Miklos
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4 avril 2005

Invitation au rêve

Classé dans : Peinture, dessin — Miklos @ 23:41

Vittore Carpaccio : Il sogno di Sant’Orsola
(Le songe de Sainte Ursule). 1495.

Sainte Ursule repose seule dans son lit aux draps parfaitement agencés. La place à son côté est vide, comme si elle attendait quelqu’un. Elle rêve, la main droite à l’oreille, comme pour mieux entendre le message qui lui est délivré. Le médaillon au-dessus de sa tête préfigure le halo divin qui ceindra sa tête à son martyre; son inconscient remplit cette toile onirique et mystique, scène avec laquelle on ne peut manquer de s’identifier, pour une raison ou pour une autre.

Il fait nuit. Le ciel bleu sombre se dessine sur le fond des fenêtres, et pourtant une lumière mystérieuse baigne cette pièce si paisible d’apparence : les livres posés sur le tabouret au fond à droite qu’elle a lus avant de se coucher, le petit chien endormi au pied du lit, les pantoufles posées négligemment à l’avant du tableau.

L’ange entre à droite, par une porte qu’on devine entr’ouverte et par laquelle pénètre un rayon de lumière blafard et mystique qui défie les lois de la physique : il traverse l’angle, puis va en s’élargissant et en s’intensifiant vers le pied du lit, ensuite vers les draps blancs illuminant le visage de la Sainte et enfin vers le mur de gauche, qu’il éclaire, dans toute sa largeur, d’une lueur pure. L’ange tient dans sa main droite les palmes annonciatrices du martyre. Ce sont elles qui projettent la seule ombre du tableau, au pied de l’ange.

Par une autre porte au fond à gauche dont le seuil est faiblement éclairé par le premier rayon, on devine une troisième porte ouverte sur un autre monde baigné d’une lumière bien plus vive que celle qui émane du premier rayon, et parvenant de la direction opposée : est-ce une indication du chemin que prendra la Sainte vers son apothéose et son couronnement par les anges du ciel, après son massacre par les Huns ?

La scène se tient entre deux mondes : ici-bas, règne la nuit que l’on voit par la fenêtre du fond, et qui symbolise la menace qui se précise par la voix du messager ; là, au paradis, d’où vient l’ange à droite et vers lequel ira Ursule à gauche, c’est la lumière divine. Ursule peut dormir en paix: son futur éternel est assuré.

Ce tableau fait partie d’un cycle comprenant huit toiles et un rétable, exposés à la magnifique Galerie de l’Accademia à Venise.

3/1/2005

4 commentaires »

  1. Quel beau musée !

    Commentaire par syldemon — 5 avril 2005 @ 0:32

  2. A voir également la chasse de Ste Ursule à Bruges au Memmling’s Museum (pix dans mon blog sur un ancien post !)

    Commentaire par syldemon — 5 avril 2005 @ 0:59

  3. C’est surtout une magnifique évocation d’une chambre d’une jeune fille vénitienne, au 15eme siècle, et seul la présence du messager divin nous indique que nous sommes, encore, dans une filiation biblique, alors que la description minutieuse des objets nous renvoie à une conception « réaliste » du rapport au monde. Un tableau entre deux époques, celle d’une religiosité qui s’estompe au profit d’une approche plus séculière du monde.

    Commentaire par Tietie007 — 6 mai 2011 @ 16:38

  4. Ce que je tentais d’exprimer, c’est qu’il n’y a pas que l’ange qui signale le surnaturel ou le transcendant, mais aussi la lumière, qui n’a rien de naturelle.

    Commentaire par Miklos — 6 mai 2011 @ 17:18

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