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25 avril 2014

Quand les « biens de consommation » sont à la source du mal, ou, Le consommateur en tant que prédateur

Classé dans : Actualité, Société, Économie — Miklos @ 0:58


Propagande pour l’industrie textile au Bangladesh.

L’émission Envoyé spécial de France 2 vient d’évoquer le désastre du Rana Plaza au Bengladesh qui avait coûté la vie, il y a un an tout juste, à plus de mille « petites mains » d’ateliers de textile et fait plus de deux mille blessés. Ces malheureux étaient exploités pour un salaire de misère – 30 € par mois – à coudre des vêtements de grandes marques destinés à être vendus au consommateur occidental à un prix défiant toute concurrence tout en permettant aux magasins de nos villes de se faire des marges cent fois plus élevées que ce que ces ouvriers auront été payés.

Comment ne pas être bouleversé à la vue des familles endeuillées réduites à une misère encore plus grande par la disparition de celui ou celle qui était souvent leur seul gagne-pain ? Comment ne pas l’être à la vue de cet adolescent qui pleurait d’avoir à abandonner l’école pour aller travailler dans ce type d’atelier ?

Et comment ne pas faire le rapprochement avec un accident semblable qui s’était passé plus d’un siècle plus tôt ? La Triangle Shirtwaist Factory était un immense atelier de confection de blouses pour femmes qui occupait les trois derniers étages d’un bâtiment qui en comptait dix, situé près de Washington Place à New York. On y comptait quelque 500 ouvriers – surtout ouvrières – pour la plupart juifs. Le 25 mai 1911, un incendie s’y est déclaré et propagé extrê­mement rapidement, empêchant l’usage des cages d’escalier, qui, d’ailleurs, avaient été verrouillés par les patrons pour éviter les vols… Cent quarante six travailleurs y trouvèrent la mort, ce qui en fait l’accident industriel le plus meurtrier de l’histoire des États Unis à ce jour. (source)

Le monde occidental a réglé le problème en le déplaçant dans des pays sous-développés où le coût de la main d’œuvre est incom­men­su­ra­blement plus bas qu’il ne l’est ici. Quant aux conditions de travail, n’en parlons pas : loin des yeux, loin du cœur. L’émission nommait les grandes marques qui se défaussaient soit en ne donnant pas suite aux demandes de réaction des réalisateurs du reportage, soit en accusant leurs sous-traitants.

La situation sur place n’a pas changé : le reportage montrait une autre usine dans laquelle il n’y avait qu’un extincteur – vide – et dont les sorties d’urgence étaient bloquées. Le Bangladesh, stigmatisé, est abandonné par ses clients qui, au lieu d’exiger d’y améliorer les conditions de travail et de donner les moyens de le faire, se tournent maintenant vers le Cambodge. Ateliers indéniablement plus modernes, mais une exigence inhumaine de rendement des ouvriersComment ne pas penser aux travailleurs à la chaîne dans les Temps modernes de Chaplin ou à ceux que dévore Moloch dans Metropolis de Fritz Lang… – obligés de coudre parfois jusqu’à 700 pièces par jour pour 60 € par mois – et une oppression impi­toyable de leurs syndicats qui n’est pas que le fait des employeurs mais de l’État lui-même, et qui va jusqu’à l’empri­son­nement, au passage à tabac voire à l’élimination physique de ceux qui manifestent.

Et le consommateur ? Il n’a pas changé non plus : il achète sans égard à l’origine ou plutôt aux conditions de production, le prix détermine tout. S’il verra l’émission, il versera peut-être une larme. Demain, il choisira le vêtement le plus avantageux pour son porte-monnaie sans même en examiner la provenance, et il trouvera un autre sujet pour susciter son émotion.

Le colonialisme n’a pas disparu, bien au contraire. L’esclavagisme non plus. L’appât illimité de lucre des multinationales et la boulimie irraisonnée de leurs clients s’articulent ine­xo­ra­blement sur le dos de ceux qui n’en peuvent mais.


Monument à la mémoire des victimes du Rana Plaza.

2 commentaires »

  1. Hélas, c’est mille fois trop vrai et tu le dis très bien. Mais comment rendre notre protestation active ?

    Commentaire par colomba — 28 avril 2014 @ 10:05

  2. Eh bien, en tant que consommateurs, intégrer la dimension éthique dans nos choix en l’articulant avec la dimension purement économique. . .

    Commentaire par Miklos — 28 avril 2014 @ 12:07

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