Le Vatican, l’intégrisme, la Shoah et le négationnisme
Le Vatican suit une ligne périlleuse et si Benoît XVI n’est pas un gondolier vénitien, on peut se demander s’il ne conduit pas la barque de Saint Pierre à la gaffe, fameuse expression que Mgr Duchesne avait concoctée à propos du pape saint (!) Pie X. Ce dernier ne voulait se résigner à accepter la loi française de la séparation de l’église et de l’État. « Bien que la majorité des évêques français conseillât de se plier à la loi, ce pape interdit toute collaboration par l’encyclique Vehementer nos (11 février 1906), l’allocution consistoriale Gravissimum (21 février), et l’encyclique Gravissimo Officii Munere (10 août), que Mgr Louis Duchesne baptisa malicieusement Digitus in oculo (“doigt dans l’œil”). Cette opposition du pape à la loi française eut pour conséquence de compromettre la création des associations cultuelles, prévues par la loi, et de faire transférer les biens immobiliers de l’Église au profit de l’État. » (source)
Quant à la relation du pape actuel avec les Juifs, ce serait deux coups à gauche, deux coups à droite ? Ça avait bien commencé : visite de la synagogue de Cologne en août 2005 où il condamne les nouveaux signes de l’antisémitisme, puis visite en avril 2008 dans une synagogue américaine lors de son voyage apostolique aux USA où il délivre un message cordial.
Mais voila qu’en septembre 2008 Benoît XVI justifie le silence de Pie XII pendant la guerre au sujet de l’extermination des Juifs, silence qui n’avait pas manqué d’indigner, dès la fin de la guerre, des intellectuels catholiques français tels que François Mauriac ou Jacques Maritain. La pièce de théâtre de Rolf Hochhuth, Le Vicaire (1963) critiquant ce silence a fait scandale en son temps. Selon La Croix, cette déclaration n’était pas le fruit du hasard, mais une première étape vers la béatification de ce pape à l’action controversée.
Benoît XVI continue sur sa lancée : il vient de lever l’excommunication des évêques intégristes ordonnés par Mgr Lefebvre. Or l’un d’eux, le britannique Richard Williamson, vient de déclarer dans une interview diffusée la semaine dernière que les preuves historiques le convainquent que les chambres à gaz n’ont pas existé (après avoir dit que le Vatican était contrôlé par Satan, et que les Juifs cherchaient à dominer le monde…). Il ne serait pas étonnant que le Vatican ne craigne pas vraiment les effets de l’indignation de certaines organisations juives et leur questionnement de la sincérité de la réconciliation de l’Église avec le peuple juif, et n’éprouve pas le besoin de s’expliquer, comme il l’avait fait après le discours de Benoît XVI à l’université de Ratisbonne qui avait irrité nombre de musulmans.
On constate que Le Figaro, se distinguant ainsi d’autres grands organes de presse, ne mentionne pas ce « détail » dans des articles qu’il consacre à cette réconciliation (sur la levée de l’excommunication et sur la réconciliation). Mais faut-il s’étonner ?
En voulant rapprocher les intégristes de l’Église, celle-ci se rapproche d’eux. On le voit aussi dans d’autres signes tel le surprenant bâillonnement du jésuite Roger Haight, rendu publique ce mois-ci pour des « dérives doctrinales ».
N’est pas Jean XXIII qui veut, et Benoît XVI ne cherche certainement pas à l’être. On est curieux de savoir quel sera le prochain acte du souverain pontife. Un « Vatican 3 » qui annule les effets du précédent concile ?
Bonjour Miklos…,
Au delà (ou en deça…) des constats forcément navrés et des tentatives de « vaticanologie », et compte tenu que de nombreux médias ont largement fait écho aux propos de Williamson (notamment avec des liens vers l’interview complète) sans accompagner ceux-ci d’un minimum de « pédagogie », je signale la mise en ligne sur PHDN d’une analyse de l’ensemble de l’interview négationniste de Williamson: http://www.phdn.org/negation/williamsonneg.html
Gilles
Commentaire par Gilles — 11 mai 2009 @ 14:22
Texte très intéressant, merci !
Commentaire par Miklos — 17 mai 2009 @ 10:26