“Adieu, Amsterdam, wel schooner stede…” (Anna Roemer Visscher)
Amsterdam. Plus de photos ici.
«Amsterdam, ville de 220,000 hab., partagée par l’Amstel et quantité de canaux en plusieurs parties dont la communication a lieu par 290 ponts. La ville est éclairée présentement en gaz. Parmi les villes commerçantes de l’univers elle tient le second rang, et elle est la plus riche en proportion de sa grandeur. (…) Promenades. Les grachtes ou grandes rues, les quais le long de l’Y, surtout du côté de Kattenbourg ; c’est de l’autre rive de l’Y que la ville se présente dans toute sa magnificence. Là, et sur les boulevards autour de la ville, au parc et dans les nombreux jardins publics, on voit une foule joyeuse lorsqu’il fait beau, tandis que des centaines de Yachts (bâtiments pour le plaisir de la navigation) semblent jouer avec les ondes de l’Y, du Pampus et du Zuidersee. Le Heeren-Gracht et le Keizers-Gracht au centre de la ville sont éclairés par du gas, tout comme le Prinzen-Gracht et la rue Kalverstraat ; les magasins des marchands y rivalisent à l’envi en magnificence et splendeur. Le pont de l’Amstel ; le Diemer-Meer, petit canton très-fertile, rempli de maisons de campagne et de fermes ; le nouveau plantage, les promenades en voiture au village d’Amstelveen et à celui d’Ouverkuk, ou en Treckschuits à l’auberge de het Kalfje, Ziebourg, Rozenbourg, etc. Les voitures dont le public fait usage à Amsterdam sont ou des carrosses de louage ou des sleeden, c’est-à-dire des coches ou caisses de voitures posées sur un traîneauou des demi- carrioles» attelées d’un cheval. On paye pour les premières 9 stuvres le jour et 12 stuvres la nuit. On va aussi introduire des omnibus. Le marché aux fruits et aux fleurs rempli des productions de Pomone et de Flore offre des charmes d’un genre particulier.
Le voyageur en Allemagne et en Suisse, à Amsterdam, à Bruxelles, à Copenhague, à Londres, à Milan, à Paris, à St. Pétersbourg, à Pesth, à Stockholm, à Venise et à Varsovie par M. Reichard, avec une description particulière des lieux de bains, de voyages, aux montagnes, de la navigation sur le Danube et sur le Rhin. Manuel à l’usage de tout le monde. Douzième édition, de nouveau rectifiée, corrigée et completée par F. A. Herbig. 1844.
De Grote of St. Bavokerk te Haarlem. Plus de photos ici.
«Amsterdam est composée du ramas de toutes les nations. On y trouve autant d’aventuriers et plus de matelots que partout ailleurs. Or ceux-ci sont les plus indisciplinés et les plus brutaux de tous les hommes ; ceux-là les plus fripons, les plus intrigans et les plus dangereux. Le levain des anciennes dissensions entre le parti aristocratique et le démocratique fermente encore dans cette grande ville. On y professe plus de trente religions diverses : les prosélytes nombreux de ces sectes, émules l’une de l’autre, suivent et prêchent, presque dans les mêmes lieux, les dogmes et les rites de leur croyance. Que d’étincelles qui pourraient produire les plus terribles embrasemens ! Cependant cette cité est habituellement (et abstraction faite de quelques émotions populaires qu’excitent deux fois en un siècle les prévarications des municipaux ou les intrigues des factions), cette cité, dis-je, est la plus paisible de toutes les grandes villes, et cela sans lettres de cachet, sans inspecteurs ni exempts de police, ni commissaires de quartier, ni toute cette race de délateurs qui infeste notre capitale et nous fait trembler au sein de nos foyers domestiques, ni emprisonnemens arbitraires et indéfinis, ni punitions extra-judiciaires, ni enfin tout ce qu’osent les rois. Nul bourgeois ne saurait être arrêté dans sa maison, même pour le forfait le plus atroce, que tout le corps de la magistrature ne s’y transporte, et n’atteste ainsi solennellement que l’accusation est réelle, et que l’accusé sera légalement absous ou condamné. Par quelle magie peut-on produire des effets si merveilleux ? Par le seul secours des lois, par leur exécution constante, rigide, inflexible. Tout citoyen sait, dans cet heureux pays, qu’il est homme aussi bien que le premier des magistrats. Il ne compte pas sur l’impunité : il ne craint point l’oppression. Rien ne l’excite donc à la méchanceté, et tout l’invite à la paix. Aucune secte ne prévaut, aucun sectaire n’ose se faire remarquer, parce que la puissance civile les traite tous avec la même impartialité; et que, loin de fomenter les haines et d’autoriser la persécution, le magistrat s’y oppose de tout son pouvoir; parce qu’il réprime le prosélytisme, et punit toute action qui trouble la société, quelle que soit la religion du délinquant; parce qu’il contient les prédicans dans des limites très-étroites; parce qu’enfin, en bornant les ministres de la religion dominante à la desserte de leurs églises, il a eu grand soin de rendre leurs places plus pénibles que lucratives, et de leur défendre de parler en public» de ce qui intéresse l’ordre du gouvernement. La puissance temporelle, dominant absolument sur la spirituelle, conserve aux Hollandais, avec une infatigable vigilance, l’héritage précieux de la tolérance que leurs pères ont payée de leur sang.
Mirabeau, Des lettres de cachet et des prisons d’État. 1835