Je ne suis pas docteur
Abraham Bosse : le médecin et le clystère
Quand j’étais petit, je rêvais de l’être. Entre la médecine, les mathématiques et la musique mon cœur balançait dès ma plus tendre enfance. J’ai étudié avec délectation la seconde option et me retrouve dans la troisième, et ce n’est pas faute d’avoir toute une branche de ma famille inscrite dans la première. À défaut du caducée, le titre universitaire ne m’aurait pas déplu (même si, dans certains pays, on dirait qu’il est utilisé comme prénom). La chance a voulu qu’une ouverture musicale se présente au moment où je m’acharnais sur une thèse que je laissai alors tomber sans hésiter pour me lancer sans regret dans la direction qui s’offrait à moi par un de ces hasards dont la probabilité est nulle et qui, pourtant, émaillent – ou plutôt illuminent – mon parcours avec une fréquence tout aussi improbable. Même si toute mère juive rêve, dit-on, que son fils soit médecin ou avocat, la mienne a été heureuse que je trouve mon bonheur à ma façon.
Ce titre semble pourtant exercer une fascination qui incite à des démarches peu orthodoxes, c’est le moins qu’on puisse dire, pour l’obtenir ou pour s’en affubler. Qui a étudié à l’université Cornell dans les années 80 se souviendra sans doute d’un jeune étudiant brillantissime de 24 ans, auteur d’un nombre impressionnant d’articles scientifiques et qui avait proposé une théorie révolutionnaire de la carcinogénèse. On prédisait déjà un Nobel à cet élève de l’éminent Efraim Racker, homme au-dessus de tout soupçon. Or il s’avéra que ce jeune homme fort sympathique et discret (je peux en témoigner) avait falsifié les résultats de ses expériences de laboratoire pour correspondre à ses théories. Il dut quitter l’université en retirant sa thèse, ce qui ne manqua pas de faire scandale. C’était loin d’être d’ailleurs un cas unique, alors comme maintenant. Plus tragique est l’affaire du faux médecin qui avait prétendu travailler à l’OMS pendant des années et fini par assassiner sa famille.
Mais pourquoi se fatiguer à falsifier ou à affabuler, quand il existe de nombreux sites où l’on peut s’acheter un doctorat en ligne pour une somme modique, démarche plus rapide (« Earn A Degree In 7 Days ») et économique (« 100% Legal PhD Degree. Buy Online And Get $180 Of Free Gifts ») que le long et pénible parcours universitaire jonché de thèses qui n’en finissent pas ?