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8 avril 2008

Le facteur sonne toujours deux fois

Classé dans : Histoire, Sciences, techniques — Miklos @ 1:14

« La société est composée d’hommes qui apostrophent grossièrement les auteurs, d’autres qui critiquent les ouvrages, et enfin d’autres qui se contentent de faire des réflexions ; c’est dans cette dernière classe que je me range. (…) Le fondement est mal fait ; l’édifice est donc mal assuré ; c’est donc par cette raison qu’on est obligé d’y retoucher souvent, et même de le refaire continuellement ; si les architectes qui s’en sont occupés ont péché par ignorance, je ferai la prière qui est bien connue : Grand Dieu, pardonnez-leur ! etc. S’ils ont péché par négligence, ne devroient-ils pas, pour dédommager le public, donner leur nouvelle réparation gratis. » – G. A. Delorthe, Paris, le 22 décembre 1781.

C’est ainsi que commence une « lettre qui a été insérée dans le Courrier de l’Europe », où l’auteur fait quelques réflexions au sujet d’un article de l’Encyclopédie Méthodique. Le titre de la gazette dans laquelle Delorthe a publié ses remarques incite a poursuivre la réflexion au sujet de l’article « Courrier » d’une autre encyclopédie, la Wikipedia (sans s’attarder, comme le fait Delorthe, sur la qualité de ses fondements ni sur les péchés de ses architectes). Cette dernière comporte une entrée, « Courier de l’Europe » consacré à un bihebdomadaire à propos duquel la Bibliographie historique et critique de la presse périodique française d’Eugène Hatin (1866) écrit :

Courrier de l’Europe, gazette anglo-française, par Serre de Latour, Morande, Brissot1, le comte de Montlosier. Londres et Boulogne, 1776-1792, 32 vol. in-4°.

Un des recueils les plus importants à consulter, non-seulement pour l’histoire politique, mais encore pour l’histoire morale et littéraire du siècle dernier. Intéressant surtout pour l’histoire des colonies anglaises. « Le Courrier de l’Europe, dit Brissot dans ses Mémoires, est peut-être le seul monument qu’on devra un jour consulter pour connaître l’histoire de la révolution d’Amérique. » « L’abondance des matières qu’on y traite, lit-on dans les Mémoires secrets, lui procure nécessairement beaucoup plus de lecteurs qu’aux autres gazettes, d’autant que l’on s’y permet de fréquents écarts et une liberté infiniment plus grande qu’ailleurs ; mais aussi il en résulte une frayeur continuelle de la voir supprimer. » C’est ce qui arriva en effet. Ce n’était pas sans difficulté que l’introduction en France en avait été permise. Le ministre n’avait cédé qu’en considération de l’utilité dont ce journal pourrait être pendant le cours de la guerre qui allait s’engager : il vaudrait, lui disait-on, cent espions au gouvernement, et il lui rapporterait au lieu de lui coûter. Mais il était difficile qu’un journal écrit à Londres n’oubliât pas la mesure qui convenait de l’autre côté du détroit. Dès le second numéro il était proscrit en France ; mais ses entrepreneurs obtinrent, à force de protestations, la levée de l’interdit. Les premiers numéros avaient paru au mois de juillet 1776 ; la distribution en fut de nouveau permise à Paris à partir du 1er novembre. Le titre porte alors : « Courrier de l’Europe, ou Gazette des gazettes, continuée sur un nouveau plan, le 1er novembre 1776. Il se publiait à Londres, et était réimprimé pour la France, avec l’assentiment et sous la censure du gouvernement à Boulogne, où son éditeur, le fameux Swinton, dépensait annuellement deux mille louis qu’il aurait voulu aller dépenser — plus librement — à Ostende, ainsi que cela résulte d’une requête par lui adressée le 5 oct. 1780 au gouvernement des Pays-Bas, requête qui fut rejetée. (…)

Dans un autre de ses ouvrages, Les Gazettes de Hollande et la presse clandestine aux xviie et xviiie siècles (1865), Hatin fournit une description plus détaillée et fort intéressante des démêlés, des accords, des compromissions de ce magazine avec le pouvoir politique et de son instrumentalisation par ce dernier. Enlevez « politique » et on retrouve la problématique oh combien actuelle des rapports souvent ambigus de la presse à l’égard des pouvoirs.

Comme on peut le constater, le titre même du magazine, « Courier… », est orthographié le plus souvent « Courrier… » dans les textes qui en discutent, même à l’époque où il paraissait (d’ailleurs, une des références citées dans l’article de la WP utilise cette variante, ce qui aurait mérité la création d’un renvoi). Or (ce que ne mentionne pas la WP), il a existé d’autres Courrier de l’Europe – il suffit de consulter le catalogue de la Bibliothèque nationale de France pour le constater –, plus ou moins éphémères, à la fin du xviie et durant le xviiie s. Hatin (vid. sup.) parle ainsi du Postillon de la guerre, publié à partir du 26 avril 1792, qui devient en août Gazette générale de l’Europe, puis Messager du soir, pour reprendre, après une suspension, sous le nom de Courrier de l’Europe, revenir à son ancien titre, puis derechef à ce dernier selon les interdictions dont il faisait l’objet. Il est réuni (avec le Journal des curés et d’autres périodiques) au Journal de Paris qui agrandit son format et rallonge son titre en 1811. Plus tard, on trouvera Le Courrier de l’Europe. Écho du continent (qui devient Courrier de l’Europe auquel est réuni l’Observateur français, « fondé par l’ancien rédacteur du Figaro », toujours selon Hatin, vers 1841 (en fait, juin 1840) et qu’on retrouve encore en 1886 ; le Courrier de l’Europe et des spectacles dans la première moitié des années 1800 ; le Courrier de l’Europe. Journal politique et littéraire en 1868, etc.


1 Que la WP anglaise appelle « Brissotte » à une reprise dans l’article qu’elle lui consacre – fruit d’un vandalisme récurrent qui frappe cet article, en place depuis quatre mois sans être corrigé, et qui met à mal la thèse selon laquelle la WP s’autocorrige instantanément (comme on l’avait déjà remarqué ailleurs).

Un commentaire »

  1. [...] mais qu’il trouve bien fatiguée et qui a grand mal à remplir sa noble mission de transport du courrier. Et ce n’est pas l’électronique qui arrange les [...]

    Ping par Miklos » Life In Hell: La Poste a un fichu caractère — 20 décembre 2008 @ 15:23

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