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24 mars 2014

Salon du livre : introduction à la table ronde sur les services de prêt électronique en bibliothèque

Classé dans : Actualité, Livre — Miklos @ 0:01

Je commencerai par un bref historique.

Le livre électronique – à une échelle exploitable – existe depuis les années 1960 (dans les projets américains NLS, HES et FRESS), et c’est en 1971 que démarre le projet Gutenberg de constitution d’une bibliothèque en ligne de livres numérisés libres de droits.

L’apparition du Web au début des années 1990 a singulièrement contribué à la diffusion de livres électroniques. Ainsi, à la toute première grande conférence consacrée aux bibliothèques numériques, JCDL, qui s’était tenue aux États Unis en 2001, je me souviens d’avoir appris qu’une version numérique d’Alice au pays des merveilles en anglais, était – déjà ! – assortie de droits, ou plutôt de restrictions, d’usage : interdit de la lire à haute voix, notamment.

Le prêt de documents numériques a commencé, lui, avec les disques compacts dès les années 1980 suivi par les DVDs – donc pour la musique et la vidéo plutôt que pour le texte : en effet, les œuvres audiovisuelles nécessitent une « liseuse » pour accéder à leur fixation, qu’elle soit analogique ou numérique, ce qui n’est pas le cas pour les œuvres textuelles.

Sauf erreur de ma part, c’est aussi la musique qui a précédé le texte dans le prêt électronique de documents : en 2003, la bibliothèque nationale danoise lance le projet netmusik.dk (devenu en 2010 bibzoom.dk), destiné à permettre aux bibliothèques publiques danoises de prêter de la musique – puis des livres – via un accès en ligne à leurs lecteurs inscrits.

Où en est-on aujourd’hui ?

Actuellement, le livre électronique représente 23 % du marché américain global, et entre 1,1 % et 4,5 % du marché français, loin derrière le Royaume Uni et l’Allemagne. Les effets combinés du phénomène Amazon et de l’anglais doivent y être pour quelque chose, ainsi que la législation européenne selon laquelle les livres électroniques ne bénéficient ni de la TVA réduite ni de l’exception pour le prêt qui s’appliquent tous deux au livre imprimé (et peut-être aussi à des différences structurelles entre des cultures d’origine protestante en réseau et catholique pyramidale). Mais on ne peut ignorer la réticence de grands éditeurs à fournir des livres électroniques aux bibliothèques publiques : une récente étude menée au Royaume Uni montrait que 85 % de l’offre de livres électroniques n’était pas disponibles pour les bibliothèques publiques.

Quant à la demande, là aussi elle varie selon les pays. Toujours aux États-Unis, 9 bibliothèques sur 10 font du prêt de livres électroniques ; mais si 7 % de leur budget d’acquisition est consacré à ce médium et 59 % pour le papier, les taux de circulation corres­pondants sont de 4 % et 63 % respectivement. Est-ce dû entre autre au fait que la bibliothèque paie des licences d’usage renouvelables dans le premier cas, tandis qu’elle acquiert à jamais les ouvrages dans le second ? Le Québec, qui a lancé en 2011 sa plateforme Pretnumérique.ca, rapporte une explosion dans la demande de livres électronique et une progression du nombre de prêts de l’ordre 250 %. Quoi qu’il en soit, les bibliothèques sont proactives dans le domaine du prêt électronique et doivent faire face aux mastodontes du livre numérique (suivez mon regard) et à certaines complexités techniques du prêt pour l’usager qui préfère parfois se tourner vers d’autres sources en ligne.

Notre table ronde tâchera d’aborder – ou pour le moins d’effleurer – quelques-uns des nombreux aspects pratiques, autant documentaires qu’économiques, techniques ou juridiques, du prêt numérique : l’offre, le référencement, le signalement, la médiation, les modalités de prêt, les usages sur place et à distance…

On tentera aussi de jeter un bref regard sur les perspectives : l’évolution de la notion même de fonds et de conservation, par exemple, face à des ouvrages chronodégradables. Si ce qui se passe aux États-Unis est un quelconque indicateur pour ce qui pourrait se passer plus tard de ce côté-ci de l’Atlantique, on ne peut qu’être interpellé sur l’évolution de l’identité et donc du rôle de la bibliothèque quand on y perçoit, à côté de la croissance du prêt électronique dans nombre de bibliothèques, des tendances antinomiques chez d’autres.

Nous allons maintenant voir comment trois bibliothèques européennes ont concrètement abordé ces questions :

– en Allemagne, la bibliothèque d’État de Karlsruhe, représentée par sa directrice Madame Andrea Krieg ;

– au Royaume Uni, où Madame Fiona Marriott est responsable de la stratégie et du développement à Luton Culture ;

– et la bibliothèque municipale de Grenoble, représentée par Madame Annie Brigant, adjointe à la direction et copilote du chantier de Bibliothèque numérique de référence.

Elles nous parleront chacune de leur expérience particulière dans le domaine qui nous occupe. Puis elles débattront de certains aspects plus spécifiques, et enfin elles répondront à vos questions.

Michel Fingerhut
mf@bibliomus.com

Références

• Barbara Hoffert, “Material Shifts | Material Survey 2014”, Library Journal, March 4, 2014.

• “Strict limits on library ebook lending must end”, press release of The Chartered Institute of Library & Information Professionals, March 6, 2014.

• ebooks in libraries advocacy, Policy & Research team at the State Library of Western Australia.

• IFLA E-Lending Background Paper, May 2012.

• An independent review of e-lending in English public libraries (a.k.a “Sieghart review”), March 2013.

• Médiamétrie, « Baromètre de l’économie numérique », cinquième édition, 4e trimestre 2012. Chaire Économie numérique de Paris-Dauphine.

• Florent Taillandier, « Étude GFK : la lente progression du livre numérique », CNET France, 21 mars 2013.

• Florent Taillandier, « TVA et numérique : France et Allemagne font front contre l’Europe », CNET France, 5 février 2014.

• « Un livre numérique sur deux est piraté », ITR News, 21 mars 2014.

• Dominique Nora, « Jusqu’où ira le livre numérique ? », Le Nouvel Observateur, 22 mars 2014.

• Jacques Drillon, « L’EBM, la machine qui peut sauver le livre », Le Nouvel Observateur, 1er janvier 2013.

• Frank Huysmans, “E-Books in European Public Libraries: lending rights and business models.”, May 22, 2013.

• Catherine Muller, « Le prêt numérique en bibliothèques au Québec : interview de Jean-François Cusson, responsable du service pretnumerique.ca », Les billets d’enssilab, 18 mars 2014.

• Nicolas Gary, « Les réseaux sociaux du livre en France : enquête de sociabilité », ActuaLitté, juin 2013.

• Mélanie Le Torrec, Livre numérique : l’usage peut-il être le moteur de la politique documentaire ? Comparaison France États-Unis, mémoire de fin d’étude du diplôme de conservateur, enssib, janvier 2014.

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