Inédit
À R***,
J’avais longtemps courtisé une beauté ombreuse sous le couvert de ces platanes rongés d’oxyde qu’offrent parfois aux caprices du passant les entrées désaffectées de parcs entretenus ici et là à l’usage de hautains dyspeptiques. Chaque fois que j’agitais à l’heure de la méridienne vers les fenêtres du château le gant de bambou parfilé de coccinelles dont l’hôtesse m’avait fait l’inestimable présent, la paroi de la façade se mettait à glisser vers l’horizon de gauche et le manoir me présentait l’enfilade de ses pièces en coupe aussi gracieuse qu’imprévue. C’est ce que j’appelle une maison accueillante. Entre les diverses pièces offertes aux délicatesses de ma fantaisie, il arrivait que le choix ne laissât pas que de m’embarrasser. Mais ce jour là, invité en cure dents au banquet des saxifrages, c’est en chantonnant que j’assujettissais à ma veste, dans la chaleur adventice et déjà réconfortante, une indiscrète pochette de nénuphars. Le bruit de mon arrivée volait par les routes sur l’aile de la cornemuse, par les allées jonchées de cloportes sur les élytres de la cantharide à lancettes. Des gradins d’alpaga entourant une banale pince à musique, tel fut au premier coup d’œil l’aspect que m’offrit la scène du séduisant cauchemar. […]
Julien Gracq
trés amusant..
Commentaire par zopiros59 — 2 mars 2005 @ 0:53
Ce n’est pas une parodie, c’est bien un manuscrit original de Gracq.
Commentaire par miklos — 2 mars 2005 @ 2:01