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17 novembre 2011

Life in Hell: il y a de quoi être étonné.

Classé dans : Langue, Lieux, Photographie — Miklos @ 19:59

“Vivos voco. Mortuos plango. Fulgura frango.” — Friedrich Schiller, Das Lied von der Glocke.

Jeff et Akbar sont étonnés comme des fondeurs de cloche. Ils en ont vu des vrais fondeurs à Villedieu-les-poêles (assez poilant comme nom de lieu, comme Trois-Pistoles ou Saint-Louis-du-Ha ! Ha !, qu’Akbar était allé visiter rien que pour ça, c’est d’ailleurs ce qu’ils ont de plus intéressant). La taille des cloches qu’ils produisent, vues de près, a effectivement de quoi les surprendre, mais ce sont surtout ces artisans qui doivent être sonnés quand la fonte de tels mastodontes échoue et qu’il en sort un objet qui cloche, ils doivent en entendre alors, des cloches ! D’où l’expression, qui remonte au moins au XVIe siècle :

Estonné. (…) On dit prov. qu’Un homme est estonné comme un Fondeur de cloches, qu’il est estonné comme s’il tomboit des nuës, comme si les cornes luy venoient à la teste, pour dire, qu’Il est surpris, estonné jusqu’au dernier point. (Dict. de l’Acad. franc., 1694)

Fondeur. (…) On dit prov. d’Un homme estonné de quelque chose de fascheux, qui luy arrive contre son attente, qu’Il est estonné comme un Fondeur de cloches. (ibid.)

Akbar a retrouvé cette expression dans le (très) Facétieux réveille-matin des esprits mélancholiques, ou le Remède préservatif (c’est le cas de le dire, murmure-t-il) contre les tristes, publié en 1565, et qui relate entre autre la mésaventure d’un Anglais qui « estoit incommodé de quelque mal qu’il avoit receu des faveurs d’Amour d’une certaine Normande » (je vous l’avais bien dit, susurre Akbar) et cherchait en conséquence un chirurgien.

L’Anglais en question tombe sur Pierre Loricard à qui il demande s’il ne connaît pas « un bon Surgen (surgeon, chirurgien, en anglais, précise Akbar) pour accommoder mon pice ». Loricard, croyant comprendre que l’individu cherche un bon Sergent (petit officier de justice, à l’époque, explique Akbar) pour s’occuper des pièces d’un procès qu’il a en cours, lui fait rencontrer incontinent (l’adverbe, précise Akbar, à ne pas confondre avec l’adjectif qui est pourtant aussi de circonstance mais autrement) un homme du métier de ses amis.

La rencontre a lieu dans la rue, le Sergent demande d’abord une avance sur frais, puis que l’Anglais lui montre les pièces en question. Ce dernier rétorque que « moy ne veux pas montrer mon pice devant les gens », ils se mettent donc à l’abri d’un portail. Le Sergent met ses lunettes pour lire, tandis que l’Anglais se dépêche de lui montrer la pièce « maléficiée dans le combat de Venus ». Et inévitablement :

Le Sergent, extrêmement surpris, crût que cet Anglois se mocquoit de luy (ou alors étant de ces 25% d’Anglois, selon les statistiques sociologiques d’Edith Cresson, ricane Jeff), & tout confus commence à luy dire.

— Comment, mon amy, est-ce ainsi que l’on se mocque des Ministres de Justice ! Je vous montrerai bien à qui vous vous jouez.

Le saisissant au colet, il commença à crier :

— Je fais haro sur cet insolent.

À ces cris, tout le monde y accourut, Pierre Loricard se trouva surpris aussi bien que luy, à qui ce pauvre Anglais estonné comme un fondeur de cloches, dit :

— Pierre Loricard, quel Surgent m’avez-vous mené ?

Le malheureux ne put s’en débarrasser (du Sergent, pas du mal en question) qu’en le payant encore une fois, et « fut contraint de chercher un autre Chirurgien ». Akbar se dit qu’un vrai sergent aurait dû faire sonner les cloches de CornevilleFaire la tournée des constats d’adultère., ce qui aurait peut-être évité que la dite Normande ne parte courir le guilledou avec comme conséquence la mésaventure de notre Anglais qui s’en est sorti bien sonné.

Akbar décide de faire un bref inventaire de quelques autres expressions qui mentionnent les cloches. Voici ce qu’il trouve :

- À cloche-pied.

- À la cloche (intelligent).

- Avoir des cloches aux pieds, sous les pieds (des ampoules).

- Avoir toujours quelque fer qui cloche.

- Boire comme un sonneur de cloches.

- Chapeau-cloche.

- Cloche à fromage (chaussette).

- Clocher devant les boiteux (tenter d’être fin devant des gens plus fins que soi).

- Clocher que dalle (être sourd).

- Clochettes (poches).

- Déménager à la cloche de bois (faire sortir ses meubles de son logement sans avoir payé le propriétaire et sans être vu du concierge).

- Entendre des cloches (être assommé, sonné).

- Entendre les deux cloches (les deux parties, le pour et le contre).

- Être à la cloche, filer la cloche (être clochard, sans domicile fixe).

- Être à la cloche (écouter).

- Faire sonner la grosse cloche (faire parler celui qui a le plus d’autorité).

- Fileur de cloches (misérable).

- Fondre la cloche (se déterminer à approfondir une affaire, prendre une dernière résolution pour une affaire).

- Gentilhommes de la cloche (ceux annoblis par les charges municipales, à cause de la cloche qu’on sonnait dans les élections).

- Il est comme les deux cloches (celui qui varie dans ses discours).

- Indiscret comme une cloche.

- N’être pas sujet à un coup de cloche (à l’heure, comme les moines, les chanoines).

- Pauvre cloche ! (expression favorite de Jeff)

- Penaud (ou piteux, ou triste) comme un fondeur de cloches (confus et muet, voyant qu’une affaire qui pouvait être bonne nous a mal réussi par notre faute).

- Ronfler comme un sonneur de cloches.

- Se taper la cloche (s’en envoyer plein la lampe, faire bombance).

- Sonner les cloches à quelqu’un (le gronder).

- Sous cloche (en préparation).

Si vous en connaissez d’autres, signalez-les moi, demande Akbar à ses fidèles lecteurs.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

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