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17 juin 2012

De Sainte-Colombe à Cat Stevens avec un détour par Sainte-Beuve

Classé dans : Littérature, Musique — Miklos @ 14:22

Les nostalgiques des sixties auront plaisir à réécouter cette chanson mélancolique de Cat Stevens dont la mélodie, l’orchestration et le titre My Lady D’Arbanville font plus penser à la musique élisabéthaine qu’à la pop – même soft – américaine. En fait, le titre était très contemporain à sa composition (1970) et n’avait rien de poétique ni de métaphorique, puisqu’il s’agissait de Patti D’Arbanville – modèle et starlette découverte par Andy Warhol – que Cat Stevens fréquentait alors depuis plus d’un an. Il la décrit couchée dans sa tombe, froide et silencieuse, tandis que lui l’aimait et ne pouvait l’oublier. Non pas qu’elle était morte, mais elle était partie pour un mois à New York, seule. Il s’était senti abandonné, et avait compris que leur relation s’achevait.

Quant aux amateurs de musique baroque, cet air de Cat Stevens leur rappellera sans aucun doute la Fantaisie en rondeau de Mr de Sainte-Colombe le Fils – que l’on peut entendre ci-dessous dans la très belle interprétation qu’en donne Jordi Savall dans le disque Les Voix humaines qu’il faut écouter et réécouter –, fils bien moins connu que son père et non pas uniquement pour le roman de Pascal Quignard et le film qu’en a fait Alain Corneau, Tous les matins du monde. Selon certains chercheurs, le premier des deux ne serait pas le père du second (on trouvera ici quelques informations au sujet des Sainte-Colombe). Quoi qu’il en soit, ce fils putatif se serait installé en Angleterre, pays d’origine de Cat Stevens quelque 250 ans plus tard.

Peu d’informations existent sur l’origine du nom de famille de Patti. Son père se serait appelé George D’Arbanville né « vers 1916 » et aurait été barman. Un George D’Arbanville, vétéran de l’armée américaine et né en 1912, est enterré dans un cimetière national américain. Ce nom semble particulièrement rare, on n’a trouvé qu’une brève mentionIn Itinéraire complet de la France, ou, Tableau général
de toutes les routes et chemins de traverse de ce royaume.

Paris, 1788.
d’un « ham. et chât. d’Arbanville » dans la région parisienne, à proximité de Guetreville, d’Intréville et de Rouvray – il doit s’agir de l’actuelle Rouvray-Saint-Denis.

Le nom d’Arbouville est par contre plus répandu : il semblerait que les deux seules passions de la vie de Sainte-Beuve aient été Mme Victor Hugo et Sophie de Bezancourt Loyré, comtesse d’Arbouville, femme de lettres (on peut lire ici quelques-uns de ses poèmes). Voici ce qu’en dit Léon Séché, dans son introduction à Madame d’Arbouville d’après ses lettres à Sainte-Beuve, 1846-1850 (Mercure de France, 1909) :

Mais la seconde [passion] dura plus longtemps que la première, précisément parce qu’elle ne fut pas entièrement satisfaite, et ce ne fut pas de sa faute si elle ne dura pas davantage encore. Si Mme d’Arbouville avait pris Sainte-Beuve au mot et lui avait cédé, lorsqu’il lui disait que, « pour que l’amitié entre homme et femme soit durable, il faut qu’à un moment aussi court, aussi fugitif que l’on voudra, il y ait eu abandon et faiblesse », elle n’aurait probablement pas été aimée et désirée durant dix ans durant, comme elle le fut ! C’est toujours l’histoire d’Elvire : l’amour pur, qu’on le veuille ou non, est le seul qui ait chance de laisser à l’homme – pourvu qu’il ait le cœur haut placé – un souvenir, des regrets éternels.

On serait curieux de savoir si Sainte-Beuve a écrit après 1850, année du décès de son grand amour, un Ma Dame d’Arbouville la décrivant couchée dans sa tombe, froide et silencieuse.

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