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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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9 avril 2007

Les livres

Classé dans : Littérature, Récits — Miklos @ 11:19

Il en prend un ici ou là ; il le feuillette, puis le pose n’importe où pour le reprendre plus tard, parfois bien des années après, ou le dévore d’une traite quelle que soit sa longueur ; il lui est arrivé de lire plus de 24 heures d’affilée. Au fil des semaines s’élèvent ainsi de petites puis de grandes piles de livres dans l’appartement : avec les partitions sur le piano droit, près du samovar sur la cheminée, sur l’accoudoir du fauteuil carré, dans les poches de sa robe de chambre ou par terre au chevet de son lit. Un beau jour, pris d’une étrange énergie, il les range tous dans leurs bibliothèques respectives, à leur place bien déterminée, comme les animaux qu’on ramène des alpages à l’étable. Mais ils ne tardent pas à en ressortir, et telles les dunes dans le désert, redessinent un paysage toujours changeant et pourtant familier.

Ils ont chacun leur caractère. Il y en a qui, de loin déjà, l’attirent par leur titre, l’aguichent avec leur couverture, le charment dès les premiers mots et se laissent lire facilement, sans pour autant sombrer dans une vulgaire facilité. D’autres non : il faut les approcher doucement, les effeuiller patiemment, les écouter discrètement avant qu’ils ne s’ouvrent plus généreusement. Le parcours en leur compagnie peut être une joyeuse course dans les mondes imaginaires, un chemin ardu d’apprentissage et de découverte ou plus rarement une lutte violente ou déplaisante. Il lui est rarement arrivé d’en abandonner définitivement la lecture avant de les avoir achevés ; il espère toujours que le livre qu’il a choisi se redimera.

La lecture ne s’achève pas à la dernière page. Il y reviendra dans son souvenir, suscité par d’autres textes, par un air de musique, par un paysage ou par une rencontre, qui évoquent un titre ou une couverture, un nom de protagoniste, une phrase ou une situation, et surtout une atmosphère. Parfois, il désire y confronter ou en raviver la mémoire ; il part alors à la recherche du livre. Il y en a qui lui échappent longtemps et qu’il ne retrouvera que des années plus tard, d’autres qui viennent à sa rencontre. Ils ont rarement changé avec le temps ; comme de vieux cousins qu’on n’a pas vus depuis des lustres et que l’on retrouve avec plaisir, ils ont un air familier et les retrouvailles commencent. Ils lui rappellent ce qui s’est passé lors de leur dernière rencontre ; il y en a qu’il découvre, émerveillé, avec un plaisir renouvelé : l’expérience de la vie lui permet maintenant d’entendre ce qu’ils disaient déjà alors et qu’ils lui répètent patiemment. D’autres lui semblent maintenant radoter un peu, mais il ne peut se résoudre à s’en séparer comme il ne sait le faire de ses vieux pull-overs un peu mités mais toujours confortables.

Ils l’auront accompagné fidèlement toute sa vie. Dans les murailles qu’ils érigeaient entre lui et le monde se sont ouvertes des fenêtres et des portes. Il leur en est reconnaissant.

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