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13 mars 2007

Ça n’a pas déchiré grave

Classé dans : Cinéma, vidéo, Littérature, Musique — Miklos @ 0:38

Not with a bang but a whimper.
T. S. Eliot, The Hollow Men (1925)

En me rendant au concert du groupe Bang on a Can All-Stars ce soir au Théâtre de la ville, je me demandais si j’aurais dû apporter des boules Quies : le niveau sonore du dernier de leurs concerts auquel j’avais assisté, plus élevé encore que le précédent, était à la limite du supportable, du moins pour mes oreilles habituées à des musiques plus classiques. Mais quelle joie de vivre j’avais perçue dans leur façon de jouer, et quelles belles œuvres, quels effets splendides ! En rentrant dans la salle, c’est ce à quoi on pouvait s’attendre : une collection impressionnante de percussions, guitare électrique, violoncelle, basse, piano et clarinettes amplifiés, synthé.

Hélas… très peu de tout ceci au rendez-vous hier soir. Personne à l’entrée ne cherchant désespérément à acheter un billet, plusieurs rangées vides dans la salle curieusement calme : j’avais rarement vu un public si léthargique avant un spectacle qui promettait d’être furieusement électrique. Mais le démarrage du concert n’y a rien changé : les premières œuvres se ressemblaient toutes, minimalistes à la Philip Glass – je n’ai rien contre le minimalisme, quand c’est celui d’un Terry Riley ou d’un Steve Reich, mais celui-ci n’en avait pas l’inventivité et la richesse, à l’exception d’effets de timbre parfois intéressants ; c’était principalement le cas de Overvoltage Rumble d’Annie Gosfield, où les instruments jouaient dans leurs registres les plus bas, produisaient des dissonances étranges et des bruits rythmés qu’accompagnaient des crissements de surtension électrique de synthé. Finalement plutôt new age et assez ennuyeuses, et le public les a applaudies assez mollement.

Deux ou trois œuvres (selon que l’on aime le jazz ou non) ont heureusement sauvé la soirée. Manhatta de Michael Nyman accompagnait – de façon classiquement minimaliste – le film muet éponyme de Paul Strand (1921), illustrant des vers de Walt Whitman1. Ce poète, qui a souvent utilisé la répétition pour susciter l’exaltation à l’égard du plus trivial des objets (Strange and hard that paradox true I give; / Objets gross and the unseen Soul are one2), ne pouvait manquer d’inspirer les musiciens minimalistes. Mais c’est le film qui ne manquait pas d’intérêt, six minutes à la gloire de la foule ordonnée, des machines industrieuses creusant le sol d’où s’élancent des buildings gigantesques à la conquête les cieux, tandis que des volutes de fumée s’échappent de tous les orifices de ce monde mécanique tel un souffle puissant qui les rend plus vivants que les habitants robotisés fourmillant dans les rues. Tout se trouve déjà dans Manhatta : on ne pouvait s’empêcher de penser à Metropolis de Fritz Lang (1927) ou aux Temps modernes de Chaplin (1936), et comprendre d’où Koyaanisqatsi – très beau film muet de Godfrey Reggio (1982) sur la nature et sa dénaturation par l’homme, plus seul encore dans la foule urbaine – tirait finalement ses principales références ; la musique de Philip Glass qui accompagne ce dernier film est tout de même plus « efficace » que celle de Nyman qui n’en possède que le style mais pas le souffle.

Une œuvre de Don Byron, qui n’était pas annoncée au programme, et écrite pour l’ensemble, Show Him Some Lub était assez originale par rapport au reste du programme : énergique et plus vive que ce qui avait précédé, elle mettait en valeur les instrumentistes, et intégrait de façon intéressante voix parlée – celle des musiciens, répondant à des questions non posées, celles de leurs propres identités multiples. Mais cela rappelait tellement Steve Reich (que j’aime beaucoup)…

Pour finir, trois courts morceaux qu’Ornette Coleman a composés pour l’ensemble – il fallait aimer le jazz – suivis d’une autre pièce de Don Byron donnée en bis. Le public n’a pas vraiment insisté pour en avoir un second.


Notes :
1 Ce film restauré est disponible sur le DVD Picturing a Metropolis. New York City Unveiled, qui comprend 26 films sur New York tournés entre 1899 et 1940 et produit par les Archives nationales américaines du cinema (National Film Registry)
2 « Je dis ce paradoxe étrange et difficile : les objets grossiers et l’âme invisible sont un ».

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