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26 novembre 2011

« Ton faible cœur balance et n’ose l’entreprendre ?… » (Lady Macbeth)

Classé dans : Arts et beaux-arts, Littérature, Peinture, dessin — Miklos @ 17:33

…enfin il [Bixiou] se balançait dans la vie comme sur une escarpolette, sans s’inquiéter du moment où la corde casserait. — Honoré de Balzac, La femme supérieure*.

L’image de gauche est un détail d’un bel éventail peint sur tissu, datant probablement de la fin du XIXe siècle ; celle de droite, une impression contemporaine sur tissu, en noir et blanc.

Ce motif de l’escarpolette était assez commun aux XVIIIe (notamment un tableau de Fragonard et un autre de Huet) et XIXe (par exemple : Fantin-Latour ou Monvoisin) siècles, avec des connotations amoureuses, voire coquines ou carrément érotiques – les envols de jambes et les froufrous des jupons s’y prêtent si bien –, et parfois humoristiques.

Mais on retrouve aussi l’escarpolette dans la littérature de cette époque. Voici par exemple ce qu’en dit Madame de Genlis dans ses Nouveaux contes moraux (!) en 1802 :

Au moment même je me vis tout-à-coup au milieu d’un superbe jardin ; j’entendis parler ; je m’arrêtai, je regardai autour de moi, et à la faveur du plus beau clair de lune, j’aperçus à quelque distance la belle Elianne que j’avais vue dans la glace ; elle était précisément dans la même situation, sur une escarpolette, se balançant de toutes ses forces ; cette fureur d’escarpolette me paraissait inconcevable. La Princesse s’entretenait avec un petit Sylphe fort joli, qui parlait dans ce moment : Je sais bien, lui disait-il, qu’il est bon de balancer quelquefois ; mais balancer toujours, sur toutes les propositions qu’on pourra vous faire ; balancer éter­nel­lement et dans les plus belles années de votre vie, cela est cruel, j’en conviens….

L’original de cette variante innovante pour l’époque – l’homme est aussi sur l’escarpolette et non pas au sol (ce qui fournissait sans doute un angle de vue plus intéressant) – du motif en question est due à Pierre Auguste Cot (1837-1883) : il s’agit du Printemps, tableau exécuté en 1873 et se trouvant à l’Appleton Museum of Art à Ocala en Floride, et non pas au Metropolitan Museum of Art de New York comme le prétend la Wikipedia en anglais ; le Metropolitan détient par contre un autre tableau de Cot, L’Orage (qui, soit dit en passant, a inspiré la nouvelle de science fiction Alpha Ralpha Boulevard de Cordwainer Smith, publiée en 1961).

Ces deux tableaux de Cot ont été repris par les graveurs Amédée (1818-1883) et Eugène (1831-1911) Varin. L’objet représenté ci-dessus à droite est une (médiocre) reproduction de leur eau-forte Le Printemps.

Il n’est pas aisé de trouver cette œuvre en ligne faute d’en connaître le titre ou l’artiste : si l’on recherche « escarpolette », on trouve surtout le tableau de Fragonard… Ou alors, ce tableau sur un site de vente : la légende précise qu’il est intitulé Amoureux à l’escarpolette, qu’il date « du milieu du XIXe siècle » et qu’il est signé « Catz ap ». Or on peut distinguer à l’œil nu dans l’une des vignettes que fournit le site que la signature est en fait « d’ap. Cot » (suivi d’un paraphe), ce qui veut probablement dire « d’après Cot » et place donc le tableau au plus tôt dans le dernier quart du siècle en question et non pas comme indiqué. Enfin, sa facture plutôt médiocre est sans comparaison avec l’original.

Moins cher et plus amusant : on trouvera ce tableau sous forme de puzzle, ici.

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* Et non pas « L’insouciance est l’art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s’inquiéter du moment où la corde cassera » qu’on ne trouve pas dans les Maximes et pensées de Balzac, contrairement à ce qu’affirment nombre de ressources sur l’internet, y compris Évène (où ce n’est pas la première mauvaise attribution, voire citation, qu’on y a trouvée)…

Fronstispice de Brunettes, ou petits airs tendres, avec les doubles, et la basse-continue ; meslées de chansons à danser. Recüeillies & mises en ordre par Christophe Ballard, seul Imprimeur de Musique, & Noteur de la Chapelle du Roy. À Paris, M. DCC. IV.

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