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8 avril 2012

Vache de fiançailles !

Classé dans : Cinéma, vidéo — Miklos @ 15:05

Si vous avez aimé Luna Papa, le film tadjik de Bakhtiar Khudojnazarov (1999), vous adorerez El Chino, la comédie dramatique argentine de Sebastián Borensztein. Si vous ne les avez vus, précipitez-vous sur le second avant qu’il ne lui arrive le sort du premier (qu’on peut heureu­sement voir intégralement – pour le moment – sur YouTube), sa rapide disparition de nos écrans.

Outre le même événement inimaginable et fondateur (on n’ira pas jusqu’à en faire une lecture mythologique) qui s’y retrouve – une vache tombée du ciel tue Alik, fiancé de Mamlakat dans le premier, tandis que dans le second, une autre vache, elle aussi tombée du ciel, tue la fiancée de Jun au moment où il s’apprête à la demander en mariage –, ces deux films allient avec finesse et délicatesse sensibilité et humour, sont joués par des acteurs qui collent si bien à leurs personnages issus de milieux très modestes et de cultures traditionnelles très variées et étrangères à la modernité uniformisante – des archétypes, en quelque sorte –, et nous montrent, notamment dans le premier pour l’Asie centrale, mais aussi dans le second pour le Fujian et l’Argentine, des paysages splendides et globalement une très belle photo sans sombrer dans l’esthétisme ou le maniérisme. Dans El Chino, le premier plan, qui se passe sur une rivière en Chine bordée d’immenses rizières vertes avec, au loin, des montagnes embrumées, n’est pas sans rappeler le shanshui chinois, montagne et eau. Idyllique, il sera le siège d’une scène tragique dont l’aspect incroyable ne peut empêcher le spectateur de rire, tout en étant horrifié. Sans transition, on se retrouve dans une rue devant la façade d’une modeste quincaillerie, où le seul élément végétal est un arbre planté solidement au milieu de l’image. Qui est inversée, la tête en bas. Normal, on est passé aux antipodes, en Argentine. Lentement, l’image se redresse.

Cette quincaillerie appartient à Roberto (un Ricardo Darín formidable, lui qu’on a connu dans Les Neuf Reines), un bel homme dans la force de l’âge, ronchon, honnête – jusqu’à compter les clous dans les boîtes où ils lui sont livrés en gros et râler quand il en manque, mais qui en donne toujours plus à ses clients sauf quand ils sont des hijos de puta – bosseur, généreux sans le paraître, homme de peu de paroles si ce n’est quand il explose dans une bordée d’injures exprimant sa frustration devant les injustices ou sa surprise devant l’inattendu. Il paraît imperméable au sentiment amoureux, et ne réagit pas aux avances que lui fait la belle et jeune Mari, est-ce parce qu’il est si fidèle à la mémoire de sa mère, morte à sa naissance, ou parce qu’il est étranger à ses propres sentiments ? Pour seule distraction il découpe dans de vieux journaux des articles concernant des faits divers incroyables (il y a une bonne raison à cela), tel l’histoire de ce coiffeur tué par une barre de fer qui avait transpercé la devanture de son échoppe tandis qu’il était en train de raser un client qui s’en retrouve égorgé – et à la lecture desquels il s’imagine en être l’acteur (et dans ce cas, l’égorgé un de ses vrais clients qui l’exaspère au point qu’il le jette à la porte de sa quincaillerie).

Juan, le jeune chinois dont la fiancée a été tuée par cette vache tombée du ciel, tombera lui aussi du ciel, en quelque sorte (même s’il a dû descendre normalement d’un avion) dans ce petit monde où il ne se passe rien que du quotidien, venu chercher son seul proche, un oncle installé en Argentine. Dépouillé et abandonné par le chauffeur de taxi qui l’emmenait de l’aéroport, il sera recueilli par Roberto qui était en train de picniquer au bord de la route. Et c’est la confrontation de ces deux univers qui n’ont même pas un mot en commun, et dont le langage corporel est aussi étranger, que décrit ce film avec sensibilité et humour. Ce n’est pas que ce manque de communication qui frustre Roberto, si parcimonieux de paroles en général et qui doit faire des efforts surhumains pour tenter de se faire comprendre, mais le fait même que cet ours solitaire se retrouve vivre, pendant un temps, avec le jeune homme qu’il a recueilli, un parfait étranger, dans tous les sens du terme, et qui causera d’ailleurs une catastrophe. Qui s’avèrera être, comme d’autres dans ce film, salutaire, voire providentielle.

Qu’on se rassure : tout est bien qui finit bien, et la toute dernière scène du film fait d’ailleurs un clin d’œil fort amusant à la toute première.

Quant au curieux événement en question dans ces deux films, il a bien eu lieu en 1997 (et non pas en 2007 comme l’indique le site de Canal Plus).

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