Le rêve de Job
« Pourtant, j’en eus assez. Je me laissai tomber. J’attendis. Mais j’en eus assez d’attendre et décidai de sourire sans tarder. Cette décision en vaut une autre. Mais sourire me fatigua. J’inclinai la tête sur mon épaule, l’inclinai davantage encore et je sentis, les yeux clos, comme une brûlure soudaine, que j’en avais assez de tout. Un vent inconnu soufflait autour de moi et mes cheveux balayaient en tout sens mon visage. J’en eus alors assez d’avoir assez, de me le dire, me le répéter dans la tiède porosité de mon crâne. Je grommelai je ne sais plus quoi, rouvris les yeux, regardai autour de moi avec une soudaine vague d’intérêt, de tous côtés puis me redressai en riant aux éclats, les yeux pleins de larmes, oscillant frénétiquement sur mes pieds, tout mon corps moucheté d’une grosse et mystérieuse lumière grise rose et verte. » – Jean Demélier, Le rêve de Job, NRF, Gallimard, 1971.