Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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8 octobre 2010

Life in Hell: Ô Liberté ! que de crimes on commet en ton nom !

Akbar trouve ce mot de « liberté » très, très lourd : s’il n’était déjà si surchargé d’espoirs et de désespoirs, il serait impossible à porter du fait de son poids, mais aussi de la différence de sens parfois si profonde qu’il peut avoir d’un pays à l’autre. Car il s’agit bien évidemment d’un concept qui caractérise les rapports humains : entre les individus, entre l’individu et les pouvoirs, les organisations, les marchés… Et c’est ainsi, par exemple, que la liberté d’expression, aux Etats-Unis, autorise des agressions verbales d’une virulence qu’interdit la loi chez nous, tandis que leur morale puritaine interdit des comportements que l’on trouve ici très bons pour la santé.

Ce terme si noble est récupéré – comment en serait-il autrement ? – par les politiciens et les idéologues, par les financiers et par les marchands, qui l’accommodent à toutes les sauces et lui font dire tout et son contraire. Non seulement il ne s’agit donc pas de liberté pour tous – celle de l’un est souvent l’esclavage de l’autre – mais, comme l’avait si bien vu George Orwell dans 1984, « la guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». La liberté des marchés, on le constate depuis des siècles, va trop souvent de pair avec l’esclavage des individus et des nations. C’est ainsi que d’idéal social (auquel on adhère ou non), ce terme devient alors un outil démagogique et manipulateur pour une finalité égoïste.

Akbar a suivi assez de cours d’anglais pour savoir que le nom de son fournisseur d’accès à l’internet signifie « libre » dans cette langue (bien que ledit fournisseur soit français) : quand on se lie à lui, on est libre de tout faire sur l’internet ! Effectivement, le fournisseur en question a un sens des valeurs très élevé : il refuse d’envoyer des mails d’avertissement à ses abonnés ayant violé la loi Hadopi ; il défend ainsi leur liberté d’échanger entre eux tout contenu quel qu’en soit le créateur. Quelle noblesse de sentiments que ce refus d’obéir à une loi qu’il trouve sans doute inique au regard d’une loi plus élevée.

Mais une autre circonstance que celle qui occupe les médias dans ce dernier bras de fer amène Akbar à se poser des questions sur la nature de cette loi plus élevée.

Du fait de son abonnement librement pris chez ce fournisseur, il bénéficie d’une ligne téléphonique ADSL qui lui permet de téléphoner gratuitement – il remarque en passant qu’en anglais, on (con)fond « libre » et « gratuit » – à bien des destinations (quand ça marche). En ouvrant la ligne, il l’a inscrite sur liste rouge et n’en a révélé le numéro qu’à Jeff.

Or hier voici que le téléphone sonne. Akbar se précipite sur le combiné et lance un vigoureux « Hello ! » (ou est-ce « allô ! », on ne saurait dire). Il est stupéfait d’entendre une voix inconnue qui lui répond joyeusement :

— Ici Marion de Canal Sat en partenariat avec Free, je suis ravie de vous entendre.

— Pas moi, rétorque froidement Akbar en claquant le téléphone.

Ce n’est pas la première fois ; en 2008, même appel. Si ce n’était pas Marion c’était sa sœur, mais en tout cas c’était déjà Canal Sat en partenariat avec ce fournisseur d’accès dont nous taisons toujours le nom.

Akbar en déduit que ce fournisseur se sent libre de refuser d’obéir à la loi qui permet à tout citoyen de demander que son numéro de téléphone ne soit ni publié dans l’annuaire universel ni cédé à de tierces parties pour quelque raison que ce soit, et, plus généralement, de contrôler la confidentialité des données le concernant.

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, conclut Akbar. Ayant étudié la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie de la bouche de Pangloss, il sait qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin : ledit fournisseur doit trouver cette loi inique au regard de celle du marché. En effet, ce dernier lui permet ainsi d’établir des partenariats qui le renforcent financièrement et qui bénéficient donc évidemment à tous ceux qui en subissent volontairement la servitude. Et, secondairement, permettent à son patron d’acheter sa part d’actions dans le contrôle du journal Le Monde via une société qui s’appelle… Akbar vous en donne cent, il vous en donne mille : Le Monde libre.

Ah, pauvre Madame Roland ! Ah, pauvre de moi, soupire Akbar.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

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