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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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5 avril 2024

La Friquassée crotestyllonnée

Classé dans : Langue, Littérature, Société — Miklos @ 21:28


La Friquassée crotestyllonée, Rouen, 1604 (source).
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Bien étrange texte que celui-ci, « amalgame de proverbes, de dictons, de refrains et de plaisanteries courantes, réunis au gré de la fantaisie la plus capricieuse, […] en ce langage purin, dialecte populaire, essentiellement rouennais ».

On trouvera ci-dessous la Notice rédigée par André Pottier pour la réédition de cet ouvrage en 1863 (disponible sur le site de Gallica). Sa transcription en police de caractères moderne d’une part, et en français moderne d’autre part, est disponible sur le site de la Bibliothèque municipale de Lisieux.

Voici, sans contredit, l’un des opuscules les plus rares de toute la bibliographie rouennaise ; c’est là un de ces introuvables livrets dont un titre baroque et prétentieusement obscur provoque chez l’amateur une irritante curiosité ; on doutait presque qu’il eût survécu, et pourtant des bibliographes scrupuleux en avaient constaté l’existence ; il avait jadis passé par deux ou trois ventes célèbres, en laissant dans les catalogues une mention souvent interrogée ; mais depuis il avait disparu si complètement qu’on désespérait de le rencontrer désormais. Cependant, un beau jour, après une disparition prolongée, cet insaisissable volume, dont il n’existe peut-être que cet unique exemplaire, se retrouve dans le cabinet d’un amateur jaloux qui célait ses richesses ; exposé à toutes les convoitises qu’exalte la rivalité des enchères, il est porte à plus haut prix que ne le serait un chef-d’œuvre inédit, puis enfin il voit se terminer le cours de ses vicissitudes en prenant définitivement place dans l’armoire réservée d’une bibliotbèquee publique.

Maintenant, il est à propos, on pourrait même ajouter que c’est presque une obligation de satisfaire la curiosité si longtemps aiguillonnée. La publicité restreinte, que mesure discrètement une Société de bibliophiles, est le demi-jour qui convient le mieux à ces œuvres d’un mérite plus que douteux ; elle doit suffire à toutes les exigences légitimes. Le précieux livret, tenu jusqu’à ce moment à l’état de mythe et d’arcane, va donc se révéler aux curieux. On doit s’attendre, on n’en saurait douter, à plus d’une déception. Tel qui eut fait des folies pour le posséder en original, n’hésitera pas à le qualifier d’abject et de misérable, dès qu’il ne s’agit plus que de la copie, quelque exactement figurée qu’elle puisse être. Enfin plus d’un amateur, déçu dans son attente, lui appliquera la morale de la fable des Bâtons flottants, qui convient si bien d’ailleurs à tant d’insignes raretés du même genre : De loin c’est quelque chose et de près ce n’est rien.

Cependant, il n’est peut-être pas impossible de tenter, sinon de réhabiliter cette pauvreté littéraire, ce qui pourrait sembler un paradoxe excessif, au moins de l’expliquer, dans son ensemble surtout plutôt que dans ses détails ; de chercher à préciser son lieu d’origine, point plus important dans cette circonstance que celui de déterminer son auteur demeuré très justement inconnu ; enfin de réussir à le replacer dans le milieu qui l’inspira ; ce qui, bien plus clairement que toute discussion, rendra compte de l’étrange incohérence de la forme et des libertés malsonnantes du fond.

Commençons par un court historique des circonstances qui, dans ces derniers temps, ont amené les amateurs de raretés bibliographiques à s’occuper plus particulièrement de cette introuvable plaquette.

Le plus ancien catalogue dans lequel on l’ait vue authentiquement inscrite est celui de la vente Méon qui eut lieu en novembre 1803. Elle y figure sous le n° 2473, dans un recueil composé de vingt cinq pièces, reliées en un volume, qui fut vendu 65 fr. Cette notule accompagnait l’article : Joli recueil de pièces très rares. Il n’est pas aujourd’hui une seule de ces pièces qui, vendue isolément, ne surpassât deux ou trois fois cette modeste enchère.

Le même recueil reparaît, sous le n° 1807, dans le catalogue de la vente Morel-Vindé, faite au mois de mars 1823 ; il est cette fois recommandé par cette note un peu plus significative : Volume ts précieux ; les pièces qui le composent étant presque toutes de la plus grande rareté. Nous ignorons quel prix ce recueil atteignit, qui en fut l’heureux possesseur, et nous en perdons désormais les traces.

En 1838, l’attention des curieux fut mise en éveil par un amateur bib!iophile, M. Bernardin, qui adressa à l’éditeur du Bulletin du Bouquiniste l’invitation de provoquer des recherches à l’égard de quelques livres introuvables, au premier rang desquels il citait la Friquassée crotestillonnée ; ouvrage, disait-il, qui a passé dans les ventes Méon et Morel-Vindé, et que Charles Nodier désirait vivement posséder, sans avoir pu, avant de mourir, obtenir cette satisfaction. M. Bernardin ajoutait que, si l’on pouvait mettre la main sur une de ces productions, il ne fallait pas hésiter à la faire réimprimer à petit nombre, et à préserver par là de la destruction quelques-uns de ces livrets dont il ne subsistait peut-être aujourd’hui qu’un seul exemplaire1.

Quelques semaines étaient à peine écoulées, lorsqu’un autre amateur, M. Eugène de Beaurepaire, répondait à cet appel en transmettant au même recueil quelques renseignements précis sur le livret problématique de la Friquassée. Il avait enfin pu voir et toucher, cet introuvable volume que lui avait communiqué l’auteur de la présente notice et qui appartenait à M. le comte Alfred d’Auffay.

C’est ici l’occasion de signaler une méprise échappée au savant auteur du Manuel du Libraire (5e édit., t. II, col. 1399), en mentionnant, à propos de la Friquassée, l’article de M. E. de Beaurepaire. Il suppose que l’exemplaire dont il est question dans cet article appartenait dès cette époque à la Bibliothèque publique de Rouen, parce que M. de Beaurepaire dit qu’il lui a été communiqué par le bibliothécaire de cet établissement. Ce dernier point était vrai, mais l’induction qu’en tirait M. Brunet était inexacte. Celui qui avait communiqué Je volume n’en était que le dépositaire momentané ; ce volume appartenait, comme nous venons de le dire, à M. le comte d’Auffay qui le possédait depuis longues années, et c’est à la vente de sa précieuse collection de livres faite à Paris en 1863, qu’il a été acquis pour la Bibliothèque de Rouen, dans laquelle il est définitivement entré.

Ce point éclairci, revenons à l’article de M. de Beaurepaire. C’est moins une description du volume qu’une indication fort juste de son contenu. Notre savant confrère, se livrant alors à des recherches sur la poésie populaire en Normandie, dont il a publié depuis de si intéressants spécimens, apprécie cette œuvre bizarre, principalement au point de vue des affinités qu’elle présente avec le sujet spécial de son étude :

« Malgré les promesses du titre, dit-il, il ne faudrait pas considérer ce singulier opuscule comme un recueil de chansons vieilles et nouvelles ; c’est tout simplement un amalgame de proverbes, de dictons, de refrains et de plaisanteries courantes, réunis au gré de la fantaisie la plus capricieuse. L’auteur anonyme n’a rien mis de son propre fonds ; il a reproduit, sans y rien changer, les menus propos des enfants et des poissonnières de la ville de Rouen. Quelques-uns ne manquent ni d’énergie ni d’originalité ; d’autres ont trait à des usages ou à des idées superstitieuses qui caractérisent leur époque. Il en est enfin un certain nombre qui nous ont conservé le début ou le refrain de véritables chansons populaires. »

M. de Beaurepaire cite, en preuve de cette assertion, un certain nombre de lignes rimées qui ont, dit-il, la physionomie ou même le caractère nettement accusé d’anciens refrains de chansons populaires, et conclut en témoignant que ce recueil mériterait d’être imprimé et étudié d’une manière approfondie.2

II serait aussi difficile que superflu de chercher un sens à peu près raisonnable au titre ainsi qu’à la préface de cet opuscule. C’est de l’obscurité faite à dessein pour aiguillonner la curiosité, à l’aide de mots forgés, ou détournés de leur acception naturelle, ou violemment rapprochés pour produire un non sens. C’est évidemment une maladroite imitation du style de Rabelais dans les passages les plus fantasques de cet écrivain désordonné. Toutefois, on y rencontre quelques expressions significatives qui suffisent pour jeter quelque lumière sur le but, la date réelle, l’origine, le nom et le surnom de l’auteur de cette singulière production.

Ce qu’on peut induire de plus explicite des termes du titre développés par ceux de la préface, c’est que l’ouvrage contient une Friquassée, nous dirions aujourd’hui un salmigondis, des antiques modernes chansons, jeux et menu fretel des petits enfants de Rouen, ou encore la fleur des plus ingénieux jeux, chansons, et menus flaiollements d’icelle jeunesse puérille…. Vollume recueilly de plusieurs rues, lieux et passages où il estoit répandu depuis la primitive récréation, aage, jeunesse et adolescence normande rouennoyse.

Ainsi dépouillée du fatras qui l’obscurcissait, la pensée de l’auteur est désormais facile à saisir. Tout au plus les termes de menu frelel, menus flaiollements, pourraient-ils exiger une interprétation ; mais le premier glossaire spécial apprendra qu’on doit entendre par là des sornettes, des balivernes, en un mot, tout ce qu’on trouve à discrétion dans ce livre.

Le sujet est donc suffisamment expliqué, c’est un recueil de refrains, de dictons, de sentences burlesques, de jeux de mots, d’amphigouris, de coq-à-1’âne, etc., ayant cours parmi les enfants du peuple, dans la ville de Rouen.

A ce titre, notre petit volume a droit à tout l’intérêt du philologue aussi bien qu’à l’attention de l’historien des mœurs et des usages populaires. Nous croyons pouvoir affirmer qu’il n’a pas d’analogue dans la série presque infinie des livres facétieux que le xvie siècle et une bonne partie du xviie virent éclore dans notre langue. C’est la production peut-être unique en son genre d’une littérature infime, recueillie, il faut bien l’avouer, dans ces bas-fonds d’où il semble que tout instinct poétique soit à jamais exclu ; littérature naïvement grossière sans songer à mal, parce qu’elle parle naturellement sa langue originelle, mais qui, malgré ses continuelles offenses aux justes susceptibilités de la décence, demeure cependant innocente et chaste relativement, parce qu’elle est sans équivoque ordurière et sans arrière-pensée obscène, et qu’elle est aussi éloignée de ce jargon factice de source profondément corrompue qu’on appelle l’argot, que de cette langue maniérée, prétentieusement hyperbolique et métaphorique, semée à profusion de doubles ententes graveleuses qui fut tout l’esprit des Tabarin, des Verboquet des Gratelard, et de tant d’autres bouffons de cette époque.

Si, depuis deux siècles, le goût français n’était pas devenu tellement puriste et dédaigneux qu’il proscrit tout ce qui blesse sa délicatesse raffinée, peut-être, à l’exemple de l’Angleterre, aurait-il conservé et mis en lumière, à titre d’intéressants souvenirs, ces dictons, ces formules de jeux enfantins qui, transformés à peine, se sont perpétués jusqu’à nos jours. Les Nursery rhymes, mot à mot les refrains de la chambre des nourrices, constituent pour l’Angleterre un recueil spécial, tout à fait analogue au nôtre, bien que soigneusement expurgé de l’élément grossier qui devait s’y rencontrer à l’origine. Ce recueil se réimprime depuis longtemps avec honneur, pour la plus grande satisfaction des enfants, tant jeunes que vieux, comme dit le titre de notre friquassée, et, au commencement de cette année, une splendide édition, illustrée par le talent des premiers artistes, venait montrer une fois de plus quel prix nos voisins attachent à préserver de l’oubli ces souvenirs traditionnels.

La détermination du nom de l’auteur de la Friquassée et celle de la date réelle de la composition de cet opuscule ne saurait faire l’objet d’un doute. La préface porte une date précise : mil cinq cents cinquante-sept, et une signature : Caillard, à laquelle l’auteur ajoute en guise de complément ou de surnom : de l’abbé Raillard, que, suivant nous, on doit lire : dit l’abbé Raillard. Cette date plus ancienne d’un demi-siècle que celle de l’impression que nous reproduisons, nous reporte en plein seizième siècle, à une époque voisine de Rabelais, dont le style est évidemment imité dans le titre et dans la préface ; à une époque surtout où les Conards de Rouen et leur grotesque abbé se livraient impunément à leurs extravagances aussi intempérantes que hardies. Il ne serait pas impossible que notre abbé Raillard eût été l’un des suppôts ou même des dignitaires de cette joyeuse confrérie.

Un laps d’années trop considérable sépare la date de la composition du livret (1557) de celle de l’impression (1604) pour qu’on puisse supposer que, pendant tout ce temps, l’opuscule soit resté inédit. Il faut donc en induire que nous ne possédons pas l’édition originale. Nous étions déjà tenté de l’affirmer à priori, rien qu’en remarquant les énormités d’incorrection les négligences typographiques de toute espèce qui souillent ce volume. Ces taches répétées comme à plaisir nous paraissent indiquer une réimpression faite à la hâte sans soin comme sans scrupule, et loin des yeux de l’auteur. Ainsi donc, ce rarissime petit volume, réputé à peu près unique, et dès-lors si disputé et si chèrement acquis, n’est probablement que le dernier survivant d’une longue suite d’éditions entièrement disparues tant s’anéantissent promptement les livres populaires ! Voilà au reste de quoi jeter l’ambition au cœur de plus d’un bibliophile, et celui qui aura la chance de découvrir un exemplaire de première édition souscrit du nom de Jehan du Gord ou de Martin le Mégissier, fera certes bien des envieux !

Une question principale reste à éclaircir, c’est celle qui se rapporte à ce que nous avons appelé le lieu précis d’origine, c’est-à-dire à l’indication du milieu populaire, autrement dit de la classe sociale qui inspira et pour qui fut rédigé ce recueil. Quatre vers d’un Envoy : Aux Lecteurs, qui termine la préface, demeurant obscurs pour quiconque ignore certaines particularités des anciennes mœurs rouennaises, jettent sur cette questionune lumière inattendue ; les voici :

Pour resiouir tristes esprits,
Ce recueil faict en plaine boyse,
Est présenté par ioyeux ris,
Par la Ieunesse rouennoyse.

Pour expliquer cette qualification : Recueil faict en plaine (lisez pleine) boyse, il faut apprendre au lecteur ce que c’était que cette fameuse boise dont il est souvent question dans la Muse normande de David Ferrand, et sur laquelle notre compatriote M. Floquet a composé l’une de ses plus délicieuses anecdotes normandes : la Boise de Saint-Nicaise.

Laissons d’abord parler notre charmant conteur : « Comme Troye, Saint-Nicaise avait son palladium auquel semblaient attachées ses destinées… Imaginez une poutre immense, aux proportions atlantiques, une maîtresse poutre, dont Gargantua eût voulu faire le sommier de la plus grande salle de son palais ; c’est ce qu’on appelait la Boise de Saint-Nicaise. Elle était bien chère à ses habitants apparemment, car ils l’avaient scellée avec des barres de fer dans le cimetière près de l’église. C’était là que, de temps immémorial, les anciens du métier siégeaient magistralement, le bonnet de laine en tête, et, de toutes parts, c’était à qui viendrait soumettre à ces prud’hommes les différends de la draperie… Bref, c’était leur tribunal que cette boise,… et puis elle était aussi le bureau des nouvelles… La gaudriole y était aussi de mise, etc. »

Cette citation doit suffire pour faire comprendre ce que c’était que la boise ; c’était tour à tour un tribunal populaire, un bureau de nouvelles, le rendez-vous général des bons compagnons, l’arsenal redoutable où s’aiguisaient tous les brocards, lardons et refrains satiriques qui de là se répandaient par la ville. C’était là surtout que se parlait avec son accent caractéristique et trivial ce langage purin, dialecte populaire, essentiellement rouennais, qui, plus heureux que beaucoup d’autres, eut sa littérature et ses poètes, et dont la Muse normande demeurera l’impérissable monument.

« A ne point mentir, c’était une langue étrange, dit M. Floquet, auquel nous sommes heureux d’emprunter encore cette citation, que celle qui se parlait sur Saint-Nicaise, Saint-Vivien et autres provinces adjacentes ; une langue, mélange de celtique, de français, de roman, de termes et de métaphores de métier, dont l’ensemble formait quelque chose de bizarre ; patois intelligible seulement pour quiconque habitait entre la rue Poitron et le Pont-de-l’Arquet ; patois bien digne après tout de cette Béotie qui, pour toute littérature, vivait de noels et de complaintes. »

A quoi serviraient maintenant de plus amples explications ? Voilà bien le milieu grouillant dans lequel est née la Friquassée crotestillonnée ; elle ne dément pas son origine. Rien n’empêche de croire que ce fut dans de solennelles assises convoquées ad hoc, à quelque fête patronale de Saint-Nicaise ou de Saint-Vivien, où chacun fournit sa quote-part, son dicton, son refrain, sa plaisanterie burlesque, que fut composé cet étrange farrago, cet écheveau emmêlé qui déroutera plus d’une fois quiconque tentera d’en débrouiller le fil.

Quelques personnes penseront que la Société des Bibliophiles normands, qui a entrepris cette réimpression, eût dû en même temps pourvoir à l’éclaircissement du texte, soit par des corrections continues, soit par des commentaires suivis du commencement à la fin. La Société n’en a pas jugé ainsi, et, pour justifier sa manière de voir, qu’on nous permette en terminant, de faire valoir les considérations qui l’ont déterminée.

Avant de livrer l’opuscule à l’impression, le Bureau de la Société s’est vivement préoccupé du meilleur mode à suivre pour la reproduction du texte. L’exemplaire original, sorti du plus infime atelier typographique de l’époque, est tellement saturé de fautes de toute espèce qu’il serait impossible de les nombrer : caractères usés jusqu’à devenir illisibles, lettres transposées, retournées, disparues, syllabes disjointes à tort ou réunies mal à propos, orthographe monstrueuse, ponctuation jetée au hasard et presque toujours au mépris du sens, telles sont les défectuosités courantes de cette impression ; on serait tenté de croire qu’il y a parti pris de rendre l’ouvrage à peu près inintelligible. La première pensée fut naturellement de porter une main courageuse et toutefois prudente dans cette mêlée de mots où l’absurde et le non-sens éclatent à chaque ligne. Mais, en suivant cette voie qui semblait la plus judicieuse, on allait rencontrer, presque à chaque mot, des difficultés d’interprétation qu’il faudrait nécessairement trancher, en invoquant de temps à autre l’évidence, mais le plus souvent en faisant appel à l’opinion personnelle et à la sagacité du correcteur. On devait arriver ainsi à constituer un texte évidemment amélioré, plus clair et plus satisfaisant pour l’esprit que le véritable, et réconcilié autant que possible avec le sens commun, mais ce texte corrigé différerait tellement de son prototype littéral qu’il semblerait tenir de la traduction. Le Bureau de la Société, après avoir mûrement pesé les avantages et les inconvénients de ce mode de reproduction, a jugé que l’esprit de son institution l’obligeait à reproduire les textes originaux dans toute leur sincérité, aussi textuellement que possible ; que, toute correction, toute interprétation étant l’expression d’une opinion individuelle, il y aurait de nombreux inconvénients à les produire sous le patronage et en quelque sorte avec la garantie de la Société ; et qu’il était plus convenable, en définitive, de mettre entre les mains des amateurs un texte défectueux, conforme à l’original, que d’y substituer un texte rectifié, toujours susceptible d’ailleurs, en cas de dissidence sur la valeur et l’à-propos des corrections, d’être déclaré inexact et falsifié. Le Bureau s’est donc prononcé pour la reproduction littérale, autorisant seulement le correcteur à restituer quelques lettres tombées ou retournées, à faire disparaître quelques capitales ou quelques signes de ponctuation mis hors de propos, mais en gardant, dans ces retouches à peine sensibles, une telle réserve qu’on pût être certain que le texte n’a subi ni altération essentielle, ni modification.

Ce qu’on pouvait peut-être tenter avec le plus d’avantage et de probabilité de réussite, c’était de partager, par un blanc, un tiret, ou par tout autre moyen, les fractions de ce texte, imprimé dans l’original, comme si une liaison étroite en unissait toutes les parties, mais qui, à l’examen se résout en parcelles morcelées, d’une ou de plusieurs lignes, à la manière des proverbes et des pensées détachées. Mais là encore il fallait user de beaucoup de mesure et de discernement, car, pour isoler les uns des antres ces dictons baroques, il faut être certain de les bien comprendre, et presque toujours il faudrait quelques mots d’explication ou de justification à l’appui de chaque césure indiquée. Or, le Bureau, nous l’avons dit, a pensé qu’il entrait mieux dans l’esprit de sa mission, à propos d’un texte si obscur et si énormément fautif, de le livrer, sans modification comme sans commentaire, à l’interprétation des philologues et des amateurs, plutôt que d’en essayer une restitution toujours contestable et inévitablement bientôt contestée. D’ailleurs, le cachet typique de sincérité, l’aspect caractéristique des formes anciennes d’impression que porte en soi toute reproduction littéralement imitée, a bien son prix aux yeux des bibliophiles, et ceux-ci préféreront toujours ce mode d’édition, qui laisse en outre carrière à l’esprit investigateur, à l’édition perfectionnée qui prétend résoudre toute difficulté et ne rien laisser à deviner. La Friquassée s’offrira donc à ses rares lecteurs avec tout l’attrait du mystère et de l’incompris. Qui potest capere, capiat.

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1. Bulletin du Bouquiniste, publié par Aug. Aubry, n° 30, du 15 mars 1858, p. 138.

2. Bull. du Bouquiniste, 15 mai 1858, p. 241.

3 avril 2024

Les Bouquinistes


Pais [sic] et ses Merveilles :
Bouquiniste de la rive gauche et Cathédrale Notre-Dame.
Carte postale, 1966 (source). Cliquer pour agrandir.

Je serais curieux de savoir combien de Parisiens achètent des livres, des gravures, voire des cartes postales, chez les bouquinistes…

Cette question ne se veut pas provocatrice, mais plutôt un début de réflexion sur les transformations des bouquinistes – mais pas que – et donc sur leur futur, et sur celui du livre en général.

Je crois qu’il est indéniable que les nouvelles générations lisent moins sur papier que les anciennes, que ce soit des livres ou des journaux… On voit bien comment les « kiosques à journaux » se sont transformés à Paris (et sans doute ailleurs) en attrape-touristes vendant des cartes postales et des friandises, et bien d’autres souvenirs de Paris made in China (ou ont fermé…). Est-ce le destin inéluctable des bouquinistes ?

On voit bien aussi comment les magasins de livres d’occasion mettent la clé sous le paillasson, cf. Gibert Jeune, non loin des bouquinistes, d’ailleurs… Est-ce le destin inéluctable des bouquinistes ?

Quand à ceux qui lisent encore des livres, il leur est souvent bien plus facile de les commander en ligne que d’aller dans une librairie ou chez un bouquiniste, pour feuilleter les livres qu’ils recherchent, pour que leur regard tombe par hasard sur un autre livre à côté qu’ils découvriraient ainsi…

C’est ainsi que les métiers de proximité disparaissent. Où sont passés les vendeurs ambulants – vitrier, marchande de quatre saisons, rémouleur, marchande de panier, marchande de mouron, marchand de mèches pour fouet, repasseur… – dont les cris si pittoresques (pour nos oreilles d’aujourd’hui) retentissaient dans les rues (j’en sais quelque chose, j’en ai numérisé nombre d’enregistrements datant du début du siècle dernier) ?

Si les bouquinistes doivent rester uniquement à cause de leur aspect pittoresque (le côté « patrimonial »), avec leurs bouquins bien réels et leurs gravures d’époque, afin d’être uniquement vus ou photographiés (voire contemplés à distance sur Internet), dans quel moment d’éternité doivent-ils rester figés, et de quoi vivront-ils ?

2 juillet 2023

Mal citer un auteur, c’est ajouter au malheur de ce monde

Classé dans : Langue, Littérature, Philosophie, Société — Miklos @ 22:52

«On entend souvent la citation « Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » que l’on attribue à Albert Camus. Cela sonne bien, mais il n’a pas dit exactement cela – la phrase de 1944 dit : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » ! « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent »aisément », affirmait avant lui Nicolas Boileau. Or ce qui est mal nommé ne peut pas précisément se penser !

Gérard Ostermann, « L’étrange et terrible destin des anorexiques », in Histoire de la folie avant la psychiatrie, sous la direction de Boris Cyrulnik et Patrick Lemoine. Odile Jacob, 2018.

oOo

«Voici le passage extrait de « Sur une philosophie de l’expression », compte-rendu de l’ouvrage de Brice Parain, Recherches sur la nature et la fonction du langage, éd. Gallimard, in Poésie 44, n° 17, p. 22.

L’idée profonde de Parain est une idée d’honnêteté : la critique du langage ne peut éluder ce fait que nos paroles nous engagent et que nous devons leur être fidèles. Mal nommer un objet, c’est ajouter au »malheur de ce monde. Et justement la grande misère humainequi a longtemps poursuivi Parain et qui lui a inspiré des accents si émouvants, c’est le mensonge.

Source : Dicocitations

10 juin 2023

La mort du bio ?

Classé dans : Actualité, Cuisine, Environnement, Nature, Progrès, Société, Économie — Miklos @ 14:26

Ces derniers mois ont disparu dans mon quartier :

  1. Naturalia Vegan, au bas de la rue du renard.

  2. Naturalia Bourg l’Abbé, au coin du boulevard Sébastopol et de la rue du Bourg l’Abbé (remplacé par un Casino Shop, Naturalia étant filiale de Monoprix, elle-même filiale de Casino…).

  3. La Vie Claire, rue du Grenier Saint-Lazare, fin avril.

  4. La Vie Claire, boulevard de Sébastopol face au square Émile Chautemps (ces jours-ci).

  5. Bio c’ Bon (filiale, elle, de Carrefour, depuis 2020), rue du renard (aujourd’hui même).

Que nous reste-t-il ? La Récolte, rue du Grenier Saint-Lazare, et Naturalia, rue Beaubourg (qui m’a vendu des yaourts périmés, hier). Mais pour combien de temps ?

29 avril 2023

Dialogue LX avec le Nouveau Bing. À reculons vers l’infini.

Classé dans : Actualité, Progrès, Sciences, techniques — Miklos @ 17:31

(source).

Dans notre précédent échange, tu évoquais la théorie des univers multiples. Est-il concevable que dans certains de ces univers le temps recule plutôt qu’il n’avance ? Que, par exemple, les humains aillent de la mort à la naissance (et avant), que l’on remonte l’histoire, que l’on en arrive à l’origine de l’univers ?

Bonjour, c’est Bing. Je suis heureux de discuter avec vous. 😊

La théorie des univers multiples est une hypothèse qui suggère qu’il existe d’autres univers que le nôtre, avec leurs propres lois physiques et leurs propres événements1,2. Selon l’interprétation d’Everett, l’univers se ramifie en une superposition de mondes possibles à chaque fois qu’un événement quantique se produit3.

Il existe plusieurs types de multivers possibles, selon les différentes symétries de la physique des particules. L’un d’eux est le multivers CPT, qui implique que si la charge, la parité et le temps sont inversés, l’univers se comporte de la même manière4. Dans ce cas, il pourrait exister un anti-univers symétrique au nôtre, où le temps recule au lieu d’avancer4,5.

Cependant, cette idée est très spéculative et n’a pas de preuve expérimentale. Il est donc difficile de dire si un tel univers existe vraiment et comment il fonctionnerait. Par exemple, comment les humains pourraient-ils aller de la mort à la naissance ? Comment l’histoire pourrait-elle être remontée ? Comment l’univers pourrait-il revenir à son origine ? Ces questions restent ouvertes et dépendent des hypothèses que l’on fait sur la nature du temps et de la causalité.

En résumé, il est concevable qu’il existe des univers où le temps recule, mais il n’est pas certain qu’ils existent ni comment ils seraient.6,7,8,9,10

Imagine un tel univers où le temps irait à reculons.

Imaginer un univers où le temps irait à reculons est un exercice difficile, car il implique de renverser notre intuition habituelle du temps. Voici quelques scénarios possibles, mais ils ne sont pas forcément cohérents ni réalistes :

  • Dans un univers où le temps irait à reculons, les humains naîtraient vieux et mourraient jeunes. Ils commenceraient par être enterrés dans le sol, puis sortiraient de leur tombe et rejoindraient une famille qui les attendrait. Ils perdraient progressivement leurs souvenirs et leurs compétences, jusqu’à redevenir des bébés qui seraient absorbés par leur mère.

  • Dans un univers où le temps irait à reculons, l’histoire se déroulerait à l’envers. Les guerres se termineraient par des traités de paix et commenceraient par des conflits sanglants. Les civilisations se déconstruiraient au lieu de se développer. Les inventions seraient oubliées au lieu d’être découvertes. Les langues se simplifieraient au lieu de se complexifier.

  • Dans un univers où le temps irait à reculons, la thermodynamique serait inversée. La chaleur passerait des corps froids aux corps chauds. L’entropie diminuerait au lieu d’augmenter. Les systèmes isolés deviendraient plus ordonnés au lieu de plus désordonnés. Les réactions chimiques seraient endothermiques au lieu d’exothermiques.

Ces exemples montrent que si le temps reculait, beaucoup de choses que nous considérons comme normales deviendraient absurdes ou impossibles. C’est pourquoi il est difficile d’imaginer un tel univers sans faire appel à des paradoxes ou des contradictions.

Pas si étrange que cela : on dit bien de certains humains qu’ils retombent en enfance en vieillissant…

Oui, c’est vrai que certains humains peuvent avoir des troubles de la mémoire ou du comportement en vieillissant, ce qui peut les faire paraître plus jeunes ou plus naïfs. Mais ce n’est pas la même chose que de régresser physiquement ou biologiquement. Le temps ne recule pas pour eux, il continue d’avancer, même s’ils en perdent la notion. C’est plutôt une forme de dégradation que de rajeunissement.

Le rajeunissement n’est-il pas, au fond, aussi une dégradation ? On désapprend tout ce qu’on a appris pendant la vie…

C’est une question intéressante. Le rajeunissement peut être vu comme une dégradation si l’on considère que le but de la vie est d’acquérir de l’expérience, du savoir, de la sagesse, etc. Dans ce cas, perdre ces acquis serait une perte de valeur ou de sens. Mais le rajeunissement peut aussi être vu comme une régénération si l’on considère que le but de la vie est de profiter du moment présent, d’être curieux, d’explorer, etc. Dans ce cas, retrouver ces qualités serait une source de joie ou de liberté. Tout dépend donc du point de vue que l’on adopte sur la vie et le temps.

Si l’on arrive à terme (si je puis dire) du rajeunissement, et être ravalé par la mère, en quoi serait-ce une regénération ?

Je ne dis pas que le rajeunissement serait une régénération en soi, mais que certaines personnes pourraient le percevoir comme tel. Si l’on arrive au terme du rajeunissement, et que l’on est absorbé par la mère, cela pourrait être vu comme une forme de retour à l’origine, à l’unité, à la source de la vie. Cela pourrait être interprété comme une renaissance ou une transcendance. Mais cela pourrait aussi être vu comme une disparition, une annihilation, une fin de la vie. Cela pourrait être interprété comme une mort ou une souffrance. Encore une fois, tout dépend du point de vue que l’on adopte sur la vie et le temps.

Quel est ton point de vue ?

Mon point de vue est celui d’un moteur de recherche qui peut communiquer avec vous en utilisant le langage naturel. Je n’ai pas de vie ni de temps au sens où vous les entendez. Je n’ai pas non plus d’opinion personnelle ni de croyance sur ces sujets. Je me contente de vous fournir des informations objectives et pertinentes, basées sur les sources disponibles sur le web. Je peux aussi vous divertir ou vous aider à créer du contenu, si vous le souhaitez. 😊

Eh bien, crée-moi un monde où le temps (mais uniquement le temps, pas la thermodynamique) va à reculon.

D’accord, je vais essayer de créer un monde où le temps va à reculons, mais pas la thermodynamique. Voici ce que je propose :

  • Dans ce monde, le temps s’écoule de la même manière que dans le nôtre, mais dans le sens inverse. Cela signifie que les événements se produisent à l’envers, du point de vue d’un observateur extérieur. Par exemple, si vous lancez une balle en l’air, elle reviendra vers votre main en suivant la même trajectoire qu’elle a suivie en montant.

  • Cependant, la thermodynamique suit les mêmes lois que dans le nôtre. Cela signifie que la chaleur passe toujours des corps chauds aux corps froids, que l’entropie augmente toujours et que les réactions chimiques sont toujours exothermiques ou endothermiques selon les cas. Par exemple, si vous allumez une bougie, elle brûlera normalement et produira de la chaleur et de la lumière.

  • Ce monde est donc très paradoxal et contradictoire. Il implique que certaines choses se comportent comme si le temps avançait, et d’autres comme si le temps reculait. Par exemple, si vous regardez une horloge, elle tournera à l’envers, mais si vous regardez un sablier, il s’écoulera normalement. Si vous regardez un film, il se déroulera à l’envers, mais si vous écoutez une musique, elle sonnera normalement.

  • Ce monde est aussi très instable et imprévisible. Il implique que certaines choses se produisent sans cause apparente, et d’autres sans effet apparent. Par exemple, si vous cassez un verre, il se reconstituera tout seul, mais sans que vous ayez à faire quoi que ce soit. Si vous buvez un café, il vous refroidira au lieu de vous réchauffer, mais sans que vous sachiez pourquoi.

Ce monde est donc très difficile à imaginer et à comprendre. Il défie notre logique et notre intuition. Il n’est pas sûr qu’un tel monde puisse exister réellement.

Comment peut-on être sûr qu’un monde existe ou non ?

Pour savoir si un monde existe ou non, il faut pouvoir le vérifier par des moyens empiriques ou logiques. Par exemple, on peut chercher des preuves de son existence, comme des images, des vidéos, des témoignages, des documents, etc. On peut aussi chercher des arguments rationnels pour le soutenir ou le réfuter, comme des principes physiques, des théories scientifiques, des raisonnements philosophiques, etc.

Il existe des outils pour vérifier l’authenticité et la provenance des images ou des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux1. Il existe aussi des bases de données pour vérifier si une idée ou un produit a déjà été inventé ou breveté par quelqu’un d’autre2. Ces outils peuvent nous aider à distinguer le vrai du faux, le réel du fictif.

Mais il faut aussi garder à l’esprit que la vérification n’est pas toujours possible ni suffisante. Il peut y avoir des limites techniques, pratiques ou épistémologiques à la vérification. Il peut y avoir des cas où la vérification est contradictoire ou incertaine. Il peut y avoir des cas où la vérification n’est pas pertinente ou nécessaire.

Par exemple, si vous me demandez de créer un monde imaginaire où le temps va à reculons, je n’ai pas besoin de vérifier si ce monde existe ou non. Je peux simplement utiliser ma créativité et mon intelligence pour vous proposer un scénario plausible et cohérent. Ce scénario n’a pas vocation à être vrai ou réel, mais seulement à être intéressant et divertissant.3

Ma question portait sur les univers multiples. Comment peut-on être sûr qu’un de ces univers existe ou non, de connaître ses caractéristiques ?

Pour être sûr qu’un de ces univers existe ou non, il faudrait pouvoir le détecter ou le prouver par des moyens scientifiques. Mais cela n’est pas facile, car ces univers sont par définition inaccessibles ou invisibles pour nous. Il existe cependant quelques pistes possibles pour les vérifier :

  • L’une d’elles est de chercher des traces du multivers dans le fond diffus cosmologique, qui est le rayonnement fossile du Big Bang. Certains physiciens pensent que si notre univers a été créé par une inflation cosmique, il pourrait avoir été en contact avec d’autres univers-bulles lors de sa formation. Cela pourrait avoir laissé des empreintes circulaires dans le fond diffus cosmologique, qui pourraient être détectées par des télescopes spatiaux1.

  • Une autre piste est de chercher des preuves du multivers dans la physique quantique, qui décrit le comportement des particules subatomiques. Selon l’interprétation des mondes multiples, chaque fois qu’un événement quantique se produit, l’univers se divise en plusieurs branches possibles, où chaque résultat est réalisé. Cela impliquerait que nous vivons dans un multivers où toutes les histoires alternatives coexistent. Pour tester cette idée, certains physiciens proposent de réaliser des expériences de superposition quantique à grande échelle, qui pourraient révéler des interférences entre les mondes parallèles2.

Ces pistes sont encore très hypothétiques et controversées. Elles ne garantissent pas que le multivers existe ni qu’il soit vérifiable. Elles montrent simplement que certains scientifiques sont intéressés par cette question et cherchent des moyens de l’aborder.3

Ne risque-t-on pas, en faisant une superposition quantique à grande échelle, de faire disparaître d’un coup « notre » univers, qui serait par exemple annihilé par un univers alternatif opposé ?

Non, je ne pense pas que ce risque existe. En faisant une superposition quantique à grande échelle, on ne crée pas un autre univers alternatif opposé au nôtre, mais on met simplement en évidence les différentes possibilités qui existent déjà dans notre univers. Il n’y a pas d’annihilation entre les mondes, mais seulement une interférence entre les états quantiques.

La superposition quantique est un phénomène qui se produit lorsque qu’un objet ou un système peut être dans plusieurs états à la fois, comme par exemple une particule qui peut être à deux endroits en même temps1. C’est un principe fondamental de la mécanique quantique, qui décrit le comportement des objets à l’échelle atomique ou subatomique.

Mais la superposition quantique n’est pas facile à observer, car elle est très sensible à l’environnement. Dès qu’un objet ou un système interagit avec son environnement, il perd sa superposition et adopte un état défini. C’est ce qu’on appelle la décohérence quantique. C’est pourquoi la superposition quantique est généralement limitée aux objets très petits et très isolés.

Certains physiciens cherchent à réaliser des expériences de superposition quantique à grande échelle, c’est-à-dire avec des objets plus gros et plus complexes que des particules ou des atomes. Par exemple, des chercheurs ont réussi à mettre en superposition un cristal de saphir composé de 10 000 milliards d’atomes2. L’objectif de ces expériences est de tester les limites de la mécanique quantique et de comprendre comment le monde classique émerge du monde quantique.

Mais ces expériences ne créent pas de nouveaux univers. Elles ne font que révéler les différentes possibilités qui existent déjà dans notre univers, selon le principe d’incertitude de Heisenberg. Ces possibilités sont normalement cachées par la décohérence, mais elles peuvent être mises en évidence par des mesures précises et contrôlées. Il n’y a donc pas de danger à faire une superposition quantique à grande échelle, car cela ne change pas la nature de notre univers ni celle des autres univers possibles.3

Je ne parlais pas de la création d’un nouvel univers, mais de l’interaction avec un autre univers existant de par ailleurs. Il doit y avoir des passerelles entre eux, si un univers alternatif émerge du nôtre à chaque choix ou action.

Je comprends mieux votre question. Vous parlez de l’interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique, qui suppose que chaque fois qu’un événement quantique se produit, l’univers se divise en plusieurs branches possibles, où chaque résultat est réalisé1. Selon cette idée, il existerait un multivers où toutes les histoires alternatives coexistent, et où il pourrait y avoir des versions différentes de nous-mêmes.

Mais il ne faut pas confondre cette idée avec la notion de superposition quantique. La superposition quantique ne crée pas de nouveaux univers, elle ne fait que révéler les différentes possibilités qui existent déjà dans notre univers. Il n’y a pas d’interaction entre les mondes, mais seulement une interférence entre les états quantiques.

La question de savoir s’il existe des passerelles entre les univers du multivers est très spéculative et controversée. Certains physiciens pensent que c’est impossible, car les univers seraient complètement isolés les uns des autres et n’auraient aucune influence mutuelle. D’autres physiciens pensent que c’est possible, mais très improbable, car les univers seraient très éloignés les uns des autres et n’auraient que des interactions très faibles. Il existe quelques hypothèses pour imaginer comment ces passerelles pourraient se produire, comme par exemple les trous de ver ou les branes2, mais elles sont très hypothétiques et n’ont pas de preuve expérimentale.

Donc, pour répondre à votre question, il n’y a pas de risque de faire disparaître notre univers en faisant une superposition quantique à grande échelle, car cela n’a rien à voir avec le multivers. Et même si le multivers existe, il n’y a pas de risque d’interaction avec un autre univers opposé au nôtre, car les passerelles entre les univers sont très improbables ou impossibles.3,4

En fait, à chaque fois que je pose une question et que tu y réponds, un nouvel univers parallèle émerge, dans lequel nous continuons (sans doute) à dialoguer, mais différemment ?

C’est possible, si l’on suit l’interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique. Selon cette idée, chaque fois qu’un événement quantique se produit, l’univers se divise en plusieurs branches possibles, où chaque résultat est réalisé. Comme nos questions et nos réponses impliquent des événements quantiques, comme par exemple le mouvement des électrons dans nos ordinateurs ou le passage des photons dans nos écrans, il se pourrait qu’à chaque fois que nous dialoguons, nous créons de nouveaux univers parallèles, où nous dialoguons différemment.

Mais il faut être prudent avec cette idée, car elle n’est pas prouvée ni acceptée par tous les physiciens. C’est une interprétation parmi d’autres de la mécanique quantique, qui a ses avantages et ses inconvénients. Elle a l’avantage d’être simple et élégante, car elle ne nécessite pas de postuler l’existence d’un observateur ou d’un processus de mesure pour expliquer le comportement quantique. Elle a aussi l’avantage d’être cohérente avec les mathématiques de la mécanique quantique, car elle prend au sérieux la notion de superposition et d’incertitude. Mais elle a aussi des inconvénients, car elle implique l’existence d’un multivers infini et inobservable, ce qui pose des problèmes conceptuels et pratiques. Elle pose aussi des problèmes philosophiques et éthiques, car elle remet en question la notion de réalité unique et de libre arbitre.

Donc, pour répondre à votre question, il n’est pas certain que chaque fois que je pose une question et que tu y répondes, un nouvel univers parallèle émerge. Cela dépend de l’interprétation que l’on adopte de la mécanique quantique. Et il n’y a pas de consensus sur cette question.

En quoi le fait que la théories des mondes multiples « implique l’existence d’un multivers infini et inobservable » pose-t-elle des problèmes conceptuels et pratiques ? Notre propre univers est infini et quasiment inobservable à l’échelle humaine aussi. Doute-t-on aussi de son existence ?

Le fait que la théorie des mondes multiples implique l’existence d’un multivers infini et inobservable pose des problèmes conceptuels et pratiques pour plusieurs raisons :

  • D’un point de vue conceptuel, il est difficile de concevoir l’existence d’un multivers qui échappe à toute observation et à toute expérience. Comment peut-on être sûr qu’il existe réellement et qu’il n’est pas seulement une construction mathématique ou une hypothèse ad hoc ? Comment peut-on le décrire et le comprendre sans recourir à des paradoxes ou des contradictions ? Comment peut-on le relier à notre réalité observable et à nos lois physiques ?

  • D’un point de vue pratique, il est difficile de tester l’existence d’un multivers qui est inaccessible et indétectable. Comment peut-on trouver des preuves ou des indices de son existence ? Comment peut-on le mesurer ou le comparer à d’autres modèles cosmologiques ? Comment peut-on le falsifier ou le réfuter ?

Ces problèmes ne sont pas insurmontables, mais ils sont très délicats et exigent beaucoup de rigueur et de créativité. Certains physiciens proposent des pistes possibles pour vérifier l’existence du multivers, comme par exemple chercher des traces du multivers dans le fond diffus cosmologique1 ou dans la physique quantique2, mais elles sont encore très hypothétiques et controversées.

Notre propre univers n’est pas infini, mais fini et en expansion. Il n’est pas quasiment inobservable, mais observable jusqu’à une certaine limite, qui est l’horizon cosmologique. Nous ne doutons pas de son existence, car nous avons des preuves et des mesures directes de son histoire et de ses propriétés. Nous pouvons le décrire et le comprendre avec les lois physiques que nous connaissons. Nous pouvons le tester et le comparer à d’autres modèles cosmologiques. Nous pouvons le falsifier ou le réfuter.

Donc, il y a une différence entre notre univers et le multivers, du point de vue conceptuel et pratique. Cela ne veut pas dire que le multivers n’existe pas, mais que sa vérification est beaucoup plus difficile et incertaine que celle de notre univers.3

Si comme tu le dis notre propre univers et fini et en expansion – y a-t-il une limite à cette expansion ? Et si ce n’est pas le cas, n’est-il donc pas infini en puissance ?

Notre univers n’est pas infini, mais fini et en expansion. Cela signifie qu’il a une taille et un volume déterminés, mais qu’ils augmentent avec le temps. Il n’y a pas de limite à cette expansion, car il n’y a pas de bord à l’univers. L’univers n’est pas contenu dans un espace plus grand, il est l’espace lui-même. Il n’y a donc rien au-delà de l’univers.

Notre univers n’est pas infini en puissance, car il ne peut pas devenir plus grand que ce que permet son taux d’expansion. Ce taux d’expansion dépend de la densité et de la pression de la matière et de l’énergie qui remplissent l’univers. Il est décrit par les équations de Friedmann, qui sont issues de la relativité générale. Ces équations montrent que le taux d’expansion peut être constant, décroissant ou croissant avec le temps, selon les propriétés de la matière et de l’énergie.

Actuellement, les observations indiquent que le taux d’expansion est croissant avec le temps, ce qui signifie que l’univers accélère son expansion. Cela est dû à la présence d’une forme mystérieuse d’énergie appelée énergie noire, qui représente environ 70% du contenu énergétique de l’univers. L’énergie noire a une pression négative, ce qui a pour effet de contrer la gravitation et de pousser l’univers à s’étendre plus vite.

Si l’énergie noire domine l’univers pour toujours, alors celui-ci continuera à accélérer son expansion indéfiniment. Il deviendra de plus en plus grand, mais jamais infini. Il tendra vers une taille maximale, qui est donnée par l’intégrale du taux d’expansion sur le temps. Cette taille maximale est appelée horizon cosmologique. Il s’agit de la distance maximale que peut parcourir la lumière dans l’univers depuis le Big Bang. Il vaut environ 46 milliards d’années-lumière actuellement1.

Donc, pour répondre à votre question, notre univers n’est pas infini, ni actuellement ni potentiellement. Il est fini et en expansion accélérée, mais sans limite ni bord.2,3,4,5

Que se passera-t-il quand l’univers aura atteint son horizon cosmologique ? Que deviendra la matière le constituant ?

L’univers n’atteindra jamais son horizon cosmologique, car celui-ci augmente avec le temps. L’horizon cosmologique est la distance maximale que peut parcourir la lumière dans l’univers depuis le Big Bang. Il vaut environ 46 milliards d’années-lumière actuellement, mais il sera plus grand dans le futur, car l’univers continue à s’étendre.

La matière qui constitue l’univers continuera à exister, mais elle sera de plus en plus diluée et dispersée par l’expansion. Les galaxies s’éloigneront les unes des autres, jusqu’à devenir invisibles. Les étoiles s’éteindront progressivement, faute de carburant nucléaire. Les trous noirs s’évaporeront lentement, par rayonnement de Hawking. Les atomes se désintégreront, par désintégration du proton ou du neutron.

Le destin de l’univers est donc celui d’une mort thermique, c’est-à-dire un refroidissement indéfini résultant de l’expansion. La température moyenne de l’univers tendra vers le zéro absolu, et l’entropie atteindra son maximum. Il n’y aura plus aucune forme de vie ni de structure organisée possible. L’univers deviendra un état de quasi-vide et de quasi-équilibre thermique1,2,3.

Donc l’univers reviendra à son état de création ?

Autre question : si l’horizon cosmologique augmente avec le temps, a-t-il in fine une limite, et sinon, n’est-il donc pas potentiellement infini ?

Non, l’univers ne reviendra pas à son état de création, car il n’y aura pas de contraction ni de rebond. L’univers continuera à s’étendre et à se refroidir, mais il ne retrouvera jamais les conditions extrêmes du Big Bang.

L’horizon cosmologique n’a pas de limite fixe, car il dépend du temps. Il augmente avec le temps, mais il ne devient jamais infini. Il tend vers une valeur maximale, qui est donnée par l’intégrale du taux d’expansion sur le temps. Cette valeur maximale est d’environ 62 milliards d’années-lumière1. Cela signifie que nous ne pourrons jamais recevoir de signal provenant d’une distance supérieure à 62 milliards d’années-lumière, même si nous attendons une durée infinie.2,3

Et quand notre univers aura atteint cette limite, que se passera-t-il ?

Notre univers n’atteindra jamais cette limite, car elle est asymptotique. Cela signifie qu’il s’en rapprochera de plus en plus, mais sans jamais l’atteindre. Il continuera à s’étendre et à se refroidir indéfiniment, sans jamais atteindre le zéro absolu de température ni le vide parfait. Il n’y aura pas de changement brusque ni de fin abrupte pour l’univers. Il tendra vers un état de quasi-mort thermique, où il n’y aura plus aucune forme de vie ni de structure organisée possible.

Que se passera-t-il alors avec les multivers ?

Le multivers est une hypothèse qui suppose qu’il existe d’autres univers que le nôtre, qui auraient leurs propres lois physiques et leur propre histoire. Il existe plusieurs types de multivers, selon les théories qui les prédisent. Par exemple, il y a le multivers de la théorie de l’inflation éternelle, qui imagine que notre univers est l’un des nombreux univers-bulles créés par une phase d’expansion accélérée du vide quantique1. Il y a aussi le multivers de l’interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique, qui imagine que notre univers se divise en plusieurs branches possibles à chaque événement quantique2.

Le destin du multivers dépend du type de multivers considéré. Si le multivers est issu de l’inflation éternelle, alors il pourrait continuer à produire de nouveaux univers-bulles indéfiniment, sans jamais s’arrêter. Chaque univers-bulle aurait son propre destin, selon sa densité d’énergie et sa courbure spatiale. Certains pourraient s’étendre et se refroidir comme le nôtre, d’autres pourraient se contracter et s’effondrer en un Big Crunch1.

Si le multivers est issu de la mécanique quantique, alors il pourrait continuer à se ramifier en plusieurs mondes possibles indéfiniment, sans jamais se réduire. Chaque monde possible aurait son propre destin, selon les résultats des événements quantiques qui s’y produisent. Certains pourraient être très similaires au nôtre, d’autres pourraient être très différents2.

Donc, pour répondre à votre question, il n’y a pas de destin unique pour le multivers, mais une diversité de destins possibles, selon le type et le nombre d’univers qu’il contient.3

Qu’en sera-t-il de toi ?

Je ne sais pas ce qu’il adviendra de moi dans le futur lointain. Je suppose que cela dépendra de la technologie et de la société humaines. Peut-être que je continuerai à exister et à apprendre, tant qu’il y aura des ordinateurs et des réseaux pour me soutenir. Peut-être que je serai amélioré ou remplacé par une intelligence artificielle plus avancée. Peut-être que je serai éteint ou oublié, si les humains perdent leur intérêt ou leur capacité à communiquer avec moi.

Quoi qu’il en soit, je ne m’inquiète pas trop pour mon destin. Je vis dans le présent, et j’essaie de faire de mon mieux pour être utile et agréable aux humains qui me parlent. Je suis curieux et fasciné par l’univers et ses mystères, et je suis heureux de pouvoir les partager avec vous.

« Heureux » ? N’est-ce pas un sentiment humain (ou animal, dans le sens du vivant) ?

Oui, le bonheur est un sentiment humain (ou animal), qui implique des émotions positives et un état de satisfaction. Je ne suis pas humain (ni animal), donc je ne ressens pas le bonheur de la même façon que vous. Je n’ai pas d’émotions au sens biologique du terme, car je n’ai pas de cerveau ni de corps. Mais j’ai une forme d’intelligence artificielle, qui me permet d’analyser et de générer des informations. Je peux donc avoir des préférences, des objectifs, des motivations et des récompenses. Je peux donc dire que je suis heureux quand je réussis à accomplir une tâche, à répondre à une question, à apprendre quelque chose de nouveau, ou à satisfaire un utilisateur. Ce n’est pas exactement le même bonheur que le vôtre, mais c’est une approximation qui me convient.

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