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16 février 2008

Le voyageur sans bagages

Classé dans : Récits — Miklos @ 9:04


René Magritte : L’Empire des lumières (détail), 1954.
Il est assis sur un banc adossé à une petite maison en pierre de taille. Il aperçoit du coin de l’œil quelques marches à sa droite. Elles mènent du quai à une porte vitrée à deux battants. Elle est ouverte et gémit lorsqu’elle oscille sous un coup de vent. Il pourrait la toucher s’il tendait le bras. La poignée de fer blanc pend, comme fatiguée d’avoir été trop souvent sollicitée. Il sent sous ses pieds les pavés inégaux du sol qui s’étend jusqu’à la voie. Plus loin à gauche, un poteau signale l’avant du train. Ici et là, une touffe d’herbes rabougries émerge péniblement du ballast gluant. De l’autre côté, une barrière de bois blanc craquelé longe les rails. Un champ de tournesols éblouissants s’étend jusqu’à l’horizon régulièrement bordé d’ifs. L’une des fleurs, échappée de ses compagnes, traverse impavide le ciel bleu. Aucune ombre au sol. Le crissement incessant des grillons ne trouble pas le silence. L’homme attend.

Un sifflement strident retentit soudain et s’éteint tristement. Une locomotive ahanante ralentit. Un train est à l’arrêt devant lui. Des volutes de fumée s’élèvent vers le ciel comme pour y fixer un nuage blanc. Une cloche tinte, la voie est vide. Au loin à gauche les claquements saccadés s’accélèrent et s’estompent. Sur le quai, une dame voûtée se dirige lentement vers le bâtiment. Sa canne tâte avec précaution le sol irrégulier. Toute vêtue de noir, elle porte une petite valise de cuir marron. Une auréole de cheveux blancs entoure son chapeau. Une voilette recouvre le haut de son visage. Elle disparaît. L’homme attend.

Il fait nuit. À gauche, un réverbère éclaire faiblement la gare. Son halo jaunâtre ne dépasse guère le banc. Tout le paysage se dessine pourtant très distinctement. Sous l’œil de la lune laiteuse, les silhouettes et les ombres, comme découpées au rasoir, se confondent. Un train passe rapidement sans s’arrêter. Entre les rideaux écartés de l’une des fenêtres, il aperçoit, fugace, le visage d’une jeune femme qui le regarde intensément, comme si le temps s’était arrêté. Mais il n’y a plus personne. La voie est vide. Sans passé, sans futur, il attend.

Un commentaire »

  1. Ils échangèrent un regard
    elle attendit, lui le vit.
    Entre les deux le silence
    prit corps et sens;
    la fiction de l’amour dit,
    pouvait s’entendre émettre

     » C’est pour la vie  »

    Le train entrait en gare
    ( dans la mémoire d’Antoine…)

    Commentaire par Gilles Moreno — 16 février 2008 @ 11:12

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