À cinq heures du soir…
Complainte pour Ignacio Sánchez Mejías
Federico García Lorca (1898-1936)
À cinq heures du soir.
Il était juste cinq heures du soir.
Un enfant apporta le blanc linceul
à cinq heures du soir.
Le panier de chaux déjà prêt
à cinq heures du soir.
Et le reste n’était que mort, rien que mort
à cinq heures du soir.
Le vent chassa la charpie
à cinq heures du soir.
Et l’oxyde sema cristal et nickel
à cinq heures du soir.
Déjà luttent la colombe et le léopard
à cinq heures du soir.
Et la cuisse avec la corne désolée
à cinq heures du soir.
Le glas commença à sonner
à cinq heures du soir.
Les cloches d’arsenic et la fumée
à cinq heures du soir.
Dans les recoins, des groupes de silence
à cinq heures du soir.
Et le taureau seul, le cœur offert!
À cinq heures du soir.
Quand vint la sueur de neige
à cinq heures du soir.
quand l’arène se couvrit d’iode
à cinq heures du soir
la mort déposa ses œufs dans la blessure
à cinq heures du soir.
À cinq heures du soir.
Juste à cinq heures du soir
Un cercueil à roues pour couche
à cinq heures du soir.
Flûtes et ossements sonnent à ses oreilles
à cinq heures du soir.
Déjà le taureau mugissait contre son front
à cinq heures du soir.
La chambre s’irisait d’agonie
à cinq heures du soir.
Voici qu’au loin arrive la gangrène
à cinq heures du soir.
Trompe d’iris sur l’aine qui verdit
à cinq heures du soir.
Les plaies brûlaient comme des soleils
à cinq heures du soir.
et la foule brisait les fenêtres
à cinq heures du soir.
À cinq heures du soir.
Ah, quelles terribles cinq heures du soir !
Il était cinq heures à toutes les horloges !
Il était cinq heures dans l’obscurité du soir !
C’est magnifique,Garcia Llorca,vraiment.Faudra que je pense à découvrir un peu mieux.J’en avais lu il y a longtemps…
Commentaire par misterblue — 31 mars 2005 @ 20:00
Puis-je te demander l’auteur de la peinture illustrant ce poème?
Commentaire par theutheu — 31 mars 2005 @ 21:35
Il suffit de passer le curseur sur l’image pour le voir: il s’agit de Salvador Dali, et le tableau s’intitule "Tauromachie individuelle"
Commentaire par miklos — 31 mars 2005 @ 21:46
(là encore, étonnant sur le Purcell de quelques articles plus haut !)
Commentaire par kliban — 2 avril 2005 @ 15:21
(extrèmement différent, soit dit en passant, de cet autre poème d’heure : Um Mitternacht – Friedrich Rückert, dont Mahler a tiré un Lied :
Um Mitternacht
hab ich gewacht
und aufgeblickt zum Himmel;
kein Stern vom Sterngewimmel
hat mir gelacht
um Mitternacht.
Um Mitternacht
hab ich gedacht
hinaus in dunkle Schranken.
Es hat kein Lichtgedanken
mir Trost gebracht
um Mitternacht.
Um Mitternacht
nahm ich in Acht
die Schlägemeines Herzens;
ein einziger Puls des Schmerzes
war angefacht
um Mitternacht.
Um Mitternacht
kämpft’ ich die Schlacht,
o Menschheit, deiner Leiden;
nicht konnt ich sie entscheiden
mir meiner Macht
um Mitternacht.
Um Mitternacht
hab ich die Macht
in deine Hand gegeben !
Herr über Tod und Leben,
du hälst die Wacht
um Mitternacht !
-
A minuit,
réveillé,
j’ai regardé le ciel ;
parmi les millions d’étoiles,
aucune ne m’a souri
à minuit.
A minuit
se tournèrent mes pensées
vers les ténèbres closes.
Aucune pensée de lumière
ne m’a consolé
à minuit.
A minuit
j’ai écouté
les battements de mon coeur,
et seule une douleur aigüe
s’est ranimée
à minuit.
A minuit
j’ai engagé le combat
ô humanité, contre tes souffrances;
ma force n’a pas suffi
à remporter la victoire
à minuit.
A minuit
j’ai remis ma force
dans tes mains,
Seigneur de vie et de mort,
toi qui veilles
à minuit !
)
Commentaire par kliban — 2 avril 2005 @ 15:30
Merci…
Commentaire par miklos — 2 avril 2005 @ 15:46