Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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4 octobre 2025

Pompompom

Classé dans : Histoire, Humour, Langue, Nature, Peinture, dessin, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 18:46

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Madame Pompadour est assise sous un pommier, devant son château au majestueux portail garni de magnifiques pommellesFerrures de portes, un chat pommeléCouvert de taches rondes grises et blanches sur les genoux, des pomelosArbre du groupe des agrumes, probablement issu du croisement de l’oranger et du pamplemoussier sur une petite table. Elle se met de la pommade sur le bras. Un pompier lui verse un peu de PommardVin français d’appellation d’origine contrôlée (AOC), produit sur une partie de la commune de Pommard, en Côte-d’Or. Au loin à gauche, un psychopompeQui conduit les âmes des morts dans l’autre monde, antique employé de pompes funèbres*, attend de la faire descendre hors de ce monde. À droite, un pomologueSpécialiste de fruits comestibles portant de belles pompesChaussures (populaire). utilise une pompe pour arroser des fleurs de son jardin.

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*À ce propos, on ne peut omettre de mentionner l’Institut de Psychopompe-funébrisme International, fondé en 1914.

«  Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » – Nicolas Boileau (1636-1711)

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Dans un amphigouriLangage ou écrit obscur, embrouillé, peu intelligible rocambolesqueQui est plein d’invraisemblance, de péripéties extraordinaires, peuplé d’images abra­ca­da­bran­tesquesQui suscitent l’incrédulité par leur caractère improbable ou incohérent et d’hyperbolesFigures de rhétorique consistant à mettre en relief une idée en employant des mots qui vont au-delà de la pensée prolixesQui sont trop longs, diffus, chargés de détails inutiles, surgit l’Hippo­cam­pé­lé­phan­to­camélosVoir ci-dessous, chimèreÊtre ou objet bizarre composé de parties disparates, formant un ensemble sans unité fantasqueBizarre, extraordinaire, plein de fantaisie, d’originalité dont la seule silhouette paraissait un prolégomèneLongue introduction présentant les notions nécessaires à la compréhension d’un ouvrage à l’incongruQui déconcerte par son caractère étrange et plus ou moins ridicule. Son allure, tour à tour obséquieuseQui manifeste, qui marque un excès de respect, d’égards, etc. et farfelueBizarre, extravagante, fantasque, un peu folle, faisait de lui un parangonModèle, type accompli de bizarrerie dont la trompe exubérante se balançait avec une majesté emphatique. Autour de sa marche extravagante se déployait une cacophonieRencontre de mots, de syllabes, de sons désagréables ou ridicules insipide de vocables tarabiscotésExagérément ornés, recherchés, empreints de maniérisme, où des acrobaties syllabiques invrai­sem­blables formaient une véritable cataracte lexicale. Chaque pas de la bête engendrait un déluge d’allitérationsRépétitions d’une consonne ou d’un groupe de consonnes dans des mots qui se suivent, produisant un effet d’harmonie imitative ou suggestive capricieuses, un tournoiementMouvement agité auquel on ne résiste pas. d’assonances anfractueusesQui présentent des cavités profondes et irrégulières, souvent ramifiées, comme si la langue elle-même s’était éprise de sa propre luxurianceVigueur surabondante. Ainsi, dans ce foison­nementMultiplication, prolifération d’expressions biscornuesQui a une forme irrégulière, bizarre ; qui est de caractère absurde, extravagant, s’exerce l’art périlleux de dompter les mots les plus rétifsQui s’opposent à toute discipline, indis­ciplinés, rebelles, récalcitrants et de les plier au souffle du lecteur courageux.

— ChatGPT

Dans l’acte I, scène 4 de Cyrano de Bergerac (comédie de Jean Rostand), le Vicomte de Valvert provoque Cyrano en lui disant  « Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand. », à quoi Cyrano lui répond par la célèbre « tirade du nez », dont voici un bref extrait :

Cyrano.
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
[...]
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
[...]

28 septembre 2025

Mal traduire un auteur, c’est ajouter au malheur de ce monde

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Le blog La Lettre Sépharade a publié, il y a quelques jours, un article intitulé « Le rabbin Jonathan Sacks est décédé il y a 5 ans. Son nouveau commentaire de la Torah fait des vagues en Israël ». En voici le début :

TEL AVIV – Il y a trois ans, l’éditeur basé à Jérusalem, Matthew Miller, a reçu un appel du chef de la plus grande chaîne de librairies d’Israël.

Le directeur général de Steimatsky, Ayal Grinburg, a déclaré qu’il regardait les traductions des œuvres de feu Jonathan Sacks volant des étagères et voulait savoir pourquoi un rabbin britannique se connectait avec des lecteurs israéliens souvent indifférents aux voix extérieures.

Miller, originaire de Brooklyn qui avait vécu en Angleterre avant de s’installer en Israël, a emmené Grinburg pour déjeuner pour expliquer le «phénomène» des sacs, l’ancien chef rabbin du Royaume-Uni. Dans son écriture et ses apparitions publiques fréquentes, les sacs ont amené les valeurs de la Torah sur la philosophie, la politique et les débats éthiques de l’époque. Alors qu’il se battait parfois avec des Juifs à sa droite et à sa gauche, il a tenu une stature comme intellectuelle publique que peu de dirigeants juifs de sa génération pouvaient égaler.

Quel charabia ! Curieux, non ? La suite – en voici quelques extraits – est à la hauteur de ce début :

La traduction est simple et lisible. « Autant les Yea et les Thous », a déclaré Dayan Ivan Binstock de Beth Din à Londres, qui a passé en revue le texte. […]

Au moins trois présidents israéliens et comme de nombreux premiers ministres ont parlé de sacs avec révérence et tiré sur ses écrits. Le chef de l’opposition, Yair Lapid, qui est laïque, a déclaré qu’il était «la seule personne que je serais heureuse d’avoir comme rabbin» […]

Parler avec révérence de sacs (il s’agit évidemment de Sacks) et en même temps tirer sur ses écrits ? Et quant à Monsieur Yaïr Lapid, il ne serait sans doute pas très heureux qu’on dise de lui qu’elle est heureuse…

L’héritage des Sacks Rabbin, dirigé en Israël par son frère cadet Alan Sacks […]

Seize de ses livres ont maintenant des éditions hébreuses […]

«Il était essentiel pour nous de trouver quelqu’un avec l’émotion et la sensibilité à communiquer [his] Message sans perdre sa personnalité »

Comme on pouvait déjà s’en douter, ce « style » abra­ca­da­bran­tesque semble bien provenir de la traduction par une IA hallu­cinante d’un article en anglais. Et il suffit alors de prendre une expression typique de ce texte, par exemple « trois présidents israéliens », de la traduire en anglais (“three Israeli presidents”), d’y accoler le mot « Sacks » et d’effectuer une recherche en ligne.

Et bingo ! La première réponse mène vers un article en très bon anglais du très sérieux Jerusalem Post (quotidien israélien de langue anglaise, fondé en 1932), indiquant provenir de la JTA (Jewish Telegraphic Agency, ou Agence télégraphique juive, agence de presse internationale fondée en 1917) : c’est d’évidence la source de cette hallucinatoire traduction mot pour (mauvais) mot qui en reprend aussi les illustrations, mais qui n’en cite ni la source (JTA), ni le sous-titrage des illustrations qui en comprennent les attributions.

On remarquera aussi que le nom de l’auteur de l’article en français est celui de l’éditeur de la Lettre Sépharade, alors que l’article original, dont il n’est qu’une pauvre traduction littérale, a été rédigé par la journaliste Deborah Danan.

Pour finir, voici quelques exemples de la source en anglais et du résultat en français :

Steimatsky chief executive Ayal Grinburg said he was watching translations of works by the late Jonathan Sacks fly off the shelves and wanted to know why a British rabbi was connecting with Israeli readers, often indifferent to outside voices.

Le directeur général de Steimatsky, Ayal Grinburg, a déclaré qu’il regardait les traductions des œuvres de feu Jonathan Sacks volant des étagères et voulait savoir pourquoi un rabbin britannique se connectait avec des lecteurs israéliens souvent indifférents aux voix extérieures.

Miller, a Brooklyn native who had lived in England before settling in Israel, took Grinburg to lunch to explain the “phenomenon” of Sacks, the former chief rabbi of the United Kingdom.

Miller, originaire de Brooklyn qui avait vécu en Angleterre avant de s’installer en Israël, a emmené Grinburg pour déjeuner pour expliquer le «phénomène» des sacs, l’ancien chef rabbin du Royaume-Uni.

At least three Israeli presidents and as many prime ministers have spoken of Sacks with reverence and drawn on his writings. Opposition leader Yair Lapid, who is secular, said he was “the only person I’d be happy to have as my rabbi,”

Au moins trois présidents israéliens et comme de nombreux premiers ministres ont parlé de sacs avec révérence et tiré sur ses écrits. Le chef de l’opposition, Yair Lapid, qui est laïque, a déclaré qu’il était «la seule personne que je serais heureuse d’avoir comme rabbin»

Il s’avère en fait que la dizaine d’articles qu’on a testés proviennent tous de deux sites d’informations anglophones — Forward et JTA — ce qui peut être légal (c’est par exemple le cas de beaucoup de sites de presse) mais nécessite non seulement un accord, mais une attribution et une traduction correctes…

Si « l’œuvre de traduction s’inscrit dans le cadre juridique du droit d’auteur en tant qu’œuvre de l’esprit », c’est dû au fait que « La traduction ne saurait être assimilée à un travail mécanique »i, ce qui est pourtant le cas en l’occurrence.

Le titre de ce billet est, bien évidemment, une variante de Mal citer un auteur, c’est ajouter au malheur du monde.
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i  Hélène Maurel-Indart. « Traduction, plagiat et autres formes d’atteinte au droit d’auteur ». Histoire des traductions en langue française, XXe siècle, Sous la direction de Bernard Banoun, Isabelle Poulin et Yves Chevrel, Ed. Verdier, 2019. hal-03607740

8 septembre 2025

Google voice-to-text skills

Classé dans : Langue, Peinture, dessin, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 16:19

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I dictated the following sentence to the English version of my Google Keyboard app.: “A success, sort of”, i.e., literally “A – success – comma – sort – of”.

The result? « Un sexe comment soigne ». I had not asked for a translation, just voice-to-text. Moreover, the result barely sounds like the original English input, and has a totally different meaning (“A sex organ how [to] cure”).

It is Google which should be soigné, don’t you think so? It looks so language-incompetent and sexually obsessed…

Incidentally, during my fights to get Google’s Whisk to produce the above illustration, it displayed 5 fingers on the left side of the smartphone and a thumb on the right side. When I told it to correct it and how to do it, it suppressed the thumb and 2 fingers on the left. I wonder how the phone didn’t slip out of this amputated hand…

28 août 2025

La dictée édictée (presque) parfaite, perdue et (presque) retrouvée

Classé dans : Humour, Langue, Peinture, dessin, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 16:56

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«Monsieur Lamère a épousé Mademoiselle Lepère. De ce mariage, est né un fils aux yeux pers. Monsieur est le père, Madame est la mère. Les deux font la paire. Le père, quoique père, est resté Lamère, mais la mère, avant d’être Lamère était Lepère. Le père est donc le père sans être Lepère, puisqu’il est Lamère et la mère est Lamère, bien que née Lepère.

Aucun des deux n’est maire. N’étant ni maire ni mère, le père ne commet donc pas d’impair en signant Lamère. Le fils aux yeux pers de Lepère deviendra maire. Il sera le maire Lamère, aux yeux pers, fils de Monsieur Lamère, son père, et de Mademoiselle Lepère, sa mère. La mère du maire meurt et Lamère, père du maire, la perd.

Aux obsèques, le père de la mère du maire, le grand-père Lepère, vient du bord de mer, et marche de pair avec le maire Lamère, son petit-fils. Les amis du maire, venus pour la mère, »cherchent les Lamère, ne trouvent que le maire et Lepère, père de la mère du maire, venu de la mer, et chacun s’y perd !

Les références les plus récentes de cette amusante dictée – presque parfaite, il y manque amer – datent de 2009, certaines précisant l’avoir trouvé dans « un vieil almanach », voire dans « un vieil almanach des années 1930 ».

Or il s’avère qu’il en existe nombre de citations bien plus anciennes dans la presse. La première qu’on ait trouvée (grâce à Retronews) dans le Journal de Seine-et-Marne du 24 septembre 1890, dit ceci :« Nous trouvons l’insanité suivante dans le journal Le Luxembourg, qui paraît à Arlon. »

On n’a pas trouvé trace de ce dernier journal dans les moteurs de recherche populaires (Gallica, Google Books, Internet Archive…). Arlon étant le chef-lieu de la province belge de Luxembourg, on a effectué une recherche dans le portail BelgicaPeriodicals de la KBR (Bibliothèque royale de Belgique), qui est censé « donner accès à 347 revues et parutions périodiques publiées sur quatre siècles, de 1622 à nos jours » : sans succès. On a donc écrit à la KBR, et on attend leur réponse.

En attendant, voici une variante, publiée le 11 janvier 1912 dans L’Épatant :

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