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20 février 2009

« Tout doit sur terre mourir un jour. Mais la musique vivra toujours. »

Classé dans : Musique, Photographie — Miklos @ 23:13

«« La musique est perdue ! » écrivait, en 1704, Benedetto Marcello, musicien de génie, dont les ouvrages démentaient l’opinion. Contemporain d’Alexandre Scarlatti, prédécesseur de Pergolèse, de Leo, de Jomelli, il assistait, sans le savoir, à la naissance de la musique dramatique, et se croyait appelé à prononcer son oraison funèbre.

« La musique se perd ! » disait en soupirant Rameau, qui ne se doutait guère que, malgré ses efforts, elle n’existait point encore, en 1760, dans le pays où il parlait ainsi.

« La musique se perdra ! » s’écrient de nos jours de vieux amateurs, plus sensibles aux souvenirs de leur jeunesse que satisfaits des innovations dont ils sont les témoins, et certains musiciens qui ne peuvent se dissimuler que déjà leurs ouvrages subissent le sort qu’ils prédisent à l’art. Avant d’examiner ce que ces déclamations ont de réel ou d’exagéré, remarquons qu’il y a quelque chose de consolant dans leur progression décroissante, et qu’en la continuant on arrivera sans doute à la conviction que la musique ne se perdra pas.

Cet art ne s’est formé que lentement. Purement mécanique d’abord, il a suivi dans ses progrès les perfectionnemens de méthode des chanteurs, des instrumentistes et des écoles. Apres chaque révolution, on croyait qu’on avait atteint le but, et qu’il n’y avait rien au delà. Mais il y avait loin des drames de Scarlatti, composés d’airs et de récitatifs, qui n’avaient pour accompagnement que deux violons et la basse, aux compositions formidables de nos jours, hérissées de chœurs et de morceaux d’ensemble, que renforce encore le luxe de nos bruyans orchestres. Il y avait peu de rapports entre les douces et simples cantilènes de Pergolèse ou de Leo et les tours de force qu’exécutent maintenant les chanteurs. Les unes se distinguaient par la suavité du chant, le naturel de l’expression et la pureté d’harmonie ; les autres se font remarquer par des combinaisons d’effets dont on ne pouvait avoir d’idée vers le milieu du dix-huitième siècle. On allait du simple au composé : cette marche est naturelle. Jusqu’à ce qu’on fût arrivé aux limites de nos facultés sensitives et intellectuelles, chaque pas qu’on faisait dans l’art était une conquête, car on ajoutait quelque chose à ce qu’on possédait déjà. C’est ainsi que tous les degrés ont été franchis en Italie, depuis Carissimi jusqu’au maître de Pesaro; en Allemagne, depuis Keiser jusqu’à Mozart; en France, depuis Cambert jusqu’à Boieldieu.

La musique vit d’émotions. Celles-ci sont d’autant plus vives qu’elles sont plus variées. Elles s’usent promptement, parce que, l’usage de cet art étant habituel, le besoin de nouveauté s’y fait sentir plus souvent que dans tout autre. De là l’intérêt qu’on prend à ces révolutions et l’enthousiasme qu’elles excitent. De là aussi les regrets de ceux qui considèrent les formes auxquelles ils sont accoutumés comme les seules admissibles, et ces exclamations : la musique se perd ! la musique est perdue ! qui signifient seulement que la musique a changé de forme.

Ce n’est pas qu’il n’y ait des choses fort regrettables dans ce qu’on abandonne quelquefois par amour pour la nouveauté. Le vrai moyen d’enrichir l’art serait de conserver tous les styles, toutes les formes, tous les procédés, pour en faire usage à propos : mais la raison est pour peu de chose dans nos sensations ; les hommes cherchent franchement le plaisir, et ce n’est pas leur faute s’ils n’en éprouvent point à ce qui ravissait leurs pères ; il faut que la mode ait son règne. Le goût dominant fait souvent, il est vrai, appliquer le style qui est en vogue à des objets qui sont peu susceptibles de le recevoir. Ainsi l’excès des fioritures, dont on accable aujourd’hui les situations les plus dramatiques, nuit à la vérité, même de convention, qu’on veut au théâtre. Les mouvemens de valse, les crescendo et tous les brillans hochets du jour, ajustés au jeu de l’orgue et à la musique sacrée, comme ils le sont maintenant en Italie, produisent des contresens monstrueux, et changent l’église en guinguette. Mais la satiété nous délivrera de ces folies dont gémissent ceux que j’appellerais volontiers les connaisseurs, si les enthousiastes ne les nommaient des pédans.» Tous les écarts auxquels la fantaisie peut entraîner ne sont que des anomalies, qui ne prouvent point la décadence générale qu’on a si souvent et si faussement annoncée à la musique. N’avons- nous pas eu l’école de David après celle de Boucher ?

François-Joseph Fétis, « État actuel de la musique en Italie », Revue musicale, tome I. Paris, 1827.

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