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26 janvier 2008

Ils ont osé

Classé dans : Musique — Miklos @ 20:53

Si d’aucuns – dont nous ne faisons pas partie – doutaient de la capacité du Théâtre de la Ville à se renouveler, à innover et à nous surprendre, c’est bien le concert de cet après-midi qui les aura détrompé. L’heure de son début – 15h au lieu de l’habituel 17h – aurait dû leur mettre la puce à l’oreille, mais la liste des interprètes était tout ce qu’il y a de plus rassurant, pour ce créneau qui attire en général un public d’un certain âge et d’un certain milieu social : un ensemble baroque et trois solistes (deux violonistes, une pianiste) ; or le spectacle, tricoté avec une grande originalité qui s’est révélée au fil du concert, a duré plus de trois heures, et le clou, caché sous un titre baroque innocent (« Chaconne »), en a été une splendide œuvre contemporaine pour le piano, ce qui démontre que les organisateurs n’appréhendaient pas les vapeurs ou les syncopes des habitués.

Le programme était composé en forme de triptyque, dont la pièce centrale – et maîtresse, à tous égards – était la jeune pianiste bulgare Plamena Mangova, qui, à 27 ans, a tout pour devenir une Birgit Nilsson du piano : coffre, puissance et énergie illimitées, virtuosité sans faille, jeu exsudant passion et générosité. La pré­cé­daient la violoniste baroque Amandine Beyer et son ensemble Gli Incogniti, dans un programme de concerti pour violon, cordes et basse continue de Vivaldi et de Bach joués avec entrain et virtuosité. Mais on a plus apprécié l’ensemble que la soliste malgré sa maîtrise de l’instrument – est-ce dû à l’acoustique de la salle ou à la nature de son violon ? – il nous a paru parfois acide ou aigre, limite dissonant et légèrement instable par rapport aux musiciens l’accompagnant.

La seconde partie, avec Plamena Mangova seule au piano, faisait écho, autant par le thème de la première œuvre (des variations de Beethoven sur une aria de Salieri) que le titre de la dernière (la Chaconne de Sofia Goubaï­doulina) à celles, baroques, qui avaient ouvert le concert. Rien de plus différent. L’interprétation du Beethoven initial en annonçait la couleur : pensif, introverti, léger, dansant, virtuose, ténébreux, haletant… Mais ce sont les œuvres suivantes, de plein pied dans le roman­tisme, l’expres­sion­nisme et le contemporain russe : la Valse-caprice n° 6 de Liszt (sur des lieder de Schubert), la transcription de la Mort d’Isolde de Wagner par Liszt, et finalement cette magnifique et décoiffante Chaconne de la compositrice russe Sofia Goubaïdoulina, née en 1931 : s’il ne fallait retenir qu’une seule œuvre de ce concert (ce qui serait dommage), ce serait bien celle-ci, courte (7-8 minutes) aux sonorités, timbres, tonalités et rythmes chatoyants, surprenants, exhilarants. Alliant un jeu solide et stable à un souffle puissant, maîtrisant parfaitement les passages wagnériens déchaînés de ces œuvres et passant de façon fluide d’un extrême à l’autre des registres, Mangova a fait montre d’un jeu plus retenu – comme il se doit – dans le Nocturne de Grieg qu’elle a donné en bis.

La partie centrale du concert était aussi en rapport avec celle qui le clôturait, elle-même en rapport symétrique avec la première, puisqu’on y retrouvait Plamena Mangova qui y accompagnait une jeune violoniste soliste, Alena Baeva. Là aussi, des œuvres romantiques, mais plus introverties (sonates de Schubert et de Brahms pour violon et piano) et, pour aider ceux qui auraient été quelque peu chavirés par le programme remuant à se remettre, La Campanella de Paganini arrangée par Kreisler suivie d’une Mélodie de Tchaïkovski en guise de rappel. Le jeu précis, lyrique et arrondi de Baeva – auquel on pourrait reprocher de n’avoir pas été assez nuancé et incisif, à certains moments (mais à 22 ans elle a toute sa carrière devant elle) – contrastait avec celui de Mangova, qui avait parfois du mal à se retenir, à l’étroit dans son rôle d’accompagnatrice. C’est cette dernière qui a été la charpente de ce concert dont on est sorti enchanté et tout guilleret, des mélodies plein la tête.

2 commentaires »

  1. J’ai aussi trouvé que la première partie n’était pas vraiment indispensable au concert, et que l’ensemble était trop long. J’ai aussi trouvé que la beauté de la violoniste (la jeune) pouvait empêcher de vraiment apprécier son jeu, c’est un peu paradoxal mais c’est comme ça que je l’ai vécu. Pour la pianiste, c’est le sens musical qui m’a impressionné, je craignais que ses démonstrations de virtuosité se fassent à son détriment, mais ce n’était pas le cas.

    Commentaire par francois75002 — 27 janvier 2008 @ 22:03

  2. La première partie fait sens dans la logique « triptyque » de la programmation, mais il est vrai qu’en comparaison, après avoir entendu les deux autres parties, celle-ci pâlissait en comparaison, non pas par la qualité des oeuvres, mais simplement par le contraste instrumental.

    Quant à la durée du concert : ce n’est, me semble-t-il, que dans l’occident moderne que les concerts se sont formattés pour ne durer « que » 2h environ (et les films 1h40), ce qui est bien moins long qu’un opéra par exemple ou que les concerts aux XVIIIe et XIXe s. Auparavant, ils pouvaient comprendre plusieurs symphonies, des ouvertures, des arias… ainsi, le 13 mars 1785, Mozart dirige un concert comprenant la création de Davide Penitente, des arias et des choeurs de Leopold Gassmann, et un concerto pour hautbois.

    Commentaire par Miklos — 27 janvier 2008 @ 22:31

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