Embargo americain sur le savoir
Le journal Le Monde (et d’autres avant, en anglais) reporte l’injonction du ministère des finances américain aux éditeurs selon laquelle « toute édition de contenus provenant des pays sous embargo américain (Soudan, Libye, Iran, Cuba, Corée du Nord) devait être soumise à une autorisation préalable de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), la division chargée de veiller à la stricte application des sanctions commerciales. »
Si certains éditeurs – L’American Institute of Physics, l’American Physical Society et l’American Association for the Advancement of Science (AAAS) qui édite la revue Science – refusent de s’y plier, en invoquant le premier amendement de la constitution américaine, d’autres, notamment l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), société savante importante, ont accepté ces directives. Celles-ci s’inscrivent dans la lignée de la politicisation à outrance de la recherche par l’administration actuelle aux Etats Unis, et notamment depuis le 11/9/2001.
Cette politique ne touche donc pas que les chercheurs américaine – la communauté de chercheurs étant, par sa nature, internationale –, mais nous tous directement, et non pas uniquement par sympathie avec nos collègues d’outre-Atlantique. Quelles limites à ce type de déchaînement sécuritaire ? Nos collègues dans les bibliothèques américaines devront-ils retirer de leurs fonds les ouvrages soumis à cet embargo ? Les sociétés savantes internationales ayant une branche aux US ne pourront-elles plus organiser des conférences dans ces pays (j’ai en mémoire la conférence internationale sur l’informatique musicale, qui s’est tenue à La Havane… en septembre 2001, justement – quel danger pour l’économie américaine.. !) ? Pourrons-nous continuer à diffuser aux US des actes de conférence – édités en France, par exemple – mais contenant des contributions de « pays sous embargo », ou faudra-t-il en retirer les pages auparavant, en effacer les mentions dans les index. En bref, revient-on à l’état de siège permanent décrit par George Orwell dans son roman 1984 ?
[Publié à l’origine dans Biblio-FR]