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12 octobre 2012

Lequel des deux est plus réussible ?

Classé dans : Actualité, Langue, Médias — Miklos @ 11:08


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Raté ! Il ne semble pas, il est certain, que Les Échos n’ont pas connais­sance du subjonctif, qu’ils auraient dû utiliser avec il semble que pour indiquer le doute. Il est certain qu’ils ignorent le fait qu’on pouvait aussi utiliser ici l’indicatif, mais alors en écrivant a réussi (ou ont réussi, l’un ou l’autre se dit ou se disent).

Si, par contre, ils voulaient indiquer la capacité inhérente de l’un ou l’autre candidat à réussir, ils auraient pu écrire Il semble peu probable que l’un ou l’autre soit réussible, du moins d’après le Dictionnaire étymologique (on vous en fait grâce du titre complet, vous le trouverez en légende) de Noël et Carpentier (1831) :


François Noël et Louis Carpentier : Philologie française, ou, Dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique, littéraire, contenant un choix d’archaïsmes, de néologismes, d’euphémismes, d’expressions figurées ou poétiques, de tours hardis, d’heureuses alliances de mots, de solutions grammaticales, etc. pour servir à l’histoire de la langue française. Paris, 1831.

On peut se demander pourquoi ce terme, bien plus efficace et compré­hen­sissable, pardon, compréhensible, que celui de réussissable (qu’on trouve chez Flaubert et ailleurs, mais pas dans beaucoup de dictionnaires et qui fait surtout penser à suçable, qu’on trouve en 1845 dans le Dictionnaire des mots nouveaux de Radonvilliers), n’ait pas réussi, justement, à s’imposer en français. L’efficacité de notre langue n’est pas une carac­téristique de son génie, à l’opposé de l’anglais. Réussible n’était d’ailleurs pas si rare que cela, en voici quelques autres usages (le premier extrait, de la plume du roi Henri IV, est particu­lièrement intéressant pour ses aspects politiques, le second pour son auteur, et le troisième pour la profusion des compliments utilisés pour rejeter une requête…) :

«Pour moy, je desire, comme Sa Saincteté, que le dict royaulme d’Angleterre tombe entre les mains d’un prince catholique ; je n’ignore aussy les raisons qui me doivent faire desirer que ceste couronne demeure separée de celle d’Escosse, ny celles qui me doivent donner jalousie des alliances qu’a le roy d’Escosse en mon Royaulme ; mais c’est injustice de s’opposer à la justice, et imprudence de s’engager en une entreprise peu reussible, comme celle que l’on propose à Sa Saincteté. Je dis qu’il sera plus équitable, facile et utile à la religion catholique, de penser à réduire le dict roy d’Escosse au giron de l’Eglise, qu’à s’opposer à son establissement par les moyens qui ont esté ouverts à Sa Saincteté. Je n’en parle pas sans fondement. » — Henri IV, lettre missive au cardinal d’Ossat, 24 décembre 1601.

«M. de Manicamp, se voulant mettre en estat de meriter par quelque chose de considerable la grace de son retour dans le royaume que je tasche de luy procurer de Sa M, se doit rendre à Dinant et de là à Sedan pour vous faire quelque proposition. Je vous prie de l’escouter favorablement et de bien examiner la chose, afin que, si vous trouvez l’affaire reussible, vous luy donniez toutes les assistances qui pourront dependre de vous pour en faciliter l’execution. » — Cardinal Marazin, lettre au marquis de Fabert, 20 novembre 1654.

«Pour ce qui vous regarde, Monsieur, je ne voy rien qui vous puisse faire apprehender de la diminution dans les graces anciennes du Roy et je tiendray la main, selon la petite estendüe de mon pouvoir, qu’elles se maintiennent en l’estat où elles ont d’abord esté mises. Mais, pour les faire accroistre, quoyque vous le meritassiés extrêmement par tant de rares qualités qui vous séparent si fort du commun des hommes, cela passe mes forces et je ne le pourrois tenter sans péril en un temps qu’il s’en est fait des retranchemens entiers de nos propres François à leur grande mortification, sans qu’aucun s’en ose plaindre parce que la libéralité du Roy en ce genre a esté toute libre et sans obligation à la continuer. Le bon Mr Waghenseil, qui avoit mesme servi la France utilement n’en a jouy que deux seules fois et ne laisse pas de s’en loüer. Je vous déclare cecy avec ma candeur ordinaire afin de ne vous laisser pas prendre d’autre route en traittant avec nos Mrs que celle que j’y prens pour ma conservation propre, et que quand vous aurés quelque dessein auprès d’eux vous sachiés y employer les moyens les plus conformes à leur goust et qui soient les plus réussibles. » — Jean Chapelain (de l’Académie française), lettre à M. Hermannus Conringius, professeur en médecine, etc., à Helmstadt, 3 décembre 1670.

Un commentaire »

  1. [...] anecdotique, littéraire de Noël et Carpentier publié à Paris en 1831 et que nous avions déjà cité par le passé. Les auteurs y indiquent que ce mot, désignant une femme en couches, provient de la même racine [...]

    Ping par Miklos » Les soûlots soulaient gésir sous l’eau des orages — 13 juillet 2013 @ 0:05

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