Plus ça change…
« 9 Ce qui a été, sera, et ce qui a été fait, sera fait, et n’y a rien de nouveau sous le soleil. 10 Il y a telle chose qu’on montre comme nouvelle, laquelle toutefois a déjà été au temps passé, qui a été devant nous. 11 Il n’est mémoire des passés ; et même de ceux qui sont à venir, il n’en sera mémoire vers ceux qui seront après. » Ecclésiaste, ch. I (trad. Sébastien Castellion)
« Tout tourne, tourne, tourne… » Jacques Offenbach, La vie parisienne
Force est de constater certains invariants : le globe terrestre possède deux pôles magnétiques, ceux du nord et du sud qui, même s’ils se déplacent régulièrement, restent situés dans les mêmes zones géographiques ; la géopolitique en reconnaît trois – la Chine, les États-Unis et la Russie dont la superpuissance et la capacité respective d’attraction et de répulsion varient au cours de l’histoire moderne – ce qui correspond assez bien à la description que faisait Orwell dans 1984 d’un monde divisé en trois puissances – Oceania, Eurasia, Eastasia – qui s’allient et se désallient au fil du temps et autour desquelles gravitent les autres états, attirés ou repoussés par leur puissance.
La recomposition de l’Europe depuis l’entre-deux-guerres correspond bien à ce schéma, qui rappelle1 un principe géométrique simple : trois points forment toujours un plan, et en conséquence un trépied est toujours stable quel que soit la longueur de ses pieds, tandis qu’il est plus difficile d’équilibrer une table à quatre (ou plus) de pieds, et impossible de laisser une bicyclette se tenir toute seule immobile à la verticale.
Depuis Napoléon, les relations franco-russes ont subi des hauts et des bas aussi vertigineux que les montagnes de ce dernier pays : de la campagne de Russie à l’amitié franco-russe décidée par le tsar Alexandre III et le président Carnot, puis à l’alternance dans le monde bipolaire2 de l’après-guerre suivi de la velléité de non-alignement de la France gaullienne, on aura presque tout vu. À l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy en Russie où il a « parlé franc » à l’inverse de son prédécesseur qui ménageait les relations avec l’ours (post-)soviétique, les commentateurs soulignent un rapprochement graduel de la France des États-Unis ; là aussi, depuis La Fayette, on a eu droit à des yoyos3 d’une certaine amplitude. Le comble de l’amour-haine aura été la chaleur avec laquelle les soldats américains ont été reçus à la Libération par les populations, et l’épaule froide (cold shoulder, chez eux) que le politique leur a montré plus tard. Maintenant que la Chine s’est bien réveillée de son long enfermement maoïste – elle le fait déjà depuis une trentaine d’années, mais on ne veut le voir que maintenant, quand elle est arrivée à étendre son influence politique et commerciale à d’autres continents, tels l’Afrique – on se demande ce qu’y fera la France, à part tenter d’ouvrir une antenne du Centre Pompidou à Shanghaï. Ce qui n’a pas l’air d’enthousiasmer l’Empire du Milieu dont les priorités doivent être bien plus bassement matérialistes. « Money makes the world go around, go around… »4
1 Osons le dire, même si une telle comparaison ne manquerait pas d’attirer les foudres des Sokal-et-Bricmont en puissance.
2 La Chine n’existait pas à cette époque révolue. Et même si à Yalta on parlait de trois « grands », il n’y en avait réellement que deux.
3 Qui, comme on le sait, est une invention asiatique qui remonte à la nuit des temps, à l’origine objet de chasse avec lequel cette région du monde a commencé sa conquête technologique du monde et à nous embobiner tous : aujourd’hui, presque tout est fabriqué en Extrême Orient.
4 Comme le chante Joel Gray dans Cabaret.
[...] Aimez-vous Brahms ? Oh oui ! serait-il possible autrement ? Mais quand s’ouvre le Quatuor n° 3, on croirait entendre du Haydn… L’œuvre, longue, hésite curieusement entre classicisme et romantisme : on retrouve parfois les harmonies et surtout les sonorités chaleureusement enveloppantes de Brahms dans les registres bas, mais ailleurs on est dérouté, voire carrément déçu : le (premier) violon a alors une voix aigre et criarde, la progression est laborieuse. Le quatuor n’est pas une formation simple (d’ailleurs, en menuiserie, il est plus facile d’équilibrer un meuble à trois pieds qu’à quatre, comme on l’avait déjà évoqué ailleurs). [...]
Ping par Miklos » Les apparences sont parfois trompeuses — 13 décembre 2009 @ 11:38