Miklos
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16 juillet 2007

Les tribulations de Sam au dessus de la Chine, ou avec qui ne pas s’envoyer en l’air

Classé dans : Récits — Miklos @ 21:53

La valise s’enregistra dimanche matin à Sydney, quelques heures avant le vol qui devait l’emporter à Paris via Londres. Descendant d’une noble famille de bagages, les Sonites, Sam (diminutif de Samantha) s’allongea volup­tueu­sement sur le tapis roulant. Elle se laissa emmener vers la soute du tapis volant qui allait la transporter dans les airs, installée bien plus confortablement que son propriétaire engoncé dans un siège conçu pour des nains anorexiques. Elle regretta de ne pouvoir faire un tour au duty free de Bangkok, mais se consola en constatant que son patron n’avait pas eu non plus le temps de s’y arrêter, occupé qu’il fut à tenter d’expliquer à la sécurité qu’il n’était pas nécessaire qu’il s’enregistre de nouveau, puisqu’il était en escale.

De nombreuses heures plus tard, Sam arriva à Londres, fatiguée mais encore solide : elle avait de la résistance, la vaillante petite valise (pas si petite que ça : elle avait pris du poids en Australie et faisait déjà 26kg), et gardait un stiff upper lid en toute circonstance, noblesse oblige. Elle prit ses roues à son cou pour rejoindre le vol qui devait la conduire, une heure plus tard, à Paris. Y arriva-t-elle jamais ? c’est là que sa trace se perd : lundi matin, elle ne se trouva pas à l’arrivée.

Lundi après-midi, le service compétent – ce terme ne désignant pas forcément un état de fait mais une noble aspiration – informa son propriétaire qu’elle avait pris le vol suivant, et qu’elle lui serait livrée le jour-même.

Mardi matin, il apprit qu’elle était encore à Londres, mais arriverait le jour-même à Paris et lui serait livrée (variante du style « Marquise, vos beaux yeux… »).

Mercredi, on lui affirma qu’elle était depuis lundi à Paris, et ne saurait manquer de lui être livrée en temps et en heure (le jour-même). On l’informa que les télécopies qu’ils avaient envoyées au service des bagages pour signaler la disparition de Sam et pour tenter de la retrouver n’étaient de toute façon pas lues, ce service ne répondant pas non plus au téléphone.

Jeudi, elle serait finalement à Londres, et y resterait encore plusieurs semaines, au vu des milliers d’autres valises qui s’y étaient réunies en conclave sine die et ex tempore.

Vendredi, on ne savait pas vraiment où elle se trouvait, ni le lundi suivant non plus (inutile de préciser que le dimanche fut sombre) : il était déjà envisageable qu’elle avait subi quelque irréparable outrage – s’être fait dérober par un quidam admiratif de ses formes (ce qui n’aurait pas manqué de la flatter quelque peu), ou Dieu préserve, s’être fait exploser par un quelconque Johnny des services de sécurité britanniques paranoïaquement suspicieux – avec des centaines ou des milliers d’autres de ses collègues, sort que l’on ne saurait vraiment déterminer qu’au bout de 21 jours. Au moins. Peut-être.

En fin de journée, on lui annonça qu’elle était probablement partie en catimini et en camion de Londres à Milan, où elle arriverait le lendemain, et d’où le chargement dans un avion semblait plus simple à effectuer qu’à Londres. Quelques heures après cette triste nouvelle et bien avant son arrivée prévue en Italie, elle tombait inopinément dans les bras de son propriétaire à Paris, la joie des retrouvailles quelque peu mitigée par son regret de ne pas avoir vu le Duomo.

Les tatouages – heureusement délibiles – qu’elle portait indiquaient qu’elle était arrivée à Paris le tout premier jour : les Anglais l’avaient vulgairement jetée à fond de cale du vol suivant. À son arrivée à Roissy, elle avait été contrainte de survivre dans ce no man’s land à l’instar d’un Viktor Navorski (elle a un faible pour Tom Hanks) sous le nez des services compétents qui l’avaient royalement ignorée. Une Sonite ! Ce n’est qu’au bout d’une semaine qu’elle fut finalement réunie avec les siens, ayant échappé belle au sort ignominieux autrefois réservé aux esclaves.

Le lendemain de son retour, le site destiné à « informer les voyageurs en temps réel » de l’état de leur bagage « retardé » (qualificatif que Sam rejette avec pétulance) indiquait qu’elle n’avait toujours pas été localisée.

2 commentaires »

  1. génial le coup du petit prince pdr !!!!

    Commentaire par sfn — 16 juillet 2007 @ 22:27

  2. Vraiment trés drôle……………..toujours aussi drôle ce mi- clos

    Commentaire par zopiros59 — 18 juillet 2007 @ 11:05

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