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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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15 août 2010

Courons le guilledou

Classé dans : Langue, Littérature, Musique — Miklos @ 13:51

Guilledou (courir le). Passer son temps dans des lieux de plaisir avec des femmes équivoques. Les parents qui s’exagèrent toujours les fredaines de leurs enfants leur reprochent sans cesse de négliger le droit ou la médecine pour courir le guilledou. L’étudiant n’a souvent qu’une seule maîtresse qu’il cultive avec amour, mais au point de vue de la famille moralisant, c’est toujours le guilledou.

Joachim Duflot, Dictionnaire d’amour. Études physiologiques. Paris : 1846.

Comme la Lune en conjunction du Soleil, n’apparoit au ciel en en terre : mais en son opposition, estant au plus du Soleil esloingnée, reluist en sa plenitude, & apparoist toute notamment au temps de nuict. Ainsi sont toutes femmes. Quand je dy femme, je dy ung sexe tant fragile, tant variable, tant inconstant & imparfaict, que nature me semble (parlant en tout honneur & reverence) s’estre esgarée de ce bon sens, par lequel elle avoit creé & formé toutes choses, quand elle ha basti la femme. Et y ayant pensé cent & cinq cens fois, ne sçay à quoy m’en resouldre, sinon que forgeant la femme, elle ha eu esgard à la sociale delectation de l’homme, & à la perpetuité de l’espce himaine : plus qu’à la perfection de l’individüale muliebrité. Certes Platon ne sçait en quel ranc il les doibve collocquer, ou des animants raisonnables, ou des bestes brutes. Car nature leur ha dedans le corps posé en lieu secret & intestin ung animal, ung membre, lequel n’est és hommes ; auquel quelquesfois sont engendrées certaines humeurs falses, nitreuses, bauracineuses, acres, mordicantes, lancinantes, chatouillantes amerement : par la poincture & fretillement doloreux desquelles (car ce membre est tout nerveux, & de vif sentiment) tout le corps est en elles esbranlé, touts les sens ravis, toutes affections interinées, touts pensemens confondus. De maniere, que si nature le leur eüst arrosé le front d’ung peu de honte, vous les voyrriez comme forcenées, courrir l’aguillette* plus espouventablement, que ne le feirent oncq les Proëtides, les Mimallonides, ne Thyades Bacchiques au jour de leurs Bacchanales.

François Rabelais, Pantagruel. Amsterdam : 1711.

* Courir l’aguillette. Courir l’aiguillette, & par corruption courir le guilledou pourroit bien être proprement courir les grans Corps-de-gardes de tout tems pratiquez dans les Portes des Villes, sous des Tours dont les flêches se terminoient en point comme l’aiguille d’un Clocher. Une de ces Portes de Ville est appelée Guildou, pag. 783. de l’Histoire du Roi Charles VII. édition du Louvre in fol., & dans l’Histoire du même Prince attribuée à Alain Chartier, sur l’année 1446. il est parlé d’un Château de Bretagne appelé Guilledou, soit à cause de sa tour, ou peut-être parce qu’il était situé sur quelque pointe de montage, comme quelques autres qui pour la même raison portent encore aujourd’hui le nom d’Eguillon. Le vrai sens de cette ancienne façon de parler n’étant plus entendu du peuple, & la pluspart s’imaginant qu’une créature n’étoit dite courir l’aiguillette qu’en-tant qu’elle étoit d’une profession à faire détacher l’aiguillette à qui le cœur en disoit pour elle, les uns, comme à Toulouse, ordonnèrent que pour marque d’un si infame métier chaque Coureuse porteroit sur l’épauile une aiguillette. (…) Ceux de Beaucaire en Languedoc instituèrent une course, où les prostituées du lieu, & celles qui y seroient venues à la Foire de la Madeleine, courroient nües en public la veille de cette Foire, & où celle de ces filles qui auroit le mieux couru auroit pour récompense quelques paquets d’aiguillettes. Gölnitz qui en 1631, écrivoit son Ulysse Gallo-Belgique, y parle de cette coûtume comme abolie il y avoit déja longtems, mais ce qu’il dit qui ne se pratiquoit plus, c’estoit seulement de faire ôtes jusqu’à la chemise aux villaines qui devaient courir, car il est sûr, & des gens du païs le certifient, qu’à cela près les filles de joie ont couru chaque année les aiguillettes à Beaucaire la veille de la Foire jusqu’à peu avant l’année 1676. Jean Michel de Nismes, pag. 39. édition d’Amsterdam 1700. de son Embarras de la Foire de Beaucaire, parle de cette course comme se pratiquant encore de son tems, & il ne faut point douter que Rabelais n’y fasse ici allusion.

Nous faisons les cent coups, nous courons le guilledou, nous nous passons mille caprices, tantôt avec celle-ci, tantôt avec celle-là, et, en fin de compte, arrive une femme qui nous met le mors et le bât et nous fait expier tous nos péchés en une fois. Je parle… pour parler, comme ça… mais souvenez-vous de ce que je vous dis, maître Antonio, et faites-en votre profit.

Luigi Capuana, « Le paesane », in Revue bleue, vol. 12, p. 528. 1904.

Courir le guilledou. Hanter de mauvais lieux, de mauvaises compagnies. Le mot guilledou dérive de gildonia, geldonia, qui anciennement, et suivant le glossaire de Leidembrog, signifiait adunatio, conspiratio, soit que ces assemblées fussent devenues licencieuses, soit que les jeunes gens, au lieu de s’y rendrent, allassent faire des parties de débauche dans d’autres lieux. Il y a toute apparence que le mot gildonia a été pris pour la débauche même.

M. C. de Méry, Histoire générale des proverbes, adages, sentences, apophthegmes, t. 3. Paris : 1829.

Adriana. Mais si du mariage un beau jour vous tâtez,
Ne voudriez-vous, ma sœur, faire vos volontés ?

Luciana. Avant que de l’amour, je cède à la puissance,
J’aurai su rendre mien l’art de l’obéissance.

Adriana. Mais si votre mari courait le guilledou,
Prendriez-vous la chose avec un air si mou ?

Luciana. Sans trop penser à mal, j’attendrai sa venue,
Je prendrai patience.

William Shakespeare, « La Comédie des erreurs » (trad. le Chevalier de Chatelain), in Joyaux de Shakespeare. Londres : 1868.

Courir le guilledou. Voici une nouvelle explication que je trouve dans les Mélanges de l’abbé Morellet, t. I, p. 353, et qui ne manque pas de gaillardise. Il prétend que l’origine de cette expression est anglaise ou allemande. « Le propos d’un coureur de ce genre, dit-il, est tout naturellement : Will you do? Le voulez-vous ? Si l’on considère maintenant que le double w anglais et allemand se change souvent en gui :qu’on dit : Willelmus et Guillelmus ; que was est devenu en français guerre ; que vaste ou, si l’on veut, vastare a fait gustare et gâter ; que, d’un autre côté, dou a pu remplacer do you pour la plus grande facilité de la prononciation, on comprendra aisément comment courir le guilledou est mener la vie d’un libertin demandant aux filles : Will you, ou Will do you ? »

T. R., in L’intermédiaire des cher­cheurs et curieux, 4e année, 1868.

Non, vrai, c’était comique, comme tout ça se réalisait ! Elle ne travaillait plus, elle ne mangeait plus, elle dormait sur l’ordure, sa fille courait le guilledou, son mari lui flanquait des tatouilles ; il ne lui restait qu’à crever sur le pavé, et ce serait tout de suite, si elle trouvait le courage de se flanquer par la fenêtre en rentrant chez elle.

Émile Zola, L’Assommoir.

Guilledou. (…) Prob. composé du rad. de l’a. fr. guiller « tromper » et de l’adj. doux pris au sens de « tendre, agréable ».

Trésor de la langue française.

Un commentaire »

  1. un peu « assoMmoir » cette page

    Commentaire par francois75002 — 15 août 2010 @ 22:46

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