants, mais qui, eux, ne peuvent s’attacher et volent – méta­pho­ri­quement ou physi­quement – d’une conquête à l’autre pour l’aban­donner une fois conquise, évitant la réalité et la maté­rialité, inca­pables qu’ils sont de devenir affec­ti­vement adultes (phéno­mène connu aussi sous le nom de « syndrome de Peter Pan »). Après cette lecture, il vit d’un autre œil Le Petit prince qu’il avait tant aimé auparavant…

  • La pièce de théâtre Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès, fut choisie pour la même « raison », ce qu’évoquait le titre. Lue dans l’avion qui le ramenait de Paris aux US (où il étudiait), elle fut le sujet de longues lettres (papier, on était encore dans les années 1980) que Michel écrivit à des proches sur ce dialogue fascinant dans une langue si particulière, de la « négociation » de la relation de l’un à l’autre. Plus tard, il la vit sur scènes 4 fois (deux fois aux Aman­diers de Nanterre, puisà la Manu­facture des œuillets, au Théâtre des Abbesses), avec (entre autres) Patrice Chéreau et Pascal Greggory. [On pourra écouter (et voir) ici un entretien avec Chéreau à propos de sa rencontre avec Koltès.]

  • Et enfin, un (petit) mystère : une collection d’essais Under the Sign of Saturn de Susan Sontag. En préparant l’intervention de ce soir, Michel était persuadé que ce qui l’avait frappé, quand il avait aperçu le livre, c’était l’illus­tration de sa couverture, Melencholia de Dürer. Mais lorsqu’il retrouve le volume, il constate qu’elle n’a aucun rapport… Serait-ce donc le titre ? Quoi qu’il en soit, la lecture des textes l’a frappée par leur clarté malgré leur complexité –, sorte de synthèse entre l’intel­lectuel français (pour sa pensée, mais non pour son expression) et américain (pour son expression directe). Quelques années plus tard, Michel reproduira sur un de ses sites Web Fascinating Fascism, un des essais de cet ouvrage, avec l’autorisation de Susan Sontag.

Jean-Philippe a alors demandé à Michel s’il mettrait le coronavirus dans cette liste des heureux hasards, du fait qu’il « nous permette de nous rencontrer depuis cinquante jours tous les soirs à 19 heures », ce à quoi il a répondu qu’il considérait cela plutôt comme une « circonstance »… Françoise (C.) a raconté avoir vu Chéreau à Salzbourg dans La Solitude des champs de coton, ce qu’elle avait trouvé extraordinaire.

Sylvie s’est concentrée sur les syno­nymes de « hasard heureux », du plus court – Pif (avoir du nez).en trois lettres – au plus long, en onze lettres (Serendipité.mais est-ce du français ?), qu’elle a illustré en montrant Isaac Newton trouvant le principe de la gravi­tation alors qu’il ne cherchait qu’à se faire une bonne tarte aux pommes. Françoise (P.) a rappelé à cette occasion la chance que les sœurs Tatin ont eue en renversant malencontreusement leur tarte, sur quoi Jean-Philippe a rajouté que nombre de recettes de cuisine sont découvertes par séren­di­pité. Michel a alors précisé qu’il arrive parfois qu’on soit dépité du résultat.

Un heureux hasard, nous rappelle – et nous chante – Françoise (P.), est celui de la chanson L’orage de Georges Brassens :

Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoûte et m’fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage
Car le plus grand amour qui m’fut donné sur terre
Je l’dois au mauvais temps, je l’dois à Jupiter
Il me tomba d’un ciel d’orage [...]

Françoise (C.) nous signale la récente diffusion de docu­mentaires sur Brassens sur Arte. [À l’écriture de ce compte-rendu, on n’en a trouvé qu’un seul – Brassens, une vie de lettres court (5 minutes environ), diffusé il y a trois semaines, et qui porte en plus le sigle de France 3 ; par contre, sur le site de cette dernière, Brassens par Brassens d’une durée de 1h50, et disponible jusqu’au 17 mai, à propos duquel on pourra aussi lire un article (sur France TV) qui présente ce docu­mentaire.]

Quant à François, il se trouvait à proximité de la colonne Vendôme. Il nous montre une découverte qu’il venait de faire : chaque réverbère porte, vers le haut, le numéro de la maison devant laquelle il est installé, et, à hauteur d’homme, une ou plusieurs plaques, indiquant le numéro de l’arrondissement en chiffres romains, suivi d’un numéro en chiffres arabes, le nombre de plaques correspondant au nombre de luminaires sur ce réverbère, ce qui doit permettre de signaler facilement un éclairage défectueux. Ce principe n’est pas récent, comme on peut le lire ici. Sur l’une des faces de la partie inférieure se trouve une petite porte, servant, selon François, aux « vendeurs à la sauvette pour cacher la marchandise »… Arrivé place Vendôme, il n’a pu nous montrer l’étalon métrique qui y est apposé, du fait d’échafaudages dans cette partie de la place.

Jean-Philippe nous a alors parlé du Livre de sable de Borges, nouvelle qui a donné son nom à l’ouvrage qui la comprend avec d’autres nouvelles, livre qui n’a ni début, ni fin, et dans lequel on ne peut jamais retrouver une page qu’on aurait lue, même en ayant bien marqué sa place dans le volume. Son acheteur, frustré par cette infini, cherche à s’en débarrasser. Devinez où ! [On pourra entendre ici cette nouvelle, lue par le comédien Anthony Dubois et illustrée de 49 peintures et dessins, « œuvre collective éphémère »] Dans la brève discussion qui a suivi, Jean-Philippe a comparé ce livre avec la tablette, alors que Michel y voit plutôt dans ce livre l’ensemble de tous les livres (papier).

Sur ce, après avoir levé le coude, on leva la séance.

Edgar Degas : Baisser de rideau. Cliquer pour aggrandir.

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