Mélancolie
Je regarde et mes yeux voient au fond des siècles. Le visage d’or figé, les grands yeux tristes, la bouche si douce, il me semble les toucher encore. Je sens sous mes doigts la texture douce et fine de la peau, le grain des lèvres tendres. Je ferme les yeux. Les larmes ruissellent sur mes joues et je ne peux rien y faire.
Josette Enjame, L’Appel, 2003.
Je ne sais à quelle loi physique les philosophes peuvent rapporter les sensations de la mélancolie. Pour moi, je trouve que ce sont les affections de l’âme les plus voluptueuses. « La mélancolie est friande, » dit Michel Montaigne. Cela vient, ce me semble, de ce qu’elle satisfait à-la-fois les deux puissances dont nous sommes formés, le corps et l’âme, le sentiment de notre misère et celui de notre excellence.
Bernardin de Saint-Pierre, « Du sentiment de la mélancolie », in Études de la nature, 1818.
La mélancolie ? Être enterré vivant dans l’agonie d’une rose.
Cioran, Le crépuscule des pensées, 1995.