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13 février 2005

Un concert extraordinaire

Classé dans : Musique — Miklos @ 20:59

Le concert qui s’est donné cet après-midi à la Cité de la musique était extraordinaire, à plus d’un égard. C’était le tout premier des événements qui fêteront dans le monde les 80 ans du compositeur et chef-d’orchestre Pierre Boulez. Bien que né en France, son pays le célèbre assez modestement (le jour de son anniversaire il sera à l’étranger) ; il faudra sans doute attendre qu’il soit mort pour en faire de grandes pompes.

Ceci n’a pas empêché tout de même les « autorités » de s’être déplacées, comme l’a dit Boulez lui-même avec une pointe d’ironie amicale dans son discours de remerciements. Mesdames Chirac et Pompidou (cette dernière amateur sincère et éclairé de l’œuvre du compositeur), le ministre de la culture actuel et certains de ses prédécesseurs (Lang, Tasca, Toubon, Aillagon) ; mais aussi le grand compositeur Elliott Carter, qui, à 95 ans, est venu des Etats-Unis pour l’occasion et pour la création d’une de ses œuvres mardi prochain par Boulez  mais aussi la relève, les générations suivantes de compositeurs (Nunes, Dusapin, Lévinas, Hurel…).

Le programme était tout simplement magnifique : deux œuvres pour chœur a cappella du compositeur hongrois György Ligeti, contemporain de Boulez, masses sonores ondoyantes chantées à merveille par le chœur Accentus dirigé par Laurence Equilbey ; le Concerto op. 24 de Webern joué avec une grande clarté par l’Ensemble intercontemporain dirigé par Eschenbach ; deux œuvres, écrites pour l’occasion, l’une par Philippe Manoury et l’autre par le jeune Dai Fujikura  et enfin des extraits de trois œuvres splendides de Boulez, Dialogue de l’ombre double (pour saxophone et électronique), la Troisième sonate pour piano (avec Pierre-Laurent Aimard) et Éclat, électrisantes, envoûtantes (notamment Dialogue, entre un saxophoniste – Vincent David dont l’instrument sonne comme une foule de voix – et l’ombre d’un saxophone qui se déplace, invisible, dans la salle), poétiques, rêveuses, chatoyantes… Je n’ai jamais eu tant de plaisir à entendre cette musique.

Chaque pièce était précédée d’un bref discours, et nous n’avons heureusement pas eu droit à la langue de bois ou aux louanges stériles. Remarquable entre tous celui de Laurent Bayle (directeur de la Cité de la musique), qui a parlé du double chez Boulez. Dans son discours de clôture, Renaud Donnedieu de Vabres a demandé à Boulez qu’il soit présent en France le jour anniversaire de ses 85 ans. Dans sa réponse, Boulez a rétorqué que le plus beau cadeau qu’on pourrait lui faire serait « la grande salle de concert » (il s’agit d’une salle bien plus grande et moderne que Pleyel, que certains demandent depuis longtemps pour Paris, seule grande capitale à ne pas avoir de grande salle de concert). Il a ajouté que l’ère des salles de concert ouvertes de 20h à 23h comme les épiceries était finie : les musées avaient montré la voie pour attirer les générations suivantes vers la culture, en rajoutant toutes sortes d’activités pédagogiques ; la musique a toujours un public, contrairement à ce qu’on dit, et il faut se donner les moyens de l’attirer en créant les infrastructures nécessaires. Il a enfin insisté que c’était un devoir envers les jeunes et les générations futures.

Il est sous-entendu dans cet appel – comme dans d’autres qu’il avait fait précédemment – qu’une telle salle aurait sa place idéalement dans le cadre de la Cité de la musique, toute tournée qu’elle est sur des activités pédagogiques et où se crée une nouvelle médiathèque. Boulez lui-même est un pédagogue hors-pair, et pas uniquement dans ses conférences passées au Collège de France. Comme le montre (entre autres) le film d’Olivier de Mille Naissance d’un geste, il enseigne (la direction d’orchestre) à des jeunes avec extrême attention, sans aucune concession, mais avec humour et affection. On le voit aussi dans les concerts où il dirige des ensembles de jeunes musiciens, ce que ne font pas de moins grands que lui. Boulez a aussi très bien écrit. Un texte pour aborder agréablement sa pensée est L’écriture du geste, recueil d’entretiens avec Cécile Gilly sur la direction d’orchestre, et publié en 2002 par Christian Bourgois.

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