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10 mai 2010

Festina lente, ou, les ordinateurs aux 35 heures

Classé dans : Actualité, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 22:41

‘For haste, the proverb says, makes waste.’ — Samuel Butler, Hudribras.

On le sait : il ne faut pas brusquer nos amis les ordinateurs. Plus le temps passe, plus ils naissent fragiles et meurent jeunes. Autrefois, ils atteignaient la fleur de l’âge, pour les plus anciens. Puis l’obsolescence les a rattrapés à l’adolescence. Et maintenant, à peine sevrés, voilà qu’ils sont has been et qu’il faut s’en débarrasser au plus vite pour passer à la génération suivante, plus compacte, plus rapide, plus performante… et encore plus éphémère. Comme quoi, même pour nos bécanes, vivre vite est souvent antinomique à vivre longtemps, et presque toujours incompatible avec vivre bien.

À l’instar des mesures que Martine Aubry a établies pour le bien-être des travailleurs, l’entreprise veut éviter que ses ordinateurs ne mènent une vie de patachon en brûlant la chandelle par les deux bouts. Ils sont déjà assez stressés comme ça : quand un quidam (stressé lui aussi) s’inscrit à un de leurs services en ligne, ils doivent aspirer le maximum d’informations à son propos en un minimum de clics tel le Moloch de Metropolis, les digérer à la vitesse de la lumière et régurgiter aussitôt et sans coup férir de la publicité ciblée destinée à transformer l’internaute en accro de la marque.

C’est pourquoi, dans l’hypothèse ou l’abonné reprendrait ses esprits et s’essaierait au sevrage des courriels insistants qui l’envahissent, les ordinateurs ne sont plus au rendez-vous : leur patron les a envoyés en RTT, en congés payés, voire, Dieu préserve, en arrêt maladie maintenance. Ne pas perdre un client potentiel, tel est la devise.

Et c’est alors que des ronds-de-cuir prennent le relais : ils chaussent leurs épaisses lunettes, plissent les yeux en scrutant l’écran à l’affût d’une demande de désin­scription. Lorsqu’elle apparaît, ils la lisent attentivement, afin de relever la moindre erreur qui l’invaliderait. Ensuite, ils époussettent le clavier, se lèchent l’index et tapent d’un doigt la séquence des codes qui enverront la demande vers l’impri­mante du département.

Une fois par semaine, le préposé y ramasse toutes les feuilles, les trie, les empile et les passe par paquets de 50 au département chargé de ressaisir les informations dans un autre ordinateur, ce qui se fera la semaine suivante, grâce au travail attentif et posé d’autres ronds-de-cuir qui se lècheront à chaque fois l’index. C’est à la fin de la deuxième semaine, les dix jours ouvrables échus, que le chef de service validera d’un clic (de son index préalablement léché) la désin­scription.

Le lundi suivant, les ordinateurs prendront la relève pour repartir dans la course effrénée aux inscriptions tandis que ces messieurs les ronds-de-cuir prendront un congé bien mérité. C’est le bon sens, c’est simple ! affirme l’écran imper­tur­ba­blement souriant de la marque.

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