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5 mars 2006

« Tout doit sur Terre / Mourir un jour »

Classé dans : Musique — Miklos @ 22:22

« Voix au timbre grave mordante et chaude comme la vibration d’une corde de violoncelle » (Vicomte de Vogüé : Les morts qui parlent)

Tous les quatre ans, à Paris, le con­cours de violon­celle Rostropovitch accueille des candi­dats du monde entier, toujours en pré­sence du maître. Les éditions précé­dentes ont déjà révélé de nombreux artistes désor­mais reconnus comme Han-Na Chang ou Tatjana Vassilieva. Arte propose (redif­fusion le 11 mars à 8h) de décou­vrir des extraits de l’édition 2005, avec de jeunes musi­ciens qui inter­prètent notam­ment les Suites pour violoncelle seul de Bach. Avec, pour clore la remise des prix, un grand concert des lauréats accom­pagnés par l’Orchestre de Paris. Diman­che 12 mars à 19h, Arte dif­fusera le Concerto pour violoncelle de Schumann, interprété par Mischa Maïsky lors du Festival de Verbier en 2003.

Le son du violoncelle, « déchirant et pro­longé, mélan­colique et cares­sant » (Huysmans), procure souvent une sensation particulière, une émotion profonde, bien plus personnelle que celle des autres instru­ments : l’attaque, le timbre, la vibration et la résonance font écho à des voix chères enfouies en nous, qui d’un parent, qui d’un ami. Lorsqu’il s’éteint, on croit en entendre encore le souvenir éva­nescent, comme suspendu dans l’air. Tendre et puissant, sérieux ou triste et parfois léger et enjoué mais toujours sur un fond de gravité, il exprime toute sa richesse, que ce soit dans la musique de chambre ou en soliste dans le concerto : Vivaldi, Haydn, Beethoven, Schumann, Brahms, Saint-Saens, Bruch, Dvořák, Fauré, Elgar, Vaughan Williams, Bloch, Hindemith ou Britten ont écrit des pages splendides pour l’instrument, et les plus grands interprètes n’ont pas manqué de les honorer : Pablo Casals, Emmanuel Feuermann, Jacqueline Du Pré, Gregor Piatigorsky, Mischa Maïsky, Leonard Rose, Janos Starker, Paul Tortelier…

Ce répertoire culmine certainement en un sommet de la musique, les Six Suites pour violoncelle seul de Bach, « quintessence de la création de Bach […] lui-même quintessence de toute musique » (Casals) où la voix de l’instrument, seule ou démultipliée en une extraordinaire polyphonie, s’adresse à notre for intérieur en des monologues et des conversations à deux. Si ce sont des études composées de mouvements de danse stylisés, eh bien ce sont des chefs-d’œuvre sublimes, dont l’interprétation historique de Casals (que j’ai eu la chance d’entendre live et que l’on peut écouter ici) est une référence inoubliable, sans pour autant invalider des approches plus contemporaines.

Ce sont trois de ces suites – la deuxième en ré mineur, la troisième en ut majeur et la sixième en ré majeur – qui ont été le prétexte musical au ballet In den Winden im Nichts de Heinz Spoerli, directeur du Ballet de Zurich qu’on a pu voir – et entendre, avec la belle interprétation en live du violoncelliste Claudius Hermann – hier au Châtelet. La toute première image a donné le ton pour la scénographie du reste du spectacle, sobre et abstrait : un immense rideau noir tombait simplement des cintres sur toute la largeur de la scène tout en ménageant une ouverture dans laquelle se tenait un danseur simplement habillé en un tricot de corps et un slip de la même couleur, une lance à la main. À le voir ainsi, on ne pouvait s’empêcher de penser au Doryphore de Polyclète ou à ce dessin de cet autre grand génie, Leonard de Vinci – ce que soulignera, plus tard, le grand cercle qu’on verra sur le mur du fond de la scène. Le solo du tout premier Prélude était, comme de nombreux moments du reste du spectacle, une vraie prouesse physique, à tel point qu’on se serait cru devant un mouvement de gymnastique plutôt que de ballet, souligné par la musculature athlétique du danseur. Puis, selon les mouvements, se sont succédés des pas de deux, de trois ou de quatre, des interventions de tout le corps de ballet, alternant avec d’autres soli.

C’est d’évidence de la danse classique, ou néo-classique : les postures des corps (voire même leur scultpure !), les pas, les enchaînements, les entrées et les sorties. Cela n’empêche pas d’innover – les possibilités de combinaison des gestes, même codifiés, sont infinies –, et Spoerli ne manque parfois pas d’humour, même si, finalement, il est difficile de garder l’attention durant le spectacle (qui ne dure que 1h15), particulièrement durant la première Suite, hésitant entre un certain académisme maniéré et un esprit cool, froid et détaché. Ce sont surtout les mouvements unisexe (pour hommes uniquement, ou pour femmes uniquement) et ceux pour tout le corps de ballet où l’intérêt et l’excitation repartent : le Prélude de la Suite n° 6, dans lequel les mouvements d’ensemble sont superbement désynchronisés à l’œil tout en faisant écho à chaque note de la musique en était un très bel exemple. Les danseurs sont presque toujours irréprochables tout au cours du spectacle, tout comme la scénographie et les costumes. Mais finalement, c’est la musique qui reste, après que la dernière note se soit éteinte.

À voir :
Base de données de violoncellistes

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