Couvrez ce pied que je ne saurais voir
Le Raisonneur n° 28, décembre 2009 (source)
Le Grand dictionnaire de l’Académie françoise (ce titre le date, ditez-vous ? on rétorquera que chez les Immortels le temps ne fait rien à l’affaire), publié en 1696 à Amsterdam (« suivant la copie de Paris », précise l’édition en question), écrit à l’article Estaler :
Estaler, sign. fig. Estendre, desployer, monstrer avec ostentation. Ceste Damoiselle estale ses belles jupes, estale ses charmes.
Sans même attendre l’explic(it)ation promise en 2009 par Philippe, on peut en déduire que l’expression pied d’estale signifie dans ce contexte « croche-pied ostentatoire qu’une femme faisait à sa voisine et concurrente afin qu’elle s’étalât », acte d’autant plus répréhensible qu’une dame de bonne famille n’aurait jamais osé montrer sa cheville, à moins, évidemment, de s’y prendre à la tombée de la nuit, au noir (mais une dame de bonne famille ne sortait jamais seule à la tombée de la nuit). Au-delà du contexte en question, on imagine que l’expression décrit ce si French cancan qu’on retrouve toujours avec plaisir dans La Vie parisienne au son du joyeux refrain « sa robe fait frou-frou frou-frou, ses petits pieds font toc-toc-toc ».
À ne pas confondre, donc, avec le piédestal, sur lequel on peut trouver indifféremment des colonnes, des statues, des hommes politiques russes, de petits hommes politiques français, des sportifs et en général toute personne qu’on veut hausser au regard des autres pour quelque raison que ce soit. On écrivait autrefois pedestal, comme l’atteste par exemple ce court passage tiré de la description rhapsodique de « La magnifique, superbe, & triumphante entree du roy Henry second, faite en la noble & antique cité de Lyon » (in Mémoires de l’histoire de Lyon par Guillaume Paradin de Cuyseaulx, publiées en 1571) et où l’on voit d’ailleurs que des « Dames, damoiselles, Bourgeoises, & belles jeunes filles » représentant « toute la beauté du monde » estalaient leurs charmes aux yeux du roy :
Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.