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19 septembre 2011

Un grave problème, une interrogation aiguë et la culture sur France 2, ça craint, surtout l’matin

Classé dans : Actualité, Langue, Médias — Miklos @ 15:37

La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux:
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.

Pour raconter son infortune
À la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.

Mais aucune réponse, aucune,
À ses longs appels anxieux !
Et, le cou tendu vers les cieux,
Folle d’amour et de rancune.
La biche brame au clair de lune.

Maurice Rollinat

Le musée de la chasse – ce sport où une meute d’êtres humains poursuit un animal aux abois – avait hier ouvert les portes de sa cour au public, journées du patrimoine oblige.

On pouvait y admirer un enclos dans lequel des chiens de chasse, qui semblaient avoir atteint depuis quelques lustres l’âge de la retraite, étaient avachis les uns sur les autres, le regard mélancolique. Des bois de cerf décorés d’un cor de chasse étaient suspendus au grillage élevé qui entourait ces pauvres bêtes destiné sans doute à les empêcher de se précipiter à la poursuite de quelque voiture qui passerait dans la rue avoisinante, à défaut de sanglier.

Dans le fond de la cour, on pouvait voir des photos de lièvres en train de s’enfuir ; il n’y manquait que l’argumentaire consistant à démontrer l’utilité de ces activités cynégétiques autant pour la santé des hommes et des chiens que pour la « régulation » de la population des léporidés et autres envahisseurs de nos forêts profondes où on entend le coucou qui répond au hibou, c’est fou, hein.

Mais c’est un autre panneau – et un dépliant qui en reprend les termes – qui a attiré notre curiosité : intitulé La Vènerie, créatrice de patrimoine depuis plus de 1000 ans, il détaille les contributions de ce sport aux arts décoratifs (tout en oubliant de mentionner les trophées, parties ou tout d’animaux tués, qui décorent de belles maisons), à la littérature (ils auraient pu citer par exemple le poème en exergue), à la peinture (ces fameuses natures mortes où les animaux qui y sont représentes sont bien morts, ou les scènes de hallali) ou au langage. Il y manquait évidemment la musique (même s’ils parlaient de « la trompe de vènerie », sic) – quid du Freischütz de Weber (splendide, il faut le reconnaître), par exemple ?

C’est surtout le langage qui nous interpelle ici. D’abord, leur brochure orthographie ce mot ainsi :

On constate l’influence hésitante de la mondialisation, et plus précisément de l’anglais, sur leur écriture (language/langage), eux pourtant qui se targuent de préserver le patrimoine national.

Mais on est surtout intrigué par un détail bien plus grave, un problème aigu :

Selon la ligne, on trouve « vènerie » (accent grave) ou « vénerie » (accent aigu). Même s’il y avait deux façons d’écrire ce mot (ce qui n’est pas le cas), il aurait fallu s’y tenir à l’une des deux. Au moins dans le même document. Ou sinon, dans le même paragraphe. Ça donne le tournis, à force. Regardez la forme qu’a pris la trompe !

À l’origine, ce mot – dérivé du verbe (désuet) vener (chasser à courre), s’écrivait sans accent, venerie. C’est au XVIIe siècle qu’apparaît le é (et donc bien avant 1740, date que signale le TLFi) : on le trouve en effet déjà dans les éditions successive du dictionnaire de Pierre Richelet : vénérie (Dictionnaire françois, 1680), puis vénerie (Nouveau dictionnaire françois, 1694) ; c’est cette forme qui s’imposera (sauf au musée de la chasse).

Cette tendance à remplacer erronément un é par un è se retrouve dans événement (orthographe classique), souvent transformé en évènement, du fait de la prononciation de la seconde syllabe () avec un timbre ouvert (et donc différent du é initial), pour des raisons qu’explique le TLFi. C’est (malheu­reusement ou non, selon ce qu’on pense de l’évolution du language, pardon, de la langue) l’orthographe qui semble s’imposer de nos jours.

Pour en finir avec la vénerie, on rappellera à nos fidèles et assidus lecteurs les lignes qu’Akbar avait consacrées à la fort intéressante Vènerie Vénerie royale de Turin, qu’il avait visitée en compagnie d’Anna.

À propos de langue, on ne peut s’empêcher de citer in extenso un extrait du Télématin du jour, qu’on commentera après :

Nathanaël de Rincquesen, lisant le texte qu’on a dû lui préparer : on termine sur une belle image, William, et une bonne note aussi, pour ce qui est plutôt un exploit, en voyant ces 4645 mélomanes taïwanais réunis dans un stade pour jouer la même partition. Attention, ils ont interprété le célèbre Ode à Changhua, sous l’œil intéressé et l’oreille avertie des observateurs du livre des records qui se sont tous accordés à dire qu’écouter 4645 archets qui s’agitent, ça craint.

William Leymergie, imperturbable : Deux fois.

NdR, interloqué : Ça craint… ?

WL : « Ça craint » deux fois.

NdR : Ça craint deux fois ?

WL : Ça crincrin.

NdR, l’air tout aussi perdu : Ah ! d’accord.

WL, mdr : Non ? Oui ?

NdR, encore plus paumé : C’est moi qui crains, c’est ça ?

WL, encore plus mdr : Non non, pas du tout ! Je disais : ça crincrin, quoi. Voilà, bravo !

NdR, résigné : Bon écoutez, on fera mieux demain.

Comme quoi, si on se résigne à ce que les nouvelles générations ne connaissent plus l’orthographe, on peut s’étonner qu’elles ignorent aussi le bon vieil argot français. Quant à cette célèbre Ode de nous inconnue, on a vérifié : en fait, le Taiwan Today (qui devrait savoir) indique qu’ils ont joué trois œuvres d’un compositeur taïwanais, Arbin Yang : Le Concerto de Changhua, À la Gloire de Changhua, et La Joie des jeux nationaux. Pas plus d’ode (qui, en passant, est féminin, même quand on parle de l’autre Chine, cher Nathanaël) que de cheveu sur la tête à… On précisera tout de même que c’est la CNA (Central News Agency, l’agence de presse taïwanaise) qui a intitulé l’une des œuvres (on suppute que c’est la seconde) Ode à Changhua.

Un commentaire »

  1. Merci pour les lapins !

    Commentaire par francois75002 — 19 septembre 2011 @ 16:09

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