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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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7 décembre 2010

Une fable d’actualité

Classé dans : Actualité, Littérature, Politique — Miklos @ 0:50

Le vaisseau en péril

Un vaisseau, tourmenté par de longs ouragans,
Contre les aquilons et les flots mugissants
Luttait sur une mer d’écueils environnée ;
Et, plus fatale encor que les flots et les vents,
La Discorde en son sein rugissait déchaînée
        Son équipage mutiné
Ne reconnaissait plus la voix du capitaine.
Il ne pouvait régler la manœuvre incertaine
Du malheureux navire aux vents abandonné.
        Matelots, mousses et novices,
Tous veulent commander; nul ne veut obéir ;
Chacun a son avis, son orgueil, ses caprices.
    C’est un tapage à ne plus rien ouïr ;
    Et le vaisseau, dont l’ouragan se joue,
    Au sud, au nord, au couchant, au levant,
Présentant tour à tour et la poupe et la proue,
Va tantôt en arrière et tantôt en avant.

    De ce désordre innocentes victimes,
Les passagers en vain criaient aux disputeurs :
« Manœuvrez, sauvez-nous, suspendez vos fureurs ;
« Ou cette mer terrible, en ses profonds abîmes,
« Mettra bientôt d’accord et vaincus et vainqueurs. »
D’une frayeur trop juste inutile requête !
Livré sans gouvernail au choc des éléments,
Sur la pointe d’un roc le navire se jette,
        Et d’effroyables craquements
        Répondent aux mugissements
        Des vagues et de la tempête.
Ce malheur éteint-il la rage des partis ?
Non, non ; de leur ruine ils s’accusent l’un l’autre :
La dispute redouble ; on n’entend que ces cris :
         « C’est ta faute. — Non, c’est la vôtre.
         « — C’est vous. — C’est toi qui nous perdis. »

« — C’est la faute de tous, » répond le capitaine,
Dont la voix, libre enfin, domine les clameurs.
« C’est votre vanité qui fit tous vos malheurs.
« De vos divisions vous subissez la peine. »
Un dernier craquement retentit à ces mots.
Le pont s’était ouvert sous la vague en furie.
Un dernier cri s’élève, et l’abîme des flots
Se referme en grondant sur la nef engloutie.

        Je ne sais point sous quels climats
    Ni sous quel nom naviguait ce navire ;
Mais, vous qui me lisez, vous pourriez me le dire,
Et, si vous m’en croyez, vous ne l’oublierez pas.

Fables par M. Viennet
L’un des quarante de l’Académie-française.
Paris, 1845

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