Miklos
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9 mars 2008

La force du destin

Classé dans : Récits — Miklos @ 0:13

« Curiosity killed the cat. » — Proverbe anglais.

Dressé sur ses pattes, le dos arqué, le chaton noir jais se frottait langoureusement contre les jambes de l’homme assis dans un fauteuil, passait de l’une à l’autre, se glissait entre les deux et revenait vers l’avant. Puis, distrait par un bout de lacet qu’il avait cru voir bouger, il s’aplatissait au sol les yeux mi-clos d’où jaillissait une flammèche, les oreilles dressées et le poil frémissant. Ses petits ongles à peine formés grattaient impatiemment le tapis. Soudain, il bondissait sur sa proie qui ne faisait même pas mine de se débattre, la secouait vigoureusement à l’échine qu’il avait saisie dans sa petite machoire juste au-dessus de l’extrémité plastifiée, la tirait vers lui suffisamment pour défaire le nœud, puis s’en désintéressait.

Quand il fut à bout de ressources, il se mit à miauler piteusement pour attirer l’attention de son maître. Une grande main apparut alors au-dessus des genoux et descendit vers lui, comme un parachute ouvert. Tâtonnante, elle s’approcha de la petite bête et se mit à la caresser distraitement, ce qui eut pour effet immédiat de déclencher un ronronnement béat. Un doigt expert gratouillait le crâne, passait autour des oreilles, puis toute la main enveloppait l’échine et descendait vers le ventre qu’elle malaxait doucement. Le chaton s’étalait au sol, extasié, léchant puis mordillant l’index vagabond.

Pendant ce temps, l’homme s’évertuait à poursuivre la rédaction d’un texte fort sérieux sur l’ordinateur placé sur ses genoux. Tâche relativement difficile à accomplir d’une seule main, surtout lorsqu’il s’agit d’appuyer simultanément sur deux touches situées aux extrémités opposées du clavier et d’empêcher le tout de basculer. Finalement, il se rendit à l’évidence : la bête avait gagné. Il la saisit par la peau du coup et la disposa dans le recoin situé sous son coude gauche, entre son aine et le fauteuil. La petite boule de poils s’y lova et il put poursuivre son travail pendant un temps.

Mais le calme ne dura pas : le cliquetis des touches et les lumières changeantes à l’écran attisaient la curiosité du raminagrobis. Ses yeux grands ouverts suivaient les doigts qui voltigeaient sur le clavier, bien plus animés que le bout de lacet inerte qu’il avait vaincu d’un coup de dents : il sauta gauchement sur l’étrange décapode qui s’agitait devant lui et heurta l’écran. De surprise, l’homme lâcha le tout qui s’écroula bruyamment au sol. Terrorisé, le chaton disparut sous le sofa. Le lendemain, l’homme s’acheta un nouvel ordinateur et une peluche. Et c’est ainsi qu’il advint qu’encore un chat dut s’en aller tout seul.

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