Paillotes corses à Paris
« Terrasse, subst. fém. Plate-forme en plein air (…) espace découvert attenant à un édifice (…). » — Trésor de la langue française.
« Vous m’avez fait entendre le silence des libres et larges vastitudes ; peu à peu, dans les volutes mauves de la cigarette qui console, s’estompaient les grisailles de la vie quotidienne, et à bord du “Rêve” nous cinglions à pleines voiles vers l’Idéal. » — Paul Capronnier, Voyage en Extrême-Orient, 1898.
Il ne s’agit pas, en cette saison de frimas, du Paris-plage qui se construit, éphémère et estival, le long de la Seine, mais d’un phénomène parti pour être durable et qui s’étend sur toute la capitale, et sans doute la France entière. On aurait pu croire que l’application de la loi sur le tabac en aurait définitivement dispersé les volutes des cafés et des restaurants. Que nenni ! Ces établissements, dont les terrasses, auparavant, répondaient à la définition du dictionnaire, les ont vu se couvrir et se fermer de parois, être aménagées comme à l’intérieur (chauffage y compris) et équipées de cendriers en sus. Non contents d’avoir trouvé comment contourner la loi – sport français bien connu – leurs patrons ont encore agrandi ces annexes, qui dépassent parfois en surface celle du bâtiment d’origine. Quant à ces quelques non-fumeurs qui veulent se désaltérer ou se restaurer dans l’espace qui leur est réservé, ils doivent traverser la vastitude1 de ces nouvelles paillotes et se frayer un passage à travers les denses volutes qui ne s’évacuent pas, du fait que ces terrasses ne sont pas aérées, mais qui sont aspirées vers l’intérieur, la porte séparant ces deux espaces étant souvent ouverte. Et voici comment une loi est mort-née. C.Q.F.D. et R.I.P.
1 Comme le montre la citation en exergue, ce mot n’a pas été inventé lors de la dernière campagne présidentielle.