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« Je donne mon avis non comme bon mais comme mien. » — Michel de Montaigne

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28 mai 2010

Brève histoire d’un carrefour

Classé dans : Histoire, Lieux, Photographie — Miklos @ 0:07

Beaubourg (rue) ; elle commence rue Simon-Lefranc, et finit rues Michel-le-Comte et Grenier-Saint-Lazare (…). Cette rue fut ouverte au milieu d’un bourg nommé le Beau-Bourg, renfermé dans Paris par l’enceinte de Philippe-Auguste. Dans l’origine, cette muraille la coupait en deux parties qui communiquaient de l’une à l’autre par une poterne ou porte. La partie renfermée dans la ville s’appelait rue de la Poterne ; celle qui était en dehors portait le nom de rue Outre-la-Poterne-Nicolas-Hydron.

Transnonnain (rue) ; elle commence rues Grenier-Saint-Lazare et Michel-le- Comte, et finit rue au Maire. (…) C’est une des premières rues que l’on ouvrit hors de l’enceinte de Philippe-Auguste. On la nomma d’abord rue de Châlons. Les évêques de cette ville y avaient leur hôtel. Le grand nombre de filles publiques qui habitaient cette rue lui fit donner, par tradition populaire, les noms de Trousse-Nonnains, Trace-put[ain], Tasse-Nonnain, et enfin, Transnonnain. On y remarquait jadis le couvent des Carmélites. Au coin de cette rue et de celle de Montmorency est le théâtre Doyen, le spectacle bourgeois le plus ancien de Paris.

Antony Béraud et P. Dufey, Dic­tion­naire historique de Paris. À Paris, chez les marchands de nou­veautés. 1832.

Nonne, Nonnette, Nonnain. Noms donnés autrefois aux Religieuses, & employés encore dans le style badin.

M. l’Abbé Roubaud, Nouveaux synonymes françois. À Liège. 1786.

Doyen (Théâtre), spectacle de société qui portait le nom de son fondateur. Doyen était un menuisier, qui peu d’années avant la révolution de 1789 fit construire, dans la rue Notre-Dame-de-Nazareth, un petit théâtre, qu’il louait à des amateurs pour des représentations dramatiques. En 1791 il céda sa salle à une entreprise qui voulait en faire un spectacle élémentaire et moral. La troupe était composée de jeunes gens, et l’orchestre formé d’artistes distingués. L’entrepreneur était un ancien officier de cavalerie ; mais la mauvaise gestion de ses deux associés et la pauvreté de son répertoire, dont une mauvaise pièce, intitulée La Boutique du Perruquier, était le chef-d’œuvre, le forcèrent de fermer boutique au bout de deux mois. Doyen reprit sa salle, qu’il agrandit et embellit pour les sociétés particulières. Il procurait des acteurs aux troupes d’amateurs qui n’étaient pas complètes, et au besoin il se chargeait d’un rôle, qu’il jouait toujours très-convenablement. Joignant l’exemple au précepte, il dirigeait les décorations, le jeu scénique, et son expérience était aussi utile que ses talents aux comédiens bourgeois qui venaient s’amuser et s’essayer sur son théâtre. Doyen était justement considéré pour son désintéressement et sa probité. Le prix du loyer de sa salle, y compris l’éclairage et le chauffage, était modique, et supporté par les amateurs, en proportion de l’importance des rôles dont chacun d’eux était chargé. De cette école sont sortis plusieurs bons acteurs et chanteurs pour la tragédie, la comédie et l’opéra. Il suffit de citer Picard, Arnal, etc.

La construction de la synagogue israélite, rue de Nazareth, obligea, vers 1815, Doyen à transporter sa salle rue Transnonain. Il continuait de la louer deux ou trois fois la semaine à des sociétés particulières, lorsqu’un arrêté du ministre Corbière prohiba, en avril 1824, tous les théâtres bourgeois où l’on vendait des billets au profit des amateurs qui y jouaient. Malgré de nombreuses réclamations, l’excellence bretonne ne voulut, dans son entêtement, faire aucune exception en faveur de Doyen. Celui-ci trouva plus d’indulgence en 1828 de la part du cabinet Martignac ; mais l’année suivante, sous le ministre La Bourdonnais, il fut assigné en police correctionnelle comme entrepreneur d’un théâtre sans autorisation. Doyen intéressa ses juges et son auditoire par la franchise de ses réponses et par ses cheveux blancs. Il fut acquitté, et la cour royale confirma ce jugement le 22 octobre suivant. Deux ans après environ, il mourait, plus qu’octogénaire, n’ayant pas eu la douleur de voir sa maison envahie et une partie de sa famille massacrée par suite des événements d’avril 1834. — H. Audiffret.

M. W. Duckett (ed.), Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous. Paris, 1854.

24 mai 2010

Paris du futur

Classé dans : Actualité, Environnement, Nature, Photographie, Récits — Miklos @ 22:50

Parions : la dernière crise n’en sera plus une, elle s’installera pour de bon et prendra un caractère endémique. Malgré les efforts des gouvernements nationaux, continentaux et mondial, l’inflation devenue incontrôlable atteindra de tels sommets que l’abandon de l’usage de la monnaie sera inéluctable avant même d’être décrété. Le troc s’y substituera là où le pillage ne régnera pas encore.

Parions : l’essence se raréfiera puis disparaîtra totalement des pompes. Les voitures rouilleront dans les garages et le long des trottoirs. L’électricité fera alors défaut, aucun moyen de transport public, de surface ou souterrain, ne sera plus en état de circuler, à l’exception des cyclotaxis et des bateaux-bus à rameurs.

Paris deviendra une immense ville piétonne. Les seuls véhicules encore autorisés à traverser la ville seront les chars à bœufs des halles, le nombre et la fréquence soigneusement limités pour éviter que les rues ne se transforment en fosses à purin. La plus belle avenue du monde (selon les agences de tourisme), la perle de la ville (d’après les guides), le casse-tête de la police municipale, les Champs-Élysées, se videront des embouteillages qui les caractérisaient.

Parions : la chaussée, négligée, se fissurera. Dans les interstices, les herbes folles commenceront à apparaître, et une végétation, d’abord rare puis plus dense, s’y développera. Au printemps, des pâquerettes, des lavandes et une multitude d’autres fleurs éclabousseront de leurs chatoyantes couleurs et parfumeront à l’ivresse l’avenue débarrassée des fumées noires et nauséabondes des tuyaux d’échappement d’antan. Les abeilles s’y multiplieront et produiront une variété de miel de Paris fort prisée à l’étranger.

Des jeunes pousses deviendront des arbres vigoureux : chênes, marronniers ou érables, platanes, bouleaux et cyprès, puis des espèces moins familières, leurs graines parvenues avec les vents et dans les fientes d’oiseaux de provinces de plus en plus lointaines : mûriers, figuiers ou oliviers, palmiers, épicéas, sapins et genévriers. Ensuite ce seront des espèces exotiques, pour certaines en provenance de serres de richissimes propriétaires de l’avenue, pour d’autres on ne sait trop comment : avocatiers, cocotiers et tamariniers, acajous et palissandres, baobabs et séquoias. On y verra pousser à profusion café, tabac, ananas et mangues, et on y cueillera, à la saison, mangoustans et lychees.

La forêt s’épaissira. Les seules lumières artificielles qu’on y apercevra seront les quelques feux rouges qui continueront à clignoter imperturbablement malgré la disparition des véhicules, du fait de leur alimentation par panneaux solaires, le son des klaxons remplacé par le pépiement des moineaux, le hurlement des singes, le hennissement des zèbres. Ici et là, un koala somnolera sur une branche d’eucalyptus. Les parisiens s’y aventureront avec plaisir, ce sera avant l’arrivée des loups attirés par les moutons et des ours alléchés par le miel. Il n’y aura encore aucun danger : les Indiens qui s’y réfugieront après la déforestation finale de l’Amazonie seront végétariens.

Dans les clairières tapissées de verdure fraîche, vaches et moutons paîtront placidement. Des chèvres s’attaqueront méthodiquement aux feuilles et aux branches des jeunes arbres, empêchant ainsi leur prolifération anarchique et une truie allaitera ses petits, béatement affalée à l’ombre d’un palmier. Au loin, on pourra encore apercevoir un temps le sommet de l’arc de triomphe de l’Étoile entre les cimes des arbres qui le dépasseront rapidement en hauteur.

Paris tenus ? Paris gagné ?

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2 mai 2010

Life in Hell : Jeff et Akbar s’en vont à Vienne

Classé dans : Lieux, Photographie — Miklos @ 3:30


Jeff et Akbar sont invités à prendre le five o’clock tea chez Sissi au palais de la Hofburg. Akbar révise assidûment son exemplaire des Règles du Savoir-Vivre dans la Société Moderne de la Baronne Staffe, chapitre « Les Visites » :

— La Baronne écrit que « En restant un quart d’heure, on fera preuve d’un parfait savoir-vivre », et que « dès qu’une légère accalmie s’est produite dans la conversation, on en profite rapidement pour saluer la maîtresse de maison, s’incliner circulairement et disparaître avec promptitude… qu’on soit reconduit ou non ». Si elle a raison, on fait comment, pour prendre le thé en quinze minutes ?

— Baronne mon œil, rétorque Jeff, c’est une roturière comme Jeanne-Antoinette Poisson ou Nadine Lhopitalier. Elle s’appelle Blanche Soyer ! C’est peut-être pour ça qu’elle n’a pas le droit de rester plus longtemps chez les aristos.

— Il faut qu’on se rappelle de laisser dans l’antichambre ou le vestibule nos parapluies, nos cache-poussières, nos doubles chaussures et notre pardessus, mais garder le chapeau à la main pendant toute la durée de la visite en veillant à ne jamais présenter à la vue des autres que l’extérieur du couvre-chef.

— Mais nous n’avons pas de niolle, on ne va pas en acheter pour en tenir à la main, on garde nos fez sur la tête ! lance Jeff exaspéré. Déjà que deux mains ne suffisent pas pour tenir la tasse sur sa soucoupe en y mélangeant le sucre et en grignotant un petit gâteau en même temps… Tu penses bien que je ne vais pas me priver de goûter à toutes leurs viennoiseries, affirme Jeff qui ne sait résister aux gourmandises.

— Tu penses qu’on pourra s’asseoir ? Si oui, on pose la tasse sur un genou, la viennoiserie sur l’autre, et on touille. Blanche dit que « quelques maîtresses de maison ne possèdent pas plus de deux fauteuils ».

— Dans ce cas, je m’assois par terre ! susurre Jeff, provocant.

— Bon, pour dire bonjour à Sissi, ce n’est pas si simple. D’abord, « on ne tend pas la main aux gens que l’on voit pour la première fois, dès le début de leur visite ». Ensuite, « il est clair que le temps est passé du salut prosterné, côté des hommes ». On ne pourrait « sans prêter à rire s’incliner jusqu’à terre, une main posée sur le cœur », et il ne nous est pas donné non plus « d’enlever d’un mouvement plein de désinvolture un feutre couvert de plumes pour en balayer le sol avec respect ».

— Heureusement ! Ils doivent bien avoir des femmes de ménage pour faire ça, non ? rigole Jeff doucement.

— Mais « le salut des hommes du monde nous paraît d’un ridicule achevé : il y a quelques années, les bras au-devant des genoux, ils pliaient le corps en deux, d’un mouvement raide, automatique. Aujourd’hui ils font le plongeon ».

— On n’est pas à la piscine, dis donc… On ne peut pas lui dire Bonjour Madame ? s’étonne Jeff.

— Blanche dit qu’on appelle une reine Madame, donc peut-être qu’on peut appeler l’impératrice ainsi ? Sinon, c’est quelque chose comme Votre Altesse Impériale ou Impériale et Royale ou même Sérénissime, il faudra vérifier dans le Gotha.

— On n’a qu’à tout dire, ça sera plus simple, tu ne penses pas ? ironise Jeff.

— Si les salutations à l’arrivée et au départ s’éternisent, tu ne pourras manger tes friandises… prévient Akbar.

— Alors je l’appelle Madame tout court, advienne (c’est le cas de le dire) que pourra. Au pire, elle ne nous réinvitera pas, conclut Jeff.

Jeff et Akbar sont les personnages d’une série de bandes dessinées de Matt Groening, qui est aussi le père de la fameuse – et infâme – famille Simpson.

11 avril 2010

Pise

Classé dans : Architecture, Lieux, Photographie — Miklos @ 13:42


L’Arno à Pise

Pise est, comme Florence, magnifiquement pavée ; c’est un plaisir de parcourir cette ville, soit à pied, soit en voiture. L’Arno, plus large ici, est bordé de quais magnifiques, qui communiquent entre eux par plusieurs beaux ponts, dont l’un est de marbre. On croirait que Pise, réduite, de 120 mille âmes, ou même de 180 mille, qu’elle contenait autrefois, à moins de 20 mille, doit présenter l’aspect d’une ville abandonnée, et que les cinq sixièmes au moins des maisons sont vides et en ruines ; il n’en est rien du tout, et on bâtit encore : seulement les habitants sont plus grandement logés qu’autrefois. En effet, nous avons trouvé Madame F…., qui nous avait obligeamment invités chez elle, logée dans un palais, qui à Paris se louerait mille louis par an, et ici peut-être pas cent. Le premier étage, seul habité, se compose d’une grande salle, longue de 48 pieds et large de 27, dont le plafond est sculpté et doré, de deux salons, d’environ 30 pieds sur 25, d’une grande salle à manger et de cinq chambres à coucher, sans compter les chambres de domestiques ; le rez-de-chaussée et le second étage, de la même étendue, ne sont point occupés. La plupart des fenêtres donnent sur l’Arno et ses magnifiques quais. Arrivés à la porte de cette belle maison (Palazzo Lanfranchi), ce ne fut pas sans difficulté que nous pûmes nous faire jour à travers la foule de mendiants qui l’assiégeait. On voyait là tout ce que la misère a de plus hideux ; hommes, femmes, enfants demi-nus, rongés d’ulcères et de vermine, demandant l’aumône à grands cris, quoiqu’un peu par habitude. À ces signes on reconnaît ici une maison charitable, et cela fait honneur au maître dans l’opinion. Personne en Italie ne songe à prévenir ce dernier degré de misère, en dirigeant et en encourageant l’industrie ; on ne s’en occupe que lorsqu’elle est à son comble, mais alors elle a son pain assuré ; les misérables ont leur curée comme les chiens à la porte des riches , et plus ils sont abjects, meilleure elle est. Avec un métier sûr comme celui-là, qui est-ce qui voudrait prendre la peine de travailler ? C’est sans doute aux institutions politiques qu’il faut attribuer cet état de choses. En effet, lorsque les personnes et les propriétés sont à la merci de l’arbitraire et de la corruption, lorsque les privilèges, les prohibitions, les exemptions, les restrictions entravent et découragent toutes les entreprises utiles ; lorsque les douanes, en embuscade sur les frontières de chacun des petits états qui découpent l’Italie et à l’entrée de toutes les villes de chaque état, obstruent la circulation des produits de l’industrie, cette industrie cesse d’être productive, et tout ce qui n’est pas prince devient mendiant. Si tel est l’état de la Toscane, sorte d’oasis politique en Italie, que sera le reste du pays ?

Louis Simond, Voyage en Italie et en Sicile. Paris, 1828.


Statue de Galilée

Le créateur de la philosophie expérimentale naquit à Pise. Ce noble fils d’une famille nombreuse et sans fortune montra dès son enfance une aptitude singulière pour les inventions mécaniques. À l’âge de huit ans il imitait, dit-on, toutes sortes de machines ; il en imaginait de nouvelles, et quand il lui manquait des matériaux nécessaires, il ajoutait des pièces de son invention. Son père, qui habitait Florence, lui fit faire ses études littéraires dans cette ville, mais il avait peu de ressources pécuniaires. Le jeune Galilée, qui connaissait les difficultés de sa position, entreprit d’en sortir honorablement. Il commença par cultiver avec succès la musique théorique et pratique, cet art charmant dans lequel son père excellait ; puis il acquit dans l’art du dessin un goût si parfait que des peintres habiles voyaient en lui un véritable artiste.

Enfin, son père l’envoya étudier la médecine à Pise, dans l’espoir que cette science lui procurerait tôt ou lard une existence aisée. Le jeune homme, alors âgé de dix-huit ans, profita on ne peut mieux d’une si belle occasion de s’instruire ; mais il ne tarda pas à devenir libre-penseur : il osa plusieurs fois combattre, dans des discussions académiques, les plus fermes défenseurs d’Aristote.

Un jour qu’il se trouvait dans la cathédrale de Pise, Galilée, âgé do 19 ans, fit la première de ses découvertes. Pendant l’office, il remarqua le mouvement réglé et périodique d’une lampe suspendue à la voûte du temple, ce qui lui permit de confirmer par de nombreuses expériences l’égale durée des oscillations de cette lampe. Il comprit aussitôt quel pouvait être l’usage de ce phénomène pour la mesure exacte du temps, mais il n’appliqua cette idée que fort longtemps après l’avoir conçue, pour la construction d’une horloge destinée aux observations astronomiques. À l’époque où il fit cette découverte, devenue depuis si importante, Galilée ne connaissait pas les mathématiques ; il n’avait pas même le désir de les apprendre, et son père ne demandait pas mieux que de le voir dans ces dispositions. Toutefois, celui-ci eut l’imprudence de lui dire que les principes de la musique et du dessin dépendent des mathématiques ; et il n’en fallait pas davantage pour donner à cette rare intelligence l’envie de les étudier.

À peine entré dans ce genre de spéculations, il fut saisi par le charme de la possession certaine, charme nouveau pour lui; ce qui le porta à sacrifier au génie d’Euclide ceux de Galien et de Platon. Toutefois, son père, qui voulait en faire un médecin, ne lui permit d’abandonner les études médicales qu’après avoir bien constaté qu’il était vraiment né pour les sciences exactes.

Galilée qui s’était déjà distingué, à son insu, par sa découverte sur le mouvement oscillatoire et par son talent de dialecticien, imagina la balance hydrostatique après avoir lu le traité d’Archimède sur les corps qui nagent dans les fluides; puis il fit ensuite des recherches sur le centre de gravité des solides, recherches qui lui valurent, à l’âge de vingt-cinq ans, la chaire de mathématiques de l’université de Pise. Excité par cette faveur qu’il attribuait surtout au grand-duc Ferdinand, il ne négligea rien pour la justifier.

Il démontra d’abord par l’expérience que tous les corps sont également sollicités par la pesanteur, et que les différences entre les espaces qu’ils parcourent dans leur chute libre, en des temps égaux, proviennent de l’inégale résistance que l’air leur oppose, selon leurs différents volumes; puis il établit la véritable théorie du mouvement uniformément varié.

Ces premiers succès de Galilée dans la philosophie expérimentale irritèrent contre lui les partisans de la vieille philosophie. Il quitta donc la chaire de Pise, en 1592, pour se soustraire à leurs tracasseries.

Charles Redouly, A, B, C de l’X. Grammaire et lo­gi­que des mathématiques élémentaires. Paris, 1867.


Le Dôme et la Tour penchée

Le plus singulier édifice de Pise est le Campanile Torto ou la Tour penchée : sa base, ornée de colonnes, supporte six rangs d’arcades surmontés d’une tour d’un diamètre moins considérable que la base ; sa hauteur est de 190 pieds ; son inclinaison, depuis le pavé de la place sur laquelle elle s’élève, est de 15 pieds jusqu’au sommet. A la vue de ce monument, qui date de 1274, il est difficile de décider si l’intention des architectes, comme on le croit communément dans le pays, a été de le construire avec cette étonnante inclinaison, ou si, comme le pensent quelques personnes de l’art, cet effet n’est que le résultat de l’affaissement du sol. Cependant l’opinion la plus probable est que le sol s’est affaissé lorsqu’elle était à moitié de sa hauteur, et qu’ensuite elle fut continuée sur le même plan et dans la même inclinaison. Non loin de cet édifice, les cicérone vous montrent avec vénération le Campo-Santo, vaste cour rectangulaire environnée d’un portique et de 24 galeries dont les murs sont ornés de 41 fresques des quatorzième et quinzième siècles, et très curieuses pour l’histoire de l’art : des maîtres fameux y ont travaillé. Plus de 600 tombeaux, la plupart en marbre de Paros, ornent cette religieuse enceinte, ce cimetière unique dans l’univers, et qui date de l’an 1278. Il renferme, dit-on, sur une superficie de 10,000 pieds carrés, une épaisseur de 9 pieds de terre apportée de Jérusalem à l’époque de la troisième croisade : on a calculé que ce transport a dû employer 50 navires de 300 tonneaux chacun. On prétend que cette terre a la propriété de consumer les corps très promptement. Autrefois cet effet se produisait en 24 heures; aujourd’hui on avoue qu’il en faut plus du double, et peut-être qu’en y regardant de près, on reconnaîtrait qu’il y a erreur dans cette évaluation : de pareils miracles ont besoin d’être confirmés par des expériences positives.

Malte-Brun, Géographie universelle, ou, description de toutes les parties du monde sur un plan nouveau. Paris, 1853.

9 mars 2010

Le regard du chat

Classé dans : Littérature, Nature, Photographie — Miklos @ 1:04

Câline

Plutarque, de Isid. & Osir., pag. 376. [Les Égyptiens] représentent la Lune par le Chat, à cause que cet animal est changeant, qu’il veille la nuit et est fertile. (…) D’ailleurs, les prunelles de ses yeux paraissent s’élargir & s’étendre dans la pleine Lune, & au contraire s’appetisser & se rétrécir durant les décroissements de cet Astre.

David Shaw, Voyages de Monsr Shaw, M.D. dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant. 1743.


Petit museau, petites dents,
Yeux qui n’étaient pas trop ardents,
Mais desquels la prunelle perse
Imitait la couleur diverse
Qu’on voit en cet arc pluvieux
Qui se courbe au travers des cieux.

Joachim du Bellay, Épitaphe d’un chat.

Il parait que l’éclat, le brillant, la splendeur qu’on remarque dans les yeux du chat, vient d’une espèce de velours qui tapisse le fond de l’œil, ou du brillant de la rétine, à l’endroit où elle entoure le nerf optique.

Mais ce qui arrive à l’œil du chat plongé dans l’eau est d’une explication plus difficile, & a été autrefois, dans l’académie des sciences, le sujet d’une grande dispute.

Denis Diderot, Encyclopédie, 1782.

Quand mes yeux, vers ce chat que j’aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement,
Et que je regarde en moi-même,
 
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement.

Charles Baudelaire, « Le Chat », in Les Fleurs du Mal.

Les chats sont des chats tout court, et leur monde est le monde des chats d’un bout à l’autre. Ils nous regardent, direz-vous ? Mais a-t-on jamais su, si vraiment ils daignent loger un instant au fond de leur rétine notre futile image ? Peut-être nous opposent-ils, en nous fixant, tout simplement un magique refus de leurs prunelles à jamais complètes ?

Rilke-Balthus, Lettres à un jeune peintre, cité par Marie-Françoise Notz in « Balthus : le secret de la licorne et le chat au miroir » (Modernités 14. Dire le secret, Presses univ. de Bordeaux, 2001).

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