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24 janvier 2010

Au temps où i fallait savoi bien parler, ou, François ou François ?

Classé dans : Langue — Miklos @ 9:33

Bien que les méthodes d’enregistrement sonore n’étaient pas développées à l’époque de Louis le bien-aimé, XVe du nom, il existe diverses indications sur la façon dont le français devait se prononcer alors. La Nouvelle méthode pour apprendre facilement les langues françoise et angloise d’Alexandre de Rogissard, publiée en 1724, fournit de précieuses précisions à ce sujet. Nous avons eu l’occasion de la citer pour l’étonnante ressemblance des dialogues qu’il propose pour apprendre le français avec ceux que Ionesco a inclus dans ses Exercices de conversation et de diction françaises pour étudiants américains, quelque 250 ans plus tard.

Voici quelques règles de prononciation qui prévalaient alors (entre crochets, nos commentaires).

Les François ont vingt-cinq Lettres dans leur Alphabet. A, B, C, D, E, F, G, H, I, (J,) K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, (V), X, Y, Z.

Il faut les prononcer ainsi. Aw, Bé, Cé, Dé, Eé, Ef, Gé, Awsh, Ee, (Ee,) Kaw, Ell, Eam, Ean, O, Pé, Kuu, Err, Ess, Té, Uû, (V,), Eexe, Ee Grec, Zed.

Au lieu du double U [W] ils se servent de la diphtongue ou.

On les distingue en Voyelles, Consones, & Liquides.

La Voyelle est une Lettre qui rend un son par elle-même. Il y en a Six, A, E, I, O, U, Y.

La Consone ne peut rendre un son qu’avec une autre Lettre ; par Exemple, B, comme s’il étoit écrit .

La Liquide est une Lettre qui a le son fort doux. Nous en avons quatre, L, M, N, R.

Une Consone à la fin d’un mot se perd, si une autre Consone ou Liquide commence le mot suivant, par Exemple, vous parlez bien [ce qui indiquerait que le z final se prononçait dans les autres cas]. Il faut prononcer, vous parlé bien.

Une Liquide ne se perd pas genéralement à la fin des mots, quoiqu’une Consone commence ceux qui suivent ; par Exemple, c’est un bon Prince. La Liquide N se perd pourtant quand elle se rencontre en la troisiéme personne du Pluriel des Verbes, si la voyelle e la précede dans la même Sillabe ; par Exemple, ils parlent, il faut prononcer I parle, en prose ; & en vers, I parlet, quand une voyelle suit. On l’écrit seulement pour distinguer le Pluriel d’avec le Singulier.

La Liquide R se perd aussi à l’infinitif des Verbes de la seconde Conjugaison ; par Exemple, On fait bâtir tous les jours, il faut prononcer, on fait bâti tous les jours. Elle se perd même quoiqu’une voyelle suive ; par Exemple, il fait bâtir une maison. On peut ne pas prononcer l’R.

La Liquide L se perd dans le mot, ils, quand la première lettre du Verbe qui suit est une Consone. Par exemple, ils parlent, lisez, I parle ; ils chantent, dites, I chante. Cette liquide se prononce devant une voyelle, par Exemple, il est.

L’l du mot ils devant les Verbes qui commencent par une voyelle se perd, on prononce seulement l’s ; comme ils ont, lisez, is ont.

À cette époque, les lettres i et j n’avaient pas encore pris leur autonomie. Dans le chapitre Du son de l’I, Rogissard écrit :

Notre j est aussi Consonne, quand il commence la Sillabe joint à une voyelle ; comme par exemple, jamais, jaloux, jetter, jour, juge, &c.

Il est voyelle quand une Consonne se rencontre devant dans la même Sillabe, comme au mot de particulier.

Il en va de même pour les lettres U et V. Dans le chapitre intitulé Du son de l’U, on lit ainsi :

L’V consonne se distingue que l’u voyelle, premierement par la difference que vous voyez dans leur caractere.

Secondement l’v consonne est toujours suivi d’une voyelle dans la même Sillable, par Exemple dans le mot, vous.

Mais l’u voyelle est presque toujours précedé d’une consonne ou liquide, dans la même Sillabe ; par Exemple en ces mots, Nature, Lueur.

Enfin, la proximité sonore des lettres i et y occasionnait parfois un rapprochement graphique ; dans certains usages, il a été remplacé plus tard par le i. On appréciera l’incise sur la solitude de l’Y.

Nous prononçons notre y comme notre i, & on se sert souvent à sa place de l’i marqué de deux points ï.

Nous le mettons ordinairement entre deux voyelles, comme dans les mots ayant, Monnoye.

Quand y fait une Sillabe par lui-même, il se peut mettre devant u consone ; comme dans le mot yvre.

Y, quoique seul, exprime un de nos adverbes de lieu ; par Exemple, nous disons, il y a, il y avoit, il y aura.

Pour finir, on citera la règle – fort complexe – qui résout un mystère pour nous : prononçait-on Le François alors comme se prononce aujourd’hui le prénom ? Et voici la réponse :

La Diphtongue oi, ou eoi, se prononce comme woy en Anglois, dans ces mots,

Accrois, boiteux, courtois, effrois, joie, loisir, Roi, François (nom propre) mémoire, noir, poisson, pourquoi, quoique, voilà, bourgeois &c.

& dans les Presens et Infinitifs des Verbes de la troisieme Conjugaison,

Recevoir, je reçois, voir, je vois, apercevoir &c.

Dans tous les Imparfaits ces deux Voyelles se prononcent comme ay en Anglois ; par exemple :

J’aimois, tu avois, il buvoit, il parloit, il dinoit, le diroit, &c.

Ainsi se prononcent aussi les voyelles oie, dans la derniere syllabe de la troisieme Personne du Pluriel de tous les Imparfaits :

Begayoient, debauchoient, buvoient, aimoient, diroient, demandoient, &c.

Plus de doute : François le nom propre, et François le qualificatif de l’habitant de la France (nous n’entrerons pas ici dans le débat sur son identité) se prononçaient alors François et Français, respectivement.

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