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23 avril 2011

Place des Victoires

Classé dans : Architecture, Arts et beaux-arts, Histoire, Photographie, Sculpture — Miklos @ 18:06

Place des Victoires aujourd’hui (autres vues ici)

La place des Victoires telle que nous la connaissons aujourd’hui n’avait pas le même aspect lors de son inauguration : un imposant monument doré à la gloire de Louis XIV et de la Paix de Nimègue s’élevait en son centre (mis à bas à la révolution française et remplacé en 1822 par la statue équestre que l’on connaît, œuvre de Bosio ; certains éléments en sont conservés au musée du Louvre) ; d’autre part, sa forme a été gravement altérée au XIXe siècle par la percée de la rue Étienne-Marcel et le changement apporté à la partie droite de la rue Vide-Gousset.

Voici comment se présentait la place un siècle auparavant :

Les noms de rues neuves, et de Petits-Champs que portent plusieurs rues de ce quartier, dénotent qu’il en a été un des derniers habités ; en effet, j’ai ouï dire en 1715 au Commissaire la Mare, auteur du Traité de la Police, qu’il n’y avait pas encore cent ans qu’au milieu du terrain qu’occupe aujourd’hui la Place des Victoires, il y avait un moulin à Vent.

(…)

Ici finit la rue neuve des petits-Champs par une espèce de patte-d’oie, formée par les rues neuves des petits Pères, de la Feuillade et de la Vrillère. La rue neuve des petits Pères s’est longtemps nommée la rue Vide-gousset : nom qu’on lui avait donné de sa situation dans un quartier peu habité, et où l’on courait grand risque d’être volé, lorsqu’on y passait de nuit. Comme cette rue est le long de la grand-cour des Augustins déchaussés, dits petits-Pères, on lui a donné le nom de ces Religieux, et on a restreint celui de la rue Vide-gousset au petit bout de rue qui va du coin de celle du Mail à la Place des Victoires. (…)

C’est ici l’ouvrage de la reconnaissance de François vicomte d’Aubusson de la Feuillade, pair et maréchal de France, colonel des Gardes françaises, et gouverneur de Dauphiné, pour toutes les faveurs et toutes les grâces qu’il avait reçues de Louis le Grand. Jamais particulier n’avait encore entrepris de consacrer à la gloire de son prince un monument aussi magnifique, ni une si grande dépense. Dans cette vue, le maréchal duc de la Feuillade acheta en 1684 l’Hôtel de Senneterre, et le fit abattre pour y ouvrir cette place ; mais comme cet emplacement ne suffisait pas, il engagea le Corps de Ville à acheter l’Hôtel d’Emery, et plusieurs autres maisons qui furent toutes renversées pour ce dessein.

Malgré le renversement de tant de maisons, cette place n’est pas d’une grande étendue ; mais six rues qui y viennent aboutir la dégagent beaucoup et semblent la rendre plus grande qu’elle n’est en effet. Sa figure est un ovale irrégulier, qui a quarante toises de diamètre. Les bâtiments qui règnent au pourtour sont d’une même symétrie, et ornés de pilastres d’ordre ionique, soutenus sur des arcades chargées de refends.

Du milieu de cette place s’élève un monument qui a trente-cinq pieds de hauteur, vingt-deux pour le piédestal qui est de marbre blanc-veiné, et treize pour la figure de Louis le Grand. La statue de ce prince, et celle de la Victoire, font ici un groupe d’autant plus brillant qu’il est de bronze doré. La première est vêtue du grand habit dont on se sert à la cérémonie du sacre, habillement qui est particulier à nos rois, et qui les distingue des autres rois. Elle foule aux pieds le chien cerbère, qui par ses trois têtes désigne ici la triple alliance formée pour lors par les ennemis de la France. Derrière cette statue est celle de la Victoire, ayant un pied posé sur un globe, et le reste du corps en l’air. Elle met d’une main une couronne de laurier sur la tête du roi, et de l’autre tient un faisceau de palmes et de branches d’olivier. Sur le plinthe, et sous les pieds du roi, est cette inscription en lettres d’or : viro immortali. Derrière ces deux figures on voit un bouclier, un faisceau d’armes, une masse d’Hercule et une peau de lion. Toutes ces choses forment un groupe de treize pieds de hauteur d’un seul jet, dans lequel il est entré environ trente milliers de métal.

Sur les quatre corps avancés du soubassement qui sert d’empâtement au piédestal, on a placé autant d’esclaves qui sont aussi de bronze, et ont douze pieds de proportion. Ils sont enchaînés au piédestal par de grosses chaînes ; leurs vêtements, et les diverses espèces d’armes qui sont auprès d’eux, font connaître les différentes nations dont la France a triomphé sous le règne de Louis le Grand. Tous ces ouvrages, de même que les quatre bas reliefs qui remplissent les faces du piédestal, et les deux qui sont sur les faces du grand soubassement, sont de bronze, et dessinés très correctement. La corniche du piédestal est soutenue et ornée par huit consoles aussi de bronze, et a aux quatre faces des armes de France, entourées de palmes et de lauriers. L’espace qui est au pourtour de ce monument jusqu’à neuf pieds de distance, est pavé de marbre, et entouré d’une grille de fer haute de six pieds.

Quatre grands fanaux ornées de sculpture éclairaient autrefois cette place pendant la nuit. Ils étaient élevés chacun sur trois colonnes doriques de marbre veiné, disposées en triangle : et dont les bas-reliefs étaient chargés de plusieurs inscriptions sur les actions les plus mémorables de Louis XIV. On les a démolis en 1718.

C’est Martin Vanden-Bogaer, connu sous le nom de des Jardins, sculpteur de l’Académie royale, qui a donné les desseins, et qui a conduit la fonte de ce superbe monument.

Le piédestal est enrichi de bas-reliefs dont les sujets sont expliqués par des inscriptions latines et françaises de la composition de François Séraphin Regnier des Marais, secrétaire perpétuel de l’Académie française. (…)

La dédicace de ce riche monument se fit le 28 de mars de ladite année 1686. Ce jour-là le maréchal duc de la Feuillade, à cheval et à la tête du régiment des Gardes françaises dont il était colonel, fit trois fois le tour de cette statue en présence du gouverneur de Paris et du corps de ville. M. de Bullion, prévôt de Paris, prétendit devoir assister à cette cérémonie à la tête du Châtelet, et marcher à la gauche du gouverneur ; mais le roi ayant appris qu’en 1639, lorsque la statue de Louis XIII fut élevée dans la place Royale, le prévôt de Paris ni le Châtelet n’y avaient point assisté, il décida contre eux, et ils ne s’y trouvèrent point.

Jean-Aimar Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, 1765.

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