Life in Hell : questionnement métaphysique
« Une chose parfaite est celle qui a un commencement, un milieu et une fin. (…) Or la fin est tout ce qu’il y a de plus important. » — Aristote, Poétique (VIII.3, VI.12)
« Tout est dans la fin ». — Gérard de Nerval (carnet trouvé sur son cadavre avec la suite du Rêve)
« C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau. » — Charles-Ferdinand Ramuz, Adieu à beaucoup de personnages
Il fait beau. Akbar déjeune seul (Jeff chante) à la terrasse de son restaurant favori et déguste son menu préféré, tartare de saumon et verre de vin blanc, dont il avait été privé, pour raisons historiques, pendant la semaine passée.
Il se lève pour payer. Une dame s’approche, et lui demande, avec un délicieux accent américain : « Vous êtes fini ? »
Qu’aurait pu répondre Akbar à une telle question sans entrer dans d’inévitables considérations philosophiques sur sa fin qui auraient moins intéressé à ce moment, la cliente que sa propre faim ? Qu’il eusse fallu le demander à sa mère, chargée de sa conception qui lui semblait pourtant arrivée à terme depuis sa naissance ? Que son tailleur aurait pu la renseigner sur la finitude de sa circonférence pourtant croissante ? Que son employeur précédent n’était pas arrivé à le liquider, malgré ses tentatives ?
Il ne restait qu’une personne capable de la renseigner sur ce point. Akbar répondit : « Veuillez demander au serveur. » Conseil qu’elle s’empressa de ne pas suivre pour occuper immédiatement la table récemment libérée. Ils n’avaient pu le faire en 1944, ils le firent aujourd’hui.
Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.