Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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24 janvier 2005

Paul Celan : Fugue de mort (Todesfuge)

Classé dans : Littérature, Shoah — Miklos @ 22:07

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
nous le buvons midi et matin nous le buvons la nuit
nous buvons nous buvons
nous creusons une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
il écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle ses dogues
il siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terre
il ordonne jouez et qu’on y danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d’or Margarete
Tes cheveux de cendre Sulamith nous creusons
une tombe dans les airs on n’y est pas couché à l’étroit
Il crie creusez la Terre plus profond vous les uns et vous les autres chantez et jouez
de son ceinturon il tire le fer il le brandit ses yeux sont bleus
plus profond les bêches dans la terre vous les uns et vous les autres jouez jouez pour qu’on y danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi et matin nous te buvons le soir
nous buvons nous buvons
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez doucement la mort la mort est un maître venu d’Allemagne
il crie assombrissez les accents de violons
alors vous montez en fumée dans les airs
alors vous avez une tombe au creux des nuages on n’y est pas couché à l’étroit

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons midi la mort est un maître venu d’Allemagne
nous te buvons soir et matin nous buvons nous buvons
la mort est un maître venu d’Allemagne son œil est bleu
elle te frappe d’une balle de plomb précise elle te frappe
un homme habite la maison tes cheveux d’or Margarete
il lance sur nous ses dogues il nous offre une tombe dans les airs
il joue avec les serpents et il songe la mort est un maître venu d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete
tes cheveux de cendre Sulamith

À lire :
Enzo Traverso : « Paul Celan et la poésie de la destruction », in L’Histoire déchirée. Auschwitz et les intellectuels, Les Éditions du Cerf, 1997.

6 commentaires »

  1. Dsl je n’avais pas vu le commentaire… en fait il me semble que je l’avais pris sur http://dvarim.org/michelgerbal/?Fugue-de-Mort mais j’aurais du le signaler et je vous remercie de votre lien.

    Commentaire par Le derviche fou — 29 avril 2007 @ 11:20

  2. [...] des cendres de mes grands parents. C’est d’eux et de leurs compagnons de destin que Paul Celan écrit : alors vous montez en fumée dans les airs alors vous avez une tombe au ceux des nuages on [...]

    Ping par Miklos » « Tout ce terrain est une seule grande tombe » — 6 février 2009 @ 2:33

  3. Bonsoir,

    Je me promène sur votre site depuis un bon moment. Il est passionnant.
    A tout hasard, je me permets de vous envoyer l’adresse du site de l’ Association des Amis d’ Arthur ( dont je suis la Présidente). http://www.lesamisdarthur.info
    et dont notre ami Didier fait partie, également.Si vous avez le temps d’y jeter un oeil…
    A bientôt.
    Françoise Courcel.

    Commentaire par courcel françoise — 21 décembre 2009 @ 17:35

  4. Merci !

    Je connais bien évidemment l’association, Didier m’en parle régulièrement. Je n’avais pas vu le site, il est très bien fait et les activités semblent fort intéressantes !

    Le Miklos

    Commentaire par Miklos — 21 décembre 2009 @ 20:30

  5. Je pense d’abord que toute traduction de la Todesfuge n’est qu’un moindre mal, nécessaire pour la faire connaître à ceux qui ne lisent pas l’allemand. Mais Paul Celan a voulu ce texte en allemand et l’allemand me paraît lui être consubstantiel.
    Ceci dit cette traduction ne me satisfait pas entièrement et je regrette que son auteur ne soit pas indiqué.

    Commentaire par Luestan Théel — 29 janvier 2010 @ 13:15

  6. Merci pour votre commentaire. En fait, la traduction est extraite du texte d’Enzo Traverso référencé en bas du cadre, et où il est indiqué à ce propos qu’elle provient de Pavot et Mémoire de P. Celan, trad. Valérie Briet, Christian Bourgois, Paris, 1987, p. 85.

    Etant polyglotte moi-même, je comprends votre commentaire à propos de la consubstantialité de la langue d’origine pour ce texte (et pour tant d’autres), mais qu’en est-il alors de ceux qui ne connaissent pas cette langue, doivent-ils être exclus de l’accès à ce qu’il véhicule ? Toute traduction est interprétation/transformation – voire toute relecture dans la langue de l’origine mais à une autre époque (autre contexte, évolution du sens des mots – que comprendrait aujourd’hui le lecteur non spécialiste à des poèmes de Villon ou des essais de Montaigne sans « traduction »), mais on doit pouvoir faire avec…

    Commentaire par Miklos — 29 janvier 2010 @ 14:22

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