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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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4 juin 2013

L’homme et son ombre

Classé dans : Littérature, Photographie — Miklos @ 18:24


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L’homme qui a perdu son ombre

« Monsieur daignera-t-il excuser mon importunité, si, sans avoir l’honneur d’être connu de lui, j’ose me hasarder à l’aborder. J’aurais une humble prière à lui faire. Si Monsieur voulait me faire la grâce… – Mais, au nom de Dieu, Monsieur, m’écriai-je en l’interrompant dans mon anxiété, que puis-je pour un homme qui… » Nous demeurâmes courts tous les deux, et je crois que la rougeur nous monta également au visage.

Après un intervalle de silence, il reprit la parole : « Pendant le peu de moments que j’ai joui du bonheur de me trouver auprès de vous, j’ai, à plusieurs reprises… Je vous demande mille excuses, Monsieur, si je prends la liberté de vous le dire, j’ai contemplé avec une admiration inexprimable l’ombre superbe que, sans aucune attention et avec un noble mépris, vous jetez à vos pieds… cette ombre même que voilà. Encore une fois, Monsieur, pardonnez à votre humble serviteur l’insigne témérité de sa proposition : daigneriez-vous consentir à traiter avec moi de ce trésor ? Pourriez-vous vous résoudre à me le céder ? »

Il se tut, et j’hésitais à en croire mes oreilles. « M’acheter mon ombre ! il est fou », me dis-je en moi-même, et d’un ton qui sentait peut-être un peu la pitié, je lui répondis :

« Eh ! mon ami, n’avez-vous donc point assez de votre ombre ? Quel étrange marché me proposez-vous !… » Il continua : « J’ai dans ma poche bien des choses qui pourraient n’être pas indignes d’être offertes à Monsieur. Il n’est rien que je ne donne pour cette ombre inestimable ; rien à mes yeux n’en peut égaler le prix. »

Adalbert von Chamisso : Histoire merveilleuse de Pierre Schémihl. Jules Tardieu, Éditeur, 1864.

Paysage mortel

L’oiseau n’est plus, le monstre pas encore
que devenir en ce monde écrasé ?
Nous sommes là posés sur notre mort,
chair contre chair dans ce vieux jour penchés,
las de marcher à l’encontre des aubes.

Il ne demeure entre l’homme et son ombre
qu’un peu d’espace où ses jours ont passé.
Astres de nuit, astres mangeurs de mondes,
je plante un cri comme un poignard volé
dans la poitrine où Dieu menait sa ronde.

Toute douleur me livre à ses extases.
Est-ce le crime ou la paix que j’attends ?
Parmi ces mots, se cachent des visages
dont j’ai si peur qu’il suffit d’un printemps
pour les jeter en pâture à mes phrases.

L’oiseau n’est plus, nul regard ne se lève,
On cherche en terre un trou pour y dormir,
mais il est tant de cadavres sans rêves
que l’homme en l’homme a fini par mourir
et que les mots se nourrissent de lèvres.

Robert Sabatier

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