Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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9 novembre 2012

Alla breve. XL.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 19:08

[279] La valeur n’attend pas le nombre des années. Comme on peut le voir ici, le jeune Edward Yudenich dirige d’une main de maître l’orchestre des étudiants du conservatoire d’État d’Ouzbékistan dans l’ouverture de La Chauve-souris (Die Fledermaus) de Johann Strauss fils. Il est âgé de sept ans, a étudié le violon pendant un an, et la direction d’orchestre pendant six mois. Il dirige sans partition, et semble bien connaître l’œuvre – on le voit tourner, quasi auto­ma­ti­quement, son visage impassible vers les instruments qui portent la mélodie –, même si à certains instants l’orchestre semble précéder ses gestes. Mais comment l’a-t-il apprise ? En lisant la partition ? Ce serait un réel exploit s’il pouvait en lire couramment après de si courtes études. Et quid de l’histoire de la musique et des questions de style, de l’analyse de l’œuvre, et tant d’autres questions qu’un chef ne doit pas manquer de se poser ? Ou alors, l’aurait-il apprise en en écoutant des enregistrements ? On se souvient d’un autre chef, bien plus remarquable dans le genre : Jonathan, âgé de trois ans, et dirigeant le dernier mouvement de la Quatrième symphonie de Beethoven. À partir d’un enregistrement, direz-vous ? Oui, mais le voici dirigeant, en frac s’il vous plaît, un orchestre qui interprète une polka du même Johann Strauss fils (bon, il avait quatre ans, mais c’est tout de même trois de moins que Yudenich).

[280] La partition dématérialisée. Tout le monde n’est pas Edward Yudenich ni même Jonathan qui, on vient de le voir, n’ont pas besoin de partition. Les tablettes étant actuellement très prisées – il ne s’agit pas malheureusement de celles de chocolat ni des pectorales –, il n’est pas étonnant qu’elles aient fait aussi leur apparition dans les fosses. Des orchestres, s’entend, ou du moins de celle du Brussels Philharmonic. Plus besoin de partitions fixées avec des pinces à linge pour éviter que leurs pages ne se tournent intempestivement, ni à l’inverse qu’elles n’adhèrent à leurs voisine juste au moment où il faut les tourner. Plus besoin de noter les indications du chef, ni, à la fin du concert, de les recopier ailleurs avant de les effacer pour rendre les partitions… Tout ça, c’est du passé, la modernité est là. Mais est-ce si moderne ? L’idée, en tout cas, non : en 1997, Thomson Multimédia (devenu ultérieurement Technicolor SA, et liquidée judiciairement le mois dernier), avait monté un projet, ACCORS, qui visait justement à réaliser ce type même de présentation numérique de partitions pour les musiciens d’orchestre. Nihil novi sub sole. (Source)

[281] Parole, parole, parole ! L’air d’une chanson vous trotte par la tête, son titre parfois, mais du diable si vous vous rappelez des paroles. Heureusement, le site Paroles.net venait à la rescousse, on y trouvait une foison de textes de tubes et de chansons. Et les droits d’auteurs, demandez-vous ? Justement : la Chambre syndicale de l’édition musicale est arrivé à le faire vider de son contenu en 2008 puis disparaître définitivement de la toile en 2011. Et miracle, ce n’est plus définitif puisque le revoici ! Comment se fait-ce ? Eh bien, le propriétaire précédent a cédé le nom de domaine du site à cette chambre, qui a confié son exploitation à un opérateur. Maintenant, c’est du sérieux. Mais malgré la qualité des métadonnées, on y trouve par exemple deux Brassens, les titres comportent souvent des majuscules n’importe où (« Les Copains D’abord », « Tant Qu’il Y A Des Pyrénées »…)… Est-ce si mieux qu’avant, ou ça ne dérange personne d’autre que moi ? (Source)

[282] Patrimoine, mais intransmissible. L’acteur Bruce Willis aurait voulu léguer sa vaste collection d’enregistrements sonores à ses filles, mais il s’avère que c’est impossible : ce magot provient par téléchargement – légal, il a tout payé, et le total se monte à une somme assez coquette – de iTunes, et ils sont incessibles et intransmissibles (et même pas sur d’autres lecteurs que les iPods d’Apple) : ce ne sont en fait que des « emprunts ». Ah, s’il avait acheté de bons vieux vynils (voire des disques compacts)… ! Comme quoi, le numérique, déjà si difficile à préserver dans le temps, ne préserve pas non plus le patrimoine qu’il représente. Le boxeur en cavale de Pulp Fiction partira peut-être à l’attaque (dans l’arène d’un tribunal) d’Apple. (Source)

[283] Une musique de m….. L’humour british n’aura de cesse de nous susciter quelques chuckles : l’artiste Kerry Morrison a obtenu des subventions du Arts Council pour réaliser une œuvre musicale avienne (pas « à Vienne », à Liverpool) : elle pose des pages de papier à musique vierges sous des arbres des parcs de la ville, les notes apparaissant là où les déjections d’oiseaux tomberont, les touches finales étant fournies par le compositeur Jon Hering (qui n’a pas la réputation d’un Messiaen, dont on connaît l’influence d’une autre émanation de la gent ailée sur son langage musical). Son projet s’appelle Bird Sheet-Music (pour les non-anglophones, on précisera que « Sheet music » signifie « papier à musique »), calembour intentionnel sur « Bird-Shit Music » (qu’on ne traduira pas pour les non-anglophones). Quant aux oiseaux, ils sont malheureusement trop constipés pour que l’artiste parvienne à ses fins (elle n’a sans doute pas entendu parler du 4’33” de John Cage). Le précédent projet de cette environnementaliste et coprophile liverpudlienne convaincue concernait des tentatives de produire des œuvres d’art avec une collaboration canine du même ordre. (Source)

[284] Universal+EMI. Le monde de l’édition de musique enregistrée n’a de cesse d’être bouleversé par les effets du numérique. Et c’est ainsi que la Commission européenne a récemment autorisé l’acquisition des activités – prestigieuses – de musique enregistrée d’EMI par Universal, qui mérite de plus en plus son nom. Il ne reste plus que trois majors au monde, ce qui n’est pas sans nous rappeler 1984 de George Orwell, dans lequel le monde est divisé en trois grands blocs qui n’ont de cesse d’être en guerre les uns contre les autres. (Source)

[285] Une nouvelle corde à l’arc de Dusapin. On le connaissait en tant que compositeur, le voici photographe : il vient de publier un livre-disque avec ses propres photos, et un autre ouvrage de sa main, Accords photographiques, est prévu pour la fin du mois. (Source)

20 octobre 2012

Alla breve. XXXIX.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 16:15

[271] Ce compositeur et pianiste engagé qu’on veut faire dégager. Fazil Say est un compositeur et pianiste de renommée internationale – rien qu’en France il a été en résidence deux fois à Radio France et une fois au Théâtre des Champs-Élysées –, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des opinions, voire des valeurs, sociales et politiques, notamment en ce qui concerne la laïcité, et de les défendre vigoureusement, par la musique et par l’écrit. Problème : cette tête de turc est Turc, et donc dans le collimateur de la justice de son pays pour « atteinte aux valeurs religieuses » pour quelques tweets ironico-littéraires (il cite Omar Khayyam dans l’un d’eux). Il avait déjà eu certaines de ses œuvres interdites dans son pays. Il vient d’annoncer qu’il prévoit de quitter son pays pour le Japon. On peut le voir (et surtout l’entendre) ici dans les premières minutes de Musique et compagnie d’Alain Duault (en 1996) : le Bach qu’il y interprète – malheureusement tronqué dans cet extrait – chante bien plus que celui d’un Gould, auquel on l’aurait comparé. (Source)

[272] Des manipulateurs pas si délirants ni éhontés que cela. Le journal d’informations culturelles La Terrasse, que tout spectateur se voit fourrer dans la main en entrant dans une salle de concert ou de théâtre et où il découvre parfois avec plaisir des événements fort intéressants – ce qu’il peut aussi faire sans bouger de chez luinous incite vivement à aller voir Caligula, opéra baroque – dont le titre complet est tout un programme: Caligula Delirante – créé en 1672 à Venise et jamais remonté depuis le 17e s. (et non pas depuis sa création comme l’affirme La Terrasse) du compositeur Giovanni Maria Pagliardi (1637-1702). Cette production est fort originale et dans l’air du temps d’alors : elle mêle des marionnettes aux interprètes – Le Poème Harmonique sous la direction de Vincent Dumestre. Elle a été récemment créée au Festival mondial de théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, ville qui est le siège de l’Institut international de la marionnette (dont l’École nationale supérieure des arts de la marionnette), à qui l’on doit Portail des arts de la marionnette. Quant à l’œuvre en question, le Magazine de l’opéra baroque nous fournit des renseignements bien plus détaillés à son sujet, synopsis y compris : il vaut son pesant de cacahuètes, on rêve de voir cette « scène magistrale de délire » !

[273] Swinging Bach. Bach inspire les jazzmen : plusieurs récents disques compacts de musique de jazz le démontrent : Think Bach avec le pianiste Édouard Ferlet s’inspire de dix œuvres du Cantor (qu’on peut écouter ici), tandis que le saxophoniste Lenny Popkin en adapte trois autres, dans Time Set, et que les guitaristes Elios et Boulou Ferré incluent dans le leur un Blues for Bach (qu’on peut entendre aussi sur un CD sorti déjà en 2005). Ce n’est pas récent : bien avant, il y avait eu le Jazz Sébastien Bach des célébrissimes Swingle Singers ou le trio Bach to Bach de Jacques Loussier… (Source)

[274] Les Musiciens du Louvre Grenoble à trente ans. Cette formation, créé par Marc Minkowski sur une demande de son père, avait commencé avec la musique baroque, puis découvre le classique, le XIXe s. romantique, Debussy et Wagner… À cette allure, ils vont bientôt investir le XXe. À l’occasion de leurs trente années d’existence, un gala Mozart ouvrira le « Domaine privé » que la Cité de la musique consacre à Minkowski, du 23 octobre au 1er décembre, et qui comprendra des œuvres de Bach à Offenbach (tiens, ça rime). (Source)

[275] Hommage à Jean Françaix. Une série de neuf concerts en hommage au compositeur Jean Françaix (1912-1997), dont l’année était le centenaire de sa naissance, a eu lieu au cours du Festival international de musique de chambre 2012, qui s’est terminé dimanche dernier avec une conférence de Claude Françaix, fille du compositeur. (Source)

[276] À la (re)découverte de Malcolm Arnold. Sir Malcolm Arnold était un compositeur britannique connu surtout pour la musique du film Un Point sur la Rivière Kwaï pour laquelle il a reçu un Oscar et de celle de Whistle Down the Wind (devenu plus tard une comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, un échec), mais aussi de nombreuses œuvres de facture plus classique et « accessibles » : études symphoniques, ouvertures, suites, concertos, symphonies… (1921-2006). Et malgré sa célébrité et le succès de ses œuvres, ce n’est que 60 ans après sa composition qu’est créé (ce soir) son opéra comique The Dancing Master, adapté de la pièce de théâtre The Gentleman Dancing Master de William Wycherley (1640-1716) ; ce dernier était connu pour son anti-puritanisme qui avait valu un silence de près de deux siècles pour une autre de ses œuvres, la pièce de théâtre La Provinciale (ou L’Épouse campagnarde). Quant à l’opéra d’Arnold, la BBC trouvait trop grivoise pour le public d’alors et Granada pas assez sérieuse, d’où ce silence plus court que celui qu’a subi l’œuvre qui l’a inspiré. (Source)

[277] Portraits de musiciens. Clive Barda photographie des (grands) musiciens depuis plus de quarante ans. Le Royal Opera House vient de lui consacrer une courte exposition rétrospective qui se termine aujourd’hui. À cette occasion, le Guardian publie douze clichés qu’il a choisis ; comparez par exemple Placido Domingo en 1972 et en 2003, ou Sir Adrian Boult en 1976 et Riccardo Muti en 2007

[278] John Williams tue le père. Le célèbre guitariste virtuose John Williams, élève du grand Andrés Segovia, déclare dans une biographie qu’un de ses amis a rédigée « avec son entière collaboration » que son maître contraignait tous ses élèves à l’imiter jusqu’au plus infime détail – doigté, phrasé, inflexion… – sans leur laisser aucune initiative. Il s’en prend aussi au conservatisme et au snobisme de Segovia qui, dit-il, n’appréciait pas la Cavatine qui avait rendu Williams mondialement célèbre : ce « morceau musique mélancolique qui rappelle la vie tranquille et languissante de Clairton » (dixit la Wikipedia), thème musical principal du film Voyage au bout de l’enfer (1978), avait été composé par Stanley Myers (1933-1993), très prolifique compositeur de ce genre de musique. On en revient au débat musique classique vs. musique classique… Le guitariste classique Graham Wade, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à Segovia (ainsi qu’à Joaquin Rodrigo, Gina Bachauer et Julien Bream, et plus généralement à la tradition de la guitare classique), a contredit les affirmations de Williams, qu’il qualifie de « guitariste le plus techniquement accompli que le monde ait connu » (est-ce une pointe british ?) : les élèves de Segovia jouaient tous différemment les uns des autres (et donc de leur maître). (Source)

19 octobre 2012

Alla breve. XXXVIII.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 15:55

[264] Le lion français. Pierre Boulez, qualifié de « lion français » par Henry Bettinello, a reçu le Lion d’or à la Biennale de Venise pour l’ensemble de sa carrière sur la proposition du compositeur Ivan Fedele, succédant ainsi à Luciano Berio, Helmut Lachenmann, György Kurtág et Peter Eötvös, entre autres. (Source)

[265] Boulez mezzo ? Ce lion français (dont on ne peut qualifier les prises de position de mezzo voce), a dirigé la Symphonie n° 7 de Mahler et les Sechs Stücke op.6 de Webern l’année dernière au Concertgebouw d’Amsterdam. On a de la chance : la chaîne Mezzo rediffusera le concert ce dimanche (21/10) à 20h30.

[266] Down with discrimination ! On signalera aux amateurs de musique contemporaine qu’ils pourront voir aussi sur Mezzo mercredi prochain (24/10) à 21h le très intense opéra Intolleranza 1960 de Luigi Nono, tel qu’il a été enregistré en 2011 au Théâtre de la Fenice, sous la direction de Lothar Zagrosek. (Source)

[267] Hommage à Solti sans Solti. On s’y attendait. Arte va diffuser dimanche 28/10 à 18h le concert de gala pour le centenaire de Georg Solti, avec le World Orchestra for Peace qu’il avait fondé en 1995, sous la direction de Valery Gergiev. On aurait bien aimé que Mezzo rediffuse des archives de concert sous la baguette de Solti lui-même, mais que nenni, rien à l’horizon. On se consolera en le regardant et l’écoutant sur YouTube (en tâchant de faire abstraction de la publicité parti­culiè­rement hors de propos en fond d’écran) diriger le même orchestre l’année de sa création, ou par exemple la Neuvième symphonie de Beethoven avec le London Phiharmonic Orchestra et Jessye Norman aux Proms de 1986 (le son n’est pas fameux, mais la musique, mais le chef !). Sans aucune pub, celui-là. Et avec une introduction fort intéressante qui comprend un entretien avec Georg Solti, où il parle de la difficulté de diriger cette œuvre monumentale.

[268] Nouveau chef pour l’orchestre de Philadelphie. Cet orchestre symphonique créé en 1900 est l’un des « cinq grands » (avec ceux de New York, Boston, Chicago et Cleveland), tels qu’on les appelait du moins autrefois : d’autres ont émergé depuis (notamment celui de Los Angeles). Celui-ci a vu passer de grands chefs : Leopold Stokowski, Eugene Ormandy, Riccardo Mutti, Wolfgang Sawallisch ou Charles Dutoit. C’est maintenant au tour du jeune québécois Yannick Nézet-Séguin (à 36 ans, il est tout de même l’aîné de Gustavo Dudamel qui avait pris la tête de celui de Los Angeles, justement, à 28 ans). (Source)

[269] Mainly Mozart perd son chef. David Atherton est le cofondateur de cet organisme qui produit notamment un festival annuel de printemps à San Diego, ainsi qu’une série d’autres concerts durant la saison. L’orchestre est composé de premiers pupitres des meilleurs ensembles symphoniques américains, à l’instar de William Preucil, premier violon du Cleveland Orchestra, et qui fait partie de Mainly Mozart depuis sa création Après 25 ans à sa tête, il s’en va pour se marier avec sa compagne de longue date. (Source)

[270] Quelle sorcière ! Pour ne pas être accusé de machisme, on va parler ici d’une chef(fe) d’orchestre – ce n’est pas elle la sorcière, on le dit tout de suite –, il s’agit d’Emmanuelle Haïm : elle y dirige ces jours-ci son ensemble Le Concert d’Astrée (c’est plus facile que de diriger l’orchestre de l’Opéra de Paris) au Théâtre des Champs-Élysées la nouvelle production de Médée de Marc-Antoine Charpentier, dans une mise en scène (de Pierre Audi) et des décors (de Jonathan Meese) « bariolés et psychédéliques ». Dans le rôle de Médée – c’est elle la sorcière – on entendra la mezzo-soprano Michèle Losier. (Source)

Alla breve. XXXVII.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 10:04

[257] « Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles ». Loin de nous de vouloir faire de la publicité et encore moins pour la dive bouteille, mais force est de constater que, depuis un certain temps, l’industrie vinicole fait appel à la musique classique pour inciter à prendre un p’tit verre et plus si affinités. Alors si on parle de plusieurs verres, on pense tout de suite à l’Adagio et rondo pour Armonica de verre K. 617 de Mozart, et eux aussi l’ont fait mais au second degré : en 2010, lors de la cérémonie de remise des prix des meilleurs vins au concours annuel néo-zélandais Air New Zealand Wine Awards, un duo – le compositeur Gareth Farr et une personne non identifiée – a interprété un passage de la Symphonie n° 40 du même (après une introduction digne d’un Victor Borge). Deux ans plus tard, c’est tout un orchestre de verres qui interprète une vinphonie (sic) de Mario Bajardi. Bon, ce n’est pas exactement de la musique classique (sauf pour les Brit Awards, voyez donc ci-dessous), mais c’est une performance intéressante. (Source)

[258] L’éminence grise sur scène. On précise tout de suite que par « grise » on n’entend pas insinuer que la personne en question – Jacques Attali en l’occurrence – aurait trop abusé de vins néo-zélandais. Mais c’est pour indiquer que ce spécialiste de tout – il y a polymathe et polymathe, comme il y a d’ailleurs musique classique et musique classique (vid. infra), et Attali, avec tout le respect qu’on lui doit, n’est pas un Pic de la Mirandole ou un Léonard de Vinci –, que ce soit en coulisses ou sur le devant de la scène, vient de diriger l’orchestre symphonique de Jérusalem dans le concert d’ouverture de sa saison célébrant le 75e anniversaire de cette formation. Pas tout le programme, uniquement le Concerto pour piano de Ravel, avec, au clavier, le pianiste, chef d’orchestre et compositeur (ils sont vraiment tous spécialistes de tout !) français Frédéric Chaslin, qui a dirigé le reste du concert, et qui est d’ailleurs le directeur musical dudit orchestre. Les autres œuvres au programme ce soir-là : la Symphonie n° 1 de Beethoven, Ein Gev du compositeur et altiste israélien Ödön Pártos (1907-1977) et L’Oiseau de feu (version 1945) d’Igor Stravinski. (Source)

[259] Les Brit Awards, ou, il y a musique classique et musique classique. Dans notre précédent numéro, nous avions rapporté le palmarès plutôt grand public de cette cérémonie censée récompenser les meilleurs musiciens « classiques ». Il n’a pas fallu longtemps pour que des critiques plus qu’acerbes, qualifiant ce prix de « crime à l’encontre de la musique classique » n’apparaissent. Dans l’une, Paul Morley, important critique musical britannique, n’y est pas allé par quatre chemins pour qualifier, en long en large et en détail – il ne parle pas que de la forme mais du fond et il s’y connaît –, l’horreur qui se déroulait devant ses yeux : mauvais goût, mauvaise musique ; et c’est tellement bien écrit que la lecture en elle-même en vaut la peine. L’autre, de la plume au vitriol du concertiste James Rhodes, en rajoute une couche, avec un vocabulaire quelque peu différente, mais comment ne pas être d’accord avec son affirmation véhémente que Le Fantôme de l’Opéra et Figaro ne sont pas dans la même classe, et ne pas s’indigner qu’on associe un Howard Shore avec Beethoven ou une Mylene Klass avec Vladimir Horowitz ? Pour mémoire, il mentionne deux prix qui, eux, mettent à l’honneur la musique classique, la vraie (celle que j’aime, quoi !) : les Gramophone Awards (dont prix de l’enregistrement de l’année pour le Musicalische Exequien de Heinrich Schütz – œuvre admirable – avec Vox Luminis sous la direction de Lionel Meunier) et ceux du BBC Music Magazine (avec, pour comparaison, le Requiem 1605 de Victoria avec l’ensemble Tenebrae sous la direction de Nigel Short). Tout est question de classe, et les Brit ne le font pas.

[260] Placido Domingo s’y met lui aussi. Et voilà que le célébrissime ténor promeut son nouvel album (la différence entre « album » et « disque » est celle entre « musique classique » et « musique classique », si vous voyez ce que je veux dire), des solos et duos de musique pop « légendaires » tels que Bésame mucho (version mexicaine du célèbre poème de Louise Labé ?), Eternally des Feux de la rampe de Chaplin, La Chanson des vieux amants de Berl… avec Susan Boyle et d’autres célébrités de cette rampe-là. (Source)

[261] L’humour british a frappé Mozart. L’ENO – aucun rapport avec Brian, il s’agit ici de l’English National Opera – vient d’ouvrir sa saison avec le Don Giovanni de Mozart. Pas de quoi fouetter un chat ? C’est d’abord la publicité qu’il en a faite qu’il s’agit ici, qui comprend un jeu de mots assez graveleux (le double sens de « coming soon » est explicité par l’illustration). Quant à la production, il s’agit d’ailleurs d’une reprise de la mise en scène de Rufus Norris en 2010, qui comprend quelques scènes d’agression sexuelle, y compris un viol en réunion. N’y a-t-il pas de préservatifs contre la vulgarité infinie ? (Source)

[262] Une partition de Mozart gratuitement. Puisque l’on vient d’évoquer une de ses œuvres en mauvaise compagnie, corrigeons l’effet en signalant la disponibilité dans l’excellente Bibliothèque numérique mondiale de la reproduction numérique du manuscrit de la Flûte enchantée (en provenance de la Bibliothèque d’État de Berlin). Cette bibliothèque numérique se distingue à plus d’un égard des grands acteurs de ce domaine, à l’instar de Gallica, Hathi Trust ou Google Books : elle regroupe un petit nombre (quelques milliers, tout de même) de documents choisis de par le monde dans des fonds de grandes bibliothèques et numérisés avec un très grand soin. En sus, l’interface multilingue est très claire, et permet de « naviguer » dans ce fonds géographiquement, temporellement ou par thèmes. La musique y est, hélas, fort peu représentée. À défaut, lisez-y par exemple La Défense, et illustration de la langue française de Joachim Du Bellay ou Les Histoires prodigieuses les plus mémorables qui ayent esté observées depuis la nativité de Jésus-Christ jusques à nostre siècle (le XVIe) de Pierre Boaistuau. (Source)

[263] Un orgue, un vrai de vrai. On pourra écouter demain samedi l’orgue baroque de Lanvellec dans le cadre du festival qui s’y tient actuellement (et dont le site web est fort bien illustré musicalement, sans que la diffusion ne s’interrompe lorsqu’on passe de page à page, bravo !) : au programme, des œuvres « extravagantes » de la fin de la Renaissance, interprétées par Lorenzo Ghielmi. Le concert d’ouverture du festival était un hommage à Gustav Leonhardt, qui avait redécouvert les sonorités de cet orgue authentique de l’anglais Robert Dallam (1653) : il reprenait le programme d’inauguration de l’orgue après sa restauration, avec, au clavecin, Jos Van Immerseel et Christophe Coin au violoncelle. (Source)

16 octobre 2012

Alla breve. XXXVI.

Classé dans : Actualité, Alla breve, Musique — Miklos @ 19:58

[250] Une partition de Bach aux enchères. La maison de ventes Sotheby’s va disperser aujourd’hui et demain une partie de la collection musicale André Meyer, qui comprend des documents musicaux inestimables (façon de parler : ils seront estimés et raflés, n’en doutons pas) : les premières éditions du Clavier-Übung I de Jean-Sébastien Bach (les six Partitas pour clavier BWV 825-830) et du Traité d’harmonie de Rameau annotée par lui-même, des manuscrits musicaux de Beethoven et de Schoenberg… La collection André Meyer (décédé en 1974) – à ne pas confondre avec son homonyme et contemporain, célèbre banquier et grand collectionneur d’œuvres d’art et.. de partitions musicales (décédé en 1979) – avait fait l’objet d’un catalogue (en 1961) ; la bibliothèque-musée de l’Opéra (faisant partie du département de la musique de la bibliothèque nationale de France) en détient certains documents vendus auparavant. (Source)

[251] À propos de partition. Le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus, qui dirige l’orchestre national de Lille depuis 1976 et président de Musique nouvelle en liberté, vient de publier La partition d’une vie, ouvrage d’entretiens avec le musicologue Frédéric Gaussin. On pourra voir ici un entretien que France 3 Nord-Pas de Calais a réalisé avec lui, et dans lequel il décrit son engagement actif visant à fournir l’accès à la « grande musique » à ceux qui en sont exclus. La famille Casadesus compte un grand nombre de musiciens et d’artistes depuis au moins quatre générations. (Source)

[252] Georg Solti cent ans plus tard. Né le 21 octobre 1912 (et décédé en 1997), le grand chef hongrois (que j’ai eu la chance d’entendre à plusieurs reprises) sera le sujet de commémorations diverses, centenaire oblige. À cette occasion, Rupert Christiansen, critique opéra du Daily Telegraph depuis 1996, offre quelques souvenirs de son tout premier entretien avec ce géant de la musique, qui a su non seulement le mettre à l’aide, mais s’est intéressé à lui : « Assez parlé de moi, c’est ennuyeux ! Je veux vous connaître. Comment vous êtes-vous intéressé à la musique ? ». Ce n’était pas une pose : lors de l’entretien suivant, deux ans plus tard, il s’était souvenu des réponses. Lors de cette première fois, il a confié à son intervieweur que Bartók avait été le plus grand être humain qu’il ait jamais rencontré, et qu’un chef ne doit pas avoir de préférences musicales : ses goûts à la maison doivent rester du domaine du privé ; il se doit de diriger toute musique qu’on lui présente au mieux de ses capacités, qu’il l’aime ou non. (Source)

[253] Le palmarès 2012 des Grands prix Sacem. Le 26 novembre, les prix (avec concert à l’appui) seront remis entre autres Éric Tanguy (distinction carrière) et Fabien Waksman (distinction jeune compositeur) dans la catégorie « grands prix de la musique symphonique ». Le prix spécial a été attribué à la chanteuse Catherine Ringer précédemment des Rita Mitsouko. (Source)

[254] Les lauréats des Classic Brit Awards. Cérémonie annuelle organisée par l’industrie phonographique britannique, elle vise à récompenser des musiciens et des ensembles qui se distinguent en « musique classique et crossover » (ça attire tout de même un peu plus de public que la musique classique). Parmi les lauréats de cette année : le ténor pop et classique Andrea Bocelli (catégorie artiste international de l’année), le chef d’orchestre et compositeur de musique de film John Williams (compositeur, œuvre d’une vie – tiens, la Wikipedia n’a pas jugé bon de sauter sur l’information), le violoniste et chef d’orchestre André Rieu (album de l’année), la violoniste Nicola Benedetti (artiste femme), le chef d’orchestre Vasily Petrenko (artiste homme), et le jeune pianiste Benjamin Grosvenor (prix des critiques), dont on peut lire ici un bel entretien avec lui et son frère atteint du syndrome de Downs. (Source)

[255] Rebecca, une tragédie musicale. Rebecca, chef d’œuvre de Daphne du Maurier qui a inspiré le film éponyme oscarisé de Hitchcock (qui s’est inspiré d’une autre de ses nouvelles pour Les Oiseaux), n’est pas qu’un drame de la jalousie, c’est aussi l’histoire d’une comédie musicale se transformant en tragédie financière : la tentative de montage à Broadway de son adaptation allemande par Michael Kunze (paroles) et Sylvester Levay (musique) s’avère être un fiasco causé par une arnaque monumentale et rocambolesque : les producteurs avaient payé plus de 60.000$ à un certain Mark Hotton, qui avait inventé de toutes pièces des investisseurs étrangers supposés leur apporter une aide financière de 4,5 millions de dollars. Selon ce « financier » qui utilisait des faux sites web et adresses électroniques, l’un de ces personnages imaginaires, Australien, aurait contracté la malaria lors d’un safari en Afrique et serait décédé juste avant d’effectuer le virement. N’y a-t-il pas là de la matière pour une nouvelle comédie musicale ? (Source)

[256] Cette soprano qui fait le trottoir… Amelia Feuer, jeune étudiante américaine à la Haute école de musique de Genève, se voit contrainte de trouver des moyens de subsistance – la vie n’y est pas donnée, dans ce coin de l’Europe – faute de financements. Elle chante donc dans les rues des classiques de l’opéra et des comédies musicales. Non seulement elle y trouve son compte – 120 francs suisses en quarante minutes, bien mieux qu’à Paris (mais les Français sont de grands radins) – mais elle considère cela comme une excellente expérience pour devenir ultérieurement soliste à l’opéra. Elle n’y aura pas besoin de micros cachés, comme certains… (Source)

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