Miklos
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2 janvier 2008

Le temps suspendu

Classé dans : Littérature — Miklos @ 23:19

« Se voiler la face, vivre d’illusions, refuser le temps qui passe ou de voir les inégalités, c’est vivre moins qu’une pierre. » — Hafid Aggoune

« Quand nos mains se tiennent, j’oublie tout le reste
J’ai l’impression même que le temps s’arrête. »
— Michel Jourdan, Le temps qu’il nous reste (musique : Pintucci, Di Barr, Masini)

« Le temps passe si vite… », comme le chante si tendrement Mouloudji dans une belle chanson mise en musique par Van Parys. Ceux qui le ressentent s’en aperçoivent surtout au passage de ces pierres numéraires que sont les anniversaires, les changements de saison ou d’année, moments mélancoliques pour eux, fêtes pour d’autres. Il n’est pas étonnant que certains s’évertuent à le ralentir – mais pour mesurer sa vitesse de passage et dire qu’il passe si vite ou parfois trop lentement, encore faudrait-il qu’il y ait un « autre » temps servant à mesurer la progression du nôtre (certains en sont convaincus). D’autres tentent de l’arrêter — à l’instar d’un auteur anonyme de la dÉsencyclopédie qui en donne une recette pleine de bon sens : « pour arrêter le temps, il n’y a qu’une seule façon de procéder : courir très vite, de manière à aller exactement à la même vitesse que le temps ». Il y en a même qui œuvrent à ressusciter les cadavres dont son chemin est parsemé.

C’est dans l’art que le temps se fige ou s’étire à souhait comme l’avaient illustré si merveilleusement la Garry Stewart Australian Dance Theater et la photographe Lois Greenfield. Qui ne connaît les montres molles de Dali ou celles accumulées par Arman devant la gare Saint-Lazare ou dans des boîtes ? Quant à Marcel Aymé1, il réussit là où Fonacon échoue misérablement : éviter de passer au mois suivant (Fonacon essaie de n’empêcher que le changement d’année).

32 juin. — Il faut bien convenir que le temps a des per­spec­ti­ves encore inconnues. Quel casse-tête ! Hier matin, j’entre dans une boutique acheter un journal. Il portait la date du 31 juin.

— Tiens, dis-je, le mois a trente et un jours ?

La marchande, que je connais depuis des années, me regarde d’un air incompréhensif. Je jette un coup d’œil sur les titres du journal, et je lis :

« M. Churchill se rendrait à New York entre le 39 et le 45 juin. » 2

quantièmes oh combien symboliques pour un conte de guerre publié en 1943 ! Encore un paradoxe temporel ?


1 Dont certains prétendent à tort qu’il « manque d’amour » et qu’il « reste un peu à l’écart » : n’en perçoivent-ils pas la sensibilité et l’empathie profondément pudiques — il suffit de lire « En attendant » ou « La Légende poldève » (tous deux dans Le Passe-muraille) — qui, blessée et indignée, se manifeste par une froide ironie tournée à l’encontre des infâmes personnages de La Tête des autres
2 « La Carte », in Le Passe-muraille.

Un commentaire »

  1. [...] lire ; pourquoi lire et écrire. On peut se le demander : lire un livre demande du temps (qui en a encore ?) et de la concentration ; heureusement qu’il y avait le Reader’s Digest et maintenant la [...]

    Ping par Miklos » Exercices de style (IV), ou, cherche et tu trouveras — 8 septembre 2010 @ 0:50

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