Miklos
« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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15 mai 2014

Devinette pas uniquement à l’intention des amateurs de danse

Classé dans : Danse, Livre — Miklos @ 21:44

De quoi s’agit-il dans cette description ?

« Un pas en avant. Un pas en arrière. Un pas à droite. Un pas à gauche. Double-passe en avant. Double-passe en arrière. Volte-face à droite. Volte-face à gauche. »

(voir la réponseMouvements d’escrime à la baïonnette effectués par des tirailleurs, in Jean Baptiste Soyer, Exercices et manœuvres d’infanterie, 1846.)

18 décembre 2013

L’homme sans gravité, ou, L’enfant qui ne voulait pas grandir

Classé dans : Actualité, Danse, Littérature, Musique, Théâtre — Miklos @ 3:14


Peter Pan faisant face à Capitaine Crochet
(ill. de F. D. Bedford pour l’édition de 1912 de Peter and Wendy).

“I’m youth, I’m joy,” Peter answered at a venture, “I’m a little bird that has broken out of the egg.” — J. M. Barrie, Peter and Wendy, New York, 1912.

C’est à la MC93 de Bobigny que j’ai découvert Bob Wilson : tout d’abord avec Alcestis en 1986, que j’avais perçu comme une sorte d’opéra silencieux et immobile composé de tableaux quasiment figés dont l’imagerie hiératique et saisissante allait droit au subconscient ; puis, en 1992, avec le fascinant Einstein On The Beach de Philip Glass – dont j’avais entendu un bref extrait sur Radio Classique en 1983 (aux tous débuts de la station), mais qui avait suffi pour me ravir et me faire acheter le coffret de 33T pour écouter l’œuvre dans son intégralité bien avant de la voir ainsi mise en scène.

En 1993, ce sera Orlando à l’Odéon avec Isabelle Huppert – et là je dois avouer que j’avais lutté sans réel succès contre l’ennui et la somnolence. Et puis je m’en étais graduellement désintéressé. Il y a bien eu The Old Woman le mois dernier au Théâtre de la Ville, mais le texte, incompréhensible et répétitif, pesait trop sur l’ensemble qui ne manquait pourtant pas de beauté et d’humour.

J’en étais resté avec le sentiment que Bob Wilson était un metteur en scène de l’immobile hyper­es­thétique – tant dans l’imagerie (frappante) que dans la musique l’accompagnant (souvent minimaliste) –, des couleurs primaires et des lignes simples (décors, parcours des acteurs sur scène…).

Le Peter Pan qu’il nous a été donné de voir au Théâtre de la Ville – dans le cadre du très riche Portrait Robert Wilson du Festival d’automne à Paris – casse ces schémas : léger, vif, drôle et parfois burlesque, magique et enchanteur, c’est une féerie tourbillonnante, un spectacle total représenté par une vingtaine d’acteurs-chanteurs-danseurs épatants, qui sert à merveille la dramaturgie à rebon­dis­sements et la musique lyrico-pop-gospel enlevée de CocoRosie – les sœurs Sierra et Bianca Casady – qui n’a rien de minimaliste, et qui est exécutée à perfection par le Berliner Ensemble.

J’ai été surpris de penser d’abord à la commedia dell’arte puis – d’évidence ! – à Omar Porras, que ce soit dans le tragique (La Visite de la vieille dame de Dürrenmatt) ou le fantastico-burlesque (L’Histoire du soldat de Stravinsky et Ramuz) : décors, costumes et masques, attitudes corporelles des acteurs, exubérance du mouvement sur scène… Si l’on retrouve la palette des couleurs primaires chère à Wilson dans l’éclairage (superbe), tout s’est enrichi sans commune mesure avec ce qu’il m’avait été donné de voir.

Mais l’immobilisme, qui ne caractérise plus la mise en scène, n’est pas absent, il est au cœur même de l’œuvre : c’est celui de Peter Pan lui-même, figé qu’il est dans l’enfance dont il ne veut pas sortir bien qu’il soit devenu, physiquement, un jeune adulte : c’est le type – voire l’archétype – du Puer Æternus dont Marie-Louise von Franz parle dans son ouvrage éponyme et dans une conférence disponible en français en ligne, adolescent aérien (le Petit prince de Saint-Exupéry et Icare en sont encore deux exemples qu’analyse von Franz dans son livre) et enchanteur, vivant dans un éternel présent hors des contraintes physiques et des attaches affectives, incapable d’aimer tout autre que sa mère forcément idéalisée. Ici, elle est perdue pour Peter Pan – il déteste donc toutes les mères –, qui ne peut se résoudre à suivre Wendy qu’il « aime » et à reprendre pied avec elle dans la vraie vie, celle de l’adulte et puis celle du couple. Plutôt mourir : ne chante-t-il pas d’ailleurs, avec les autres enfants du Pays des garçons perdus, « To die will be an awfully big adventure » (phrase qui se trouve dans le roman de James Matthew Barrie) ? Bob Wilson met d’ailleurs en scène au début et à la fin de la pièce un enfant, un vrai, dont la courte mais excellente performance scénique et vocale marque bien cet univers idéal parce que simple et sans engagement de l’éternelle enfance qui semble n’avoir de cesse de fasciner, d’une certaine façon, Bob Wilson lui-même…

8 novembre 2013

Life in Hell : vignettes

Classé dans : Actualité, Cuisine, Danse, Littérature, Peinture, dessin, Économie — Miklos @ 14:31


La consommation de pommes selon Spirou, ou,
“Ma io non mangerò mai una frutta, che non sia sbucciata.” (Pinocchio)
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«Geppetto, du long discours embrouillé de sa marionnette n’avait retenu que le fait qu’elle mourait de faim et il tira de sa poche trois poires qu’il lui tendit :

–– Ces poires devaient être mon déjeuner mais je te les donne volontiers. Mange-les et fais-en le meilleur profit.

–– Si vous voulez que je les mange, faites-moi donc le plaisir de les éplucher.

–– Les éplucher ? – s’étonna Geppetto – Je ne savais pas, mon garçon, que tu étais si délicat. Tu fais la fine bouche. C’est mal ! Dès le plus jeune âge, en ce bas monde, il faut s’habituer à manger de tout. On ne sait jamais ce qui peut arriver, car tout est possible.

–– Vous parlez d’or – répliqua Pinocchio, – mais moi je ne mangerai jamais un fruit qui n’est pas épluché. Je ne peux pas souffrir les peaux.

Alors le brave Geppetto, sortant un petit couteau et s’armant de patience, pela les trois poires en prenant soin de laisser les épluchures sur un coin de la table. »

Spirou, à l’instar de Pinocchio, ne mange pas de fruits s’ils ne sont pas épluchés. Mais Akbar n’est pas le gentil Geppetto.


Le ptérodactlyle hurlant chantant dans le métro.
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Lors de ses pérégrinations dans la capitale, le ptérodactyle chantant croise un regard éteint qu’il pense être celui d’Akbar. Mais le regard d’Akbar n’est jamais éteint même quand il dort. Ce dernier est donc disposé à fournir l’adresse d’un excellent opticien.


Spirou et la Calligraphe alsacienne apprennent à danser le rock.

28 octobre 2013

En deux ou trois mots…

L’encyclopédie de la parole/Joris Lacoste : Suite n° 1 « ABC ».

Au début était le mot. Un magma originel, une foison de mots que pro­noncent vingt-deux personnes debout sur une estrade faisant face à un chef d’orchestre. Ici et là se détache briè­vement une parole ou une bribe de phrase pour retomber aussitôt dans la masse.

Puis ce brouhaha se transforme, se métamorphose, en une série incroyable, sidérante, d’extraits de bandes annonces, de conversations télé­phoniques à une voix, de cours de langue anglaise avec un accent russe, d’une répétition d’orchestre ou d’un accouchement sans douleur : les interprètes, seuls ou en groupe – le plus cocasse étant sans doute ce groupe d’hommes et de femmes qui parlent à l’unisson de la voix de la femme qui accouche… – reproduisent le rythme, le phrasé, l’intonation, l’accent, la musique présents dans les matériaux originaux. Ce faisant, ils lui donnent une dimension très particulière : on les entend, on les écoute autrement, comme on écoute les dialogues appa­remment banals de La Cantatrice Chauve Ionesco ou la mélodie des phrases – non seulement prononcées mais écrites ! – de The Cave de Steve Reich.

Et si vous ne l’avez encore vu en octobre au Centre Pompidou, courrez voir ce spectacle à Montreuil en novembre.

Trisha Brown: For M.G. – Homemade – Newark

J’avais découvert Trisha Brown – et la danse postmoderne en général – en voyant, dans les années 1980, le film documentaire Making Dances: Seven Post-Modern Choreographers de Michael Black­wood (j’en avais précé­demment parlé plus longuement), mais n’avais pu voir que peu de ses choré­graphies. Fort heureusement, le Festival d’Automne à Paris et le Théâtre de la Ville – qui nous donnent souvent l’occasion d’assister à des merveilles de danse contemporaine (bon, il y a des exceptions, mais elles confirment la règle) – nous proposent deux spectacles de la Trisha Brown Dance Company en guise de rétrospective de six de ses créations entre 1966 et 1994. Il faut dire qu’elle a décidé de mettre fin à sa carrière extraordinaire (plus de 90 œuvres à son actif) pour des raisons de santé et fait ses adieux avec ses deux dernières œuvres (datant de 2011) présentées cette année de New York à Lyon.

Dans le premier de ces spectacles, For M.G. (1991) et Newark (1987) sont exécutés par sept danseurs, hommes et femmes, habillés en collants qui leur sont comme une deuxième peau. L’abstraction et la fluidité de leurs mouvements sur une scène nue et sous un jeu de lumières discret mais efficace est tout simplement fascinante. Quant à Homemade (1966), comment ne pas penser à Dance (1979) de Lucinda Childs ? Ces deux grandes œuvres combinent danse et film de cette même danse, d’une façon si semblable et si différente ! Ici, c’est un solo de danseuse qui porte sur son dos le projecteur du film : l’image évoluera sur le mur du fond ou vers la salle en fonction de ses propres mouvements, se déformera, disparaîtra pour réapparaître. Amusant, magique, intelligent. Ces chorégraphies d’une modernité intemporelle n’ont pas pris une ride et, on ose l’imaginer, n’en prendront pas de sitôt.

Et si vous n’avez encore vu son œuvre, le second spectacle se donne cette semaine au Théâtre de la Ville.

Francis Poulenc : La Voix humaine.

On a pu assister au Conservatoire de Paris à la représentation d’un chef-d’œuvre coup-de-poing, La Voix humaine de Francis Poulenc. L’ar­gu­ment : une femme se fait larguer au téléphone. Quoi de plus banal, de nos jours, où le téléphone est l’intermédiaire inévitable dans nos vies, de l’amour à la rupture ? D’abord, la pièce de théâtre de Jean Cocteau que Poulenc a adaptée date de 1930, et si les communications filaires d’alors étaient aléatoires, celles cellulaires d’aujourd’hui le sont souvent aussi dans leur genre. Ensuite, c’est un dialogue dont on n’entend que l’un des correspondants, en l’occurrence la femme, dont la souffrance est loin d’être banale – la souffrance n’est jamais banale pour celui qui souffre – et qui passe par toutes les phases de l’exaltation, de la légèreté et de la tendresse au désespoir le plus profond. Mais tel que le texte est écrit, comment ne pas entendre aussi en creux l’homme, tour à tour doucereux, menteur, manipulateur ?

Cette tragédie est en soi un chef d’œuvre, et la partition qu’a écrite Poulenc est remarquable et particulièrement difficile pour la voix musicalement parlant (le français est, en soi, déjà difficile à chanter !) : « Butterfly et Tosca c’est très facile à côté de ça, j’ai chanté les deux », disait Denise Duval, dont on ne peut oublier l’interprétation extraordinaire qu’elle en avait donnée. C’est elle qui a créé l’œuvre en 1959, il en existe un fameux enregistrement (et un film). Et à ce propos, voyez donc ce qu’elle en dit des années plus tard lors d’une master class (elle avait alors 78 ans, remarquable !).

Ici, c’est Raquel Camarinha, élève au Conservatoire, qui en a donné une fort belle interprétation musicale – timbre, phrasé, intonation, agilité et expressivité – sans apparent effort malgré la grande complexité de l’œuvre. Quant à l’élocution et la prononciation, elles étaient quasiment parfaites, à l’exception de quelques voyelles ici et là qui « sonnaient » étranger. Le jeu corporel (visage, mains, corps…), lui, semblait moins convaincant, voire étrangement inexpressif : après tout, c’est encore une très jeune femme, il lui faudra du temps pour se mettre dans la peau d’une femme probablement plus âgée et expérimentée, autant dans l’amour que dans la souffrance… Au piano, Yoan Hereau, qui a su se jouer, lui aussi, des difficultés de la partition (et parfois aussi de la mise en scène, quand la femme l’enlace tandis qu’il continue imperturbablement à jouer…). La mise en scène d’Aleksi Barrière est simple – aucun mobilier (le lit apparaît brièvement dans une vidéo qu’on aime ou non sur le mur du fond de la scène), deux objets : le téléphone, la boîte de cachets, et innove (ou trahit ?) : on peut se demander si c’est réellement un dialogue déchirant ou un monologue délirant… Quoi qu’il en soit, c’est une tragédie.

Et si vous voulez vous changer les idées et remonter le moral, voyez donc Francis Poulenc et Denise Duval (elle n’est pas la seule à chanter !) dans une performance particulièrement cocasse d’un passage des Mamelles de Tirésias… Les féministes apprécieront.

3 avril 2013

Curieux rapprochement

Classé dans : Danse, Langue — Miklos @ 9:14


Présentation de Brilliant Corners,
spectacle de danse d’Emanuel Gat au Théâtre de la ville (extrait).

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