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20 juillet 2013

Glissez, mortels, n’appuyez pas, ou à l’inverse, Tatillonnez un peu

Classé dans : Histoire, Langue, Littérature, Musique, Philosophie, Photographie — Miklos @ 15:35


Titus Tatillon et Barnard Bordel. Street art.

Comme l’indique le Trésor de la langue française, le mot tatillon a fait son apparition en français à la fin du XVIIe siècle dans une comédie d’Évariste Gherardi, Le Retour de la foire de Bezons (la prochaine édition se tiendra le 22 septembre, inscriptions ici) :

Il y qualifie une femme… Et même si un siècle plus tard c’est un couple – Monsieur et Madame Tatillon – qui sont les protagonistes d’une pièce de Louis-Benoît Picard intitulée Les Tracasseries, la définition que donne L’Improvisateur français du terme tatillonnage – que l’on peut lire ci-dessous – attribue cette qualité au beau sexe.

À ce propos, la lecture des nombreux volumes de L’Improvisateur français est particulièrement délectable : cet ouvrage est une sorte de dictionnaire où les termes choisis sont parfois définis et toujours illustrés d’anecdotes fort amusantes. Son auteur en est Louis Sallentin, « curé d’un village de Beauvoisis avant la Révolution, qui, ayant donné sa démission en 1793, vint à Paris, où il s’occupa de littérature ; son œuvre principale est l’Improvisateur français. »

Cette dernière information provient d’une autre source délectable, la Gazette anecdotique, littéraire, artistique et bibliographique de 1884, périodique publié par G. d’Heylli toutes les deux semaines, à l’article consacré à la source de l’expression « Glissez, mortels, n’appuyez pas », et qu’il donne comme étant de la plume du poète Roy – il s’agit de Pierre-Charles Roy (1683-1764) – et non pas, comme l’aurait affirmé Alain Finkielkraut dans un dialogue avec Fabrice Luchini, de celle de Jean de La Fontaine. Comme quoi, pour être philosophe on n’en est pas moins humain, et errare humanum est. C’est, on le concède, moins pire que d’attribuer à Noé l’historiquement (et tristement, vu la circonstance) célèbre « Après moi le déluge ».

On finira avec un choix de définitions de mots apparentés au sujet de cette rubrique.

Tate-poule. [Rei domestica nimius exactor.] Sobriquet qu’on donne à un idiot qui s’amuse aux petits soins du ménage. — Pierre Richelet, Nouveau dictionnaire français. Amsterdam, 1709.

Tâter. [Delibare, gustare.] Éprouver, essayer. (Le monde est bien méchant de vouloir tant de mal à cette pauvre fille pour avoir un peu tâté avant son mariage des plaisirs de l’amour.) . — Richelet, op. cit.

Tâtez-y. Nom qu’on a donné à ces petites croix, ou à ces petits cœurs d’or ou de vermeil doré qui pendent sur la gorge des filles. — Richelet, op. cit.

Tâteur, euse, adj. [Praegustator.] Qui tâte. Les femmes n’aiment point les tâteurs. Vous ne conclurez point avec cet homme, c’est un tâteur perpétuel. [Anceps & dubius.] — Richelet, op. cit.

Tatillonnage. Ce n’est point par le défaut d’idées que les femmes pèchent ordi­nairement ; c’est plutôt par la multi­plicité de leurs pensées, dont la succession rapide leur cause néces­sai­rement un peu d’embarras et de confusion. De là ces discours vivement commencés et subi­tement interrompus ; cette activité puéri­lement infatigable, qui voltigeant sur tous les détails, ne s’arrête jamais à l’ensemble ; qui tourbillonne autour du but sans l’atteindre ; qui parle de tout, ne dit rien; regarde tout, ne voit rien; arrange tout, ne met ordre à rien; commence tout, ne finit rien ; qui va, revient, retouche, brouille, brise, bouleverse ; delà en un mot, ce que vulgairement on appelle tatillonnage.

Marivaux incapable, par son propre génie, de s’élever au-dessus, même de s’asseoir à côté de ceux qui l’avaient précédé dans la carrière dramatique, chercha à se former une route nouvelle. Il est le premier qui ait mis sur le théâtre l’esprit à la place de la nature et du sentiment, ‘et qui ait substitué la tracasserie à l’intrigue. Une célèbre actrice de la comédie italienne, mademoiselle Silvia, contribua beaucoup par ses talents à faire goûter le genre que M. de Marivaux avait adopté. On a dit que personne n’entendait mieux que cette actrice l’art du tatillonnage, ou du marivaudage. — Sallentin, L’Improvisateur français. Paris, 1806.

Tâtiner. [Substentare.] Terme populaire. C’est tâter plusieurs fois.

On dit proverbialement. Ce sont des enfants de la messe de minuit qui cherchent Dieu à tâtons. — Richelet, op. cit.

Tâtonner. [Dubio passu incedere.] Marcher dans un lieu obscur en tâtonnant avec les pieds pour se conduire plus sûrement. Balancer pour se déterminer à quelque chose. Il y a longtemps qu’il tâtonne pour se marier. Il tâtonnera tant, qu’il laissera échapper l’occasion. [In incertum investigare.] — Richelet, op. cit.

2 commentaires »

  1. [...] qui comprend aussi l’article concernant l’expression « Glissez, mortels… » dont nous venons de parler) l’information suivante, qui concerne une sacrée personnalité dont on comprendra mieux les [...]

    Ping par Miklos » Qu’y a-t-il de commun à Clafoutis, Excel, Hashtag, Ikéa, J’Adore, Périphérique, Superman et Térébentine (sic) ? — 20 juillet 2013 @ 19:14

  2. [...] Source : Louis Sallentin, L’Improvisateur français, t. 19. Paris, 1806. (À propos de l’auteur et de ce recueil, cf. ceci) [...]

    Ping par Miklos — 17 septembre 2013 @ 0:00

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